PRÉDATION
Loups : Bruxelles propose un changement du statut de protection
Sur la base d’une nouvelle analyse, la Commission européenne a proposé de revoir le statut de protection du loup dans la convention de Berne, étape préalable à un reclassement au niveau européen en vue de permettre aux États membres d’avoir recours à des mesures de gestion des populations plus souples.
Comme s’y était engagée sa présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne a présenté le 20 décembre une proposition de décision, qui devra être validée par les États membres, visant à adapter le statut de protection du loup au titre de la convention internationale de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. Bruxelles propose de faire passer le loup d’un statut de protection stricte (annexe II) à une protection simple (annexe III) permettant des mesures de gestion des populations plus souples. Cette modification est une condition préalable à tout changement similaire de statut au niveau de l’UE dans le cadre de la directive Habitats. Le loup relève actuellement de l’annexe IV (statut de protection stricte) dans la directive Habitats et pourrait donc être déplacé vers l’annexe V (statut de protection simple). Avant cela, il faudra dans un premier temps un vote à la majorité qualifiée en faveur de la proposition au sein du Conseil environnement. Si elle obtient son feu vert, la Commission européenne espère être en mesure de soumettre sa proposition lors de la 44e réunion du Comité permanent de la convention de Berne qui se tiendra du 2 au 6 décembre 2024. Mais elle pourrait aussi solliciter la tenue d’une réunion exceptionnelle à la fin du premier semestre 2024.
65 500 têtes de bétail tuées chaque année
Selon la convention de Berne et la directive Habitats, si une espèce est « protégée » (et non plus « strictement protégée »), la chasse peut être autorisée, en tenant compte de l’état de conservation des populations. La chasse à cette espèce doit être soigneusement réglementée par les États membres qui sont toujours tenus de veiller à ce que l’état de conservation favorable soit atteint et maintenu pour les populations de leurs régions biogéographiques. L’analyse de la Commission européenne, qui s’appuie sur les données récoltées auprès des États membres, montre que les populations de loups ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, atteignant « 20 000 individus avec des aires de répartition en expansion, ainsi que des meutes de reproduction dans 23 États membres ». « Cette expansion a conduit à des conflits croissants avec les activités humaines, notamment concernant les dégâts causés au bétail, avec une forte pression sur des zones et des régions spécifiques », souligne Bruxelles. Les loups dans l’UE tuent chaque année au moins 65 500 têtes de bétail, dont 73 % sont des moutons et des chèvres, 19 % des bovins et 6 % des chevaux et des ânes (pour la plupart élevés pour la viande). Mais à échelle de l’UE, l’impact sur le bétail reste très faible (avec une mortalité annuelle de 0,065 %), précisent les auteurs de l’analyse. Ces dommages coûtent à l’UE environ 18,7 millions d’euros en réparation. La France est le pays où ces compensations sont les plus élevées avec environ 4,10 M€ d’indemnisation en 2022.
Absence de rapport officiel
La présidente de la Commission européenne s’était engagée fin août à revoir le statut de protection du loup d’ici la fin de l’année. Pour prendre cette décision, elle avait demandé aux États membres de lui faire parvenir des données actualisées sur les populations de loups. « Enfin ! » s’est félicitée Christiane Lambert, qui préside le Copa-Cogeca. « Il ne s’agit pas d’éradication, mais d’assurer une véritable coexistence harmonieuse entre les éleveurs et les loups », salue l’organisation professionnelle. Au Parlement européen, qui s’était prononcé il y a un an pour un déclassement du loup, les Français Jérémy Decerle (centriste) et Anne Sander (droite) ont aussi salué la proposition de la Commission européenne. Les ONG (Birdlife, EBB, WWF) dénoncent une décision électoraliste (à l’approche des Européennes de juin 2024) prise sur la base de données floues et sans publication du rapport officiel concernant l’état de la biodiversité attendu pour 2026 sur la base des données récoltées en 2025. Verdict dans les prochains mois !