Substituts végétaux : la fin d’un phénomène ?
Le pôle de compétitivité agro-alimentaire Vitagora basé à Dijon s'est intéressé aux substituts végétaux en posant la question : " est-ce la fin d’un phénomène ?". Car si pour répondre aux attentes des consommateurs, les industries agroalimentaires - qu’elles soient traditionnelles ou innovantes - grandes entreprises ou start-ups, ont lancé des déclinaisons végétales des produits carnés : boulettes végétales, steaks à base de légumineuse, nuggets de pois chiches, etc. Mais est-ce durable ?

C'est indéniable, le bruit médiatique autour de ces « fake meat » - faux-ami de la langue de shakespeare qui ne veut pas dire "fausse viande" mais "imitation de viande" en français - commence à changer de cap. Un article du New York Times a lancé un pavé dans la mare et déchaîne les opinions : « De l’absurdité des viandes alternatives, pourquoi ? ». Arrive-t-on à la fin du phénomène des substituts végétaux ? Approche-t-on de la maturité d’un marché devenu "mature" ? Le directeur de Vitagora, Christophe Breuillet livre son analyse éclairé.
Au-delà du bruit médiatique, la réalité du marché
Alors, tendance qui s’affirme ou phénomène qui s’effrite ? Tout d’abord les chiffres. En 2016, le marché des substituts végétaux à la viande a enregistré en France une croissance de 82%. Aux Etats-Unis, en 2018, ces mêmes ventes ont augmenté de 23 %. A travers le monde, le nombre de lancements de produits avec un positionnement végétal a augmenté de 62 % entre 2013 et 2017.
Du côté des prédictions, l’avenir semble rose pour les substituts végétaux : la banque d’affaires américaine JP Morgan estime que le marché de la "viande" végétale « pourrait facilement atteindre 100 milliards de dollars (88 milliards d’euros) dans 15 ans ».
Si la tendance des substituts végétaux semble inégale d’une partie à l’autre du globe - plus récente et donc plus attractive en France alors que le marché commence à se ralentir aux Etats-Unis -, elle ne semble pas prête à s’essouffler.
Ne jamais perdre de vue les clients
Toutefois, de nombreux experts commencent à remettre en question ces « fake meats ». Ces produits qui copient la viande d’un point de vue organoleptique (goût, texture, couleur…) sont le résultat de recettes mélangeant dix-huit ingrédients pour le Beyond Burger et vingt-un pour l’Impossible Burger – dont le célèbre hème, une molécule présente principalement dans les globules rouges et qui contient un atome de métal (souvent du fer). Pour qu’il soit végétal, cet « ingrédient magique », comme l’appelle la start-up, est obtenu en l’occurrence par fermentation de levure issue d’ingénierie génétique.
Une innovation de rupture fascinante pour l’industrie agroalimentaire… mais finalement, peu ragoûtante pour les consommateurs ! Or, il ne faut jamais perdre de vue le marché et les consommateurs....
Car la vraie tendance de fond reste : qualité, santé et préservation des ressources. La question de fond est donc : qui sont les consommateurs à la recherche de végétal dans leur alimentation ?
Déjà, ce sont rarement des végans excluant totalement toute source de produit animal dans leur consommation. Ce sont plus souvent des flexitariens (35% des Français), qui augmentent la part du végétal dans leur assiette sans pour autant supprimer la viande. Les ventes de viande en France n’ont d’ailleurs pas diminué : elles se sont déplacées d’une consommation à domicile vers une consommation hors foyer. Et 90% de la population française continue de manger de la viande plus de trois fois par semaine.
Si les végans sont motivés avant tout par la cause animale, ce n’est pas le cas pour les flexitariens. Ceux-ci recherchent une alimentation de qualité, bonne à la santé, et parfois (de plus en plus), respectueuse des ressources terrestres.
Quel avenir pour les substituts végétaux ?
Alors, si le « phénomène » touche peut-être à sa fin, on sort bel et bien de la « mode » pour déboucher sur une tendance de fond.
Pour les industriels de l’agroalimentaire, cela signifie tourner la page des « substituts de viande » pour proposer des produits protéiques qui ne cherchent pas à reproduire le goût ni la texture de la viande. Deux axes de développement sont à considérer :
Les produits mixtes : ceux-ci ne revendiquent pas un positionnement végétal, mais leur teneur en viande est réduite (grâce à un remplacement partiel par des légumineuses par exemple).
Les produits 100% végétal, qui ne cherchent pas à reproduire la viande, mais qui sont tournés autour de l’expérience consommation.
L'avenir le dira mais pour les plus intéressés, Vitagora a réalisé un dossier "Les alternatives végétales à la viande" qui est réservé à ses membres par contre.