Cuivre dans les sols
Pas de solution miracle, mais des leviers

Françoise Thomas
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L’un des ateliers de la Biolo’Week, proposée fin octobre par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, s’est intéressé à la fertilité des sols et au cuivre en viticulture biologique. Il est indéniable que les sols viticoles se retrouvent aujourd’hui pour la plupart impactés par la quantité de cuivre présent après des décennies d’utilisation, et aucune alternative sérieuse n’est actuellement proposée. La rencontre menée par Mathieu Oudot, conseiller viticole et animateur agriculture biologique à la CA71, a permis de faire le point sur l’impact du cuivre sur la fertilité des sols, à partir de l’expérience d’un domaine.

Pas de solution miracle, mais des leviers
Nicolas Jobard (à gauche) a expliqué les leviers mis en place par le domaine Gouffier pour limiter le recours au cuivre, des informations complétées par Mathieu Oudot (à droite) de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.

Depuis son arrivée en 2011 comme gérant, Frédéric Gueugneau a opéré progressivement de multiples changements au domaine Gouffier, situé à Fontaines.
« Il y a eu, dans un premier temps, à retravailler le sol différemment, présente aujourd’hui Nicolas Jobard, puis il y a eu toute une évolution au niveau de la taille de la vigne », poursuit le responsable de culture.
En parallèle, Frédéric Gueugneau et toute son équipe ont dès le départ engagé la réflexion sur la réduction des quantités utilisées de produits phytosanitaires.
Une modification progressive de la conduite de culture qui a naturellement engagé le domaine dans la conversion bio en 2019.

Opérer différemment

Pour rejoindre la thématique du jour, Nicolas Jobard précise qu’ils sont actuellement bien en-dessous des 4 kg de cuivre par an et par hectare, seuil maximal autorisé en viticulture biologique « et on arrive à s’en sortir ! ».
Cependant, le jeune homme indique que tout ceci implique « beaucoup plus de travail manuel » et de s’équiper de matériels adaptés. « On se doit de plus soigner le sol et sa fertilité ». Pour cela, ils procèdent à du microbutage permettant tout à la fois de ne plus détruire les racines présentes sous les premiers centimètres et de mieux drainer le sol sans trop perturber sa vie microbienne.
Le domaine s’est aussi équipé d’un chenillard, pour pouvoir passer dans un maximum de configuration : « c’est l’outil indispensable pour ne pas louper de traitement ».
Un soin particulier est également consacré au réglage du système de pulvérisation pour ne passer que le strict nécessaire.

Au niveau des pratiques culturales, le responsable de culture évoque également la rigueur observée au moment du relevage, ou la vigilance apportée au nombre de bourgeons. « Ce que l’on recherche, c’est de favoriser la circulation du vent, pour assécher plus vite ».
Il le reconnaît volontiers : « on passe plus de temps sur chaque opération, donc beaucoup de temps dans les vignes, mais nous partons du principe que le potentiel du vin se crée dès le raisin ».

Le domaine teste aussi différentes pratiques : la biodynamie sur un hectare ; le broyage des sarments ; et l’année prochaine, l’agroforesterie à proximité des vignes d’aligotés.
L’idée derrière toutes ces initiatives est « de ramener de la vie dans le sol, pour que celui-ci travaille à notre place ». À terme…

Peu de solutions annexes

En parallèle, Mathieu Oudot de la chambre d’agriculture rappelle que les viticulteurs bios font toujours face « à un manque cruel d’alternatives au cuivre ». Il y a bien l’huile essentielle d’orange douce « efficace mais sans rémanence », le Cos-Oga (une molécule naturelle) ou les PNPP (préparation naturelle peu préoccupante), mais au niveau d’efficacité peu satisfaisant, surtout en année à forte pression.
Il existe aussi les solutions de phytoextraction, consistant à recourir à certaines plantes pour nettoyer les sols, mais elles ne semblent pas non plus des solutions pérennes : d’une part parce que les quantités extraites sont vraiment très faibles par rapport aux teneurs de cuivre présentes dans le sol, et d’autre part parce que la question de la valorisation de ces végétaux chargés en cuivre se pose également. Aucune filière n’existe à ce jour.
Pour le technicien chambre en charge de fertilisation et de la protection des sols, en attendant une alternative réelle et efficace au cuivre, mieux vaut jouer sur des leviers comme le positionnement et le réglage des doses, et jouer sur la fertilité et sur le travail du sol. Ce que pratique le domaine Gouffier.

Situé en côte chalonnaise, le domaine Gouffier représente aujourd’hui 9 ha de parcelles de vigne et propose une belle carte des vins avec ses rully, mercurey et montagny (dont des premiers crus pour chacune de ces appellations), bouzeron, bourgogne aligoté et bourgogne côte chalonnaise.