Élevage avicole
Le confort animal comme base de réussite

Françoise Thomas
-

Le Gaec Labrosse élève bovins allaitants et canards du côté de Chassigny-sous-Dun, près de La Clayette. Si les premiers évoluent au gré des saisons en pâture ou en stabulation, les seconds sont répartis en deux lots. L’un de ces lots bénéficie d’un bâtiment spécialement pensé et conçu dans une optique bien-être animal. Une conception qui vise conditions d’élevage optimales, confort de travail et rentabilité.

Le confort animal comme base de réussite
Patrice Labrosse, en Gaec avec sa femme, élève canards de Barbarie et vaches limousine à Chassigny-sous-Dun.

La ferme de Patrice et Stéphanie Labrosse se répartit en plusieurs bâtiments distincts, témoins de l’évolution perpétrée au fil des années et des générations.

Aujourd’hui, la majorité du chiffre d’affaires du Gaec est assurée par les canards de barbarie. Ceux-ci sont en système intégration via la coopérative des producteurs avicoles de Saône-et-Loire (CPASL) dont Patrice Labrosse est président.

Le couple, comme six autres élevages du secteur, sont dans une démarche spécifique Bien-être animal. « C’était une demande de l’abattoir Palmid’Or, avec lequel la CPASL travaille exclusivement pour ce projet, de proposer autre chose pour se démarquer », explique l’éleveur. Cela s’est traduit par l’exigence d’une conception technique et certifiée, mais avec au final une meilleure valorisation des canards.

Une optique qui venait de toute façon en résonance avec l’envie de l’éleveur de faire évoluer ses pratiques d’élevage.

Bâtiment high-tech

Patrice et Stéphanie Labrosse accueillent ainsi chaque année jusqu’à quatre lots de 17.000 canards dans leurs bâtiments. L’une de ces structures est l’ancienne porcherie entièrement réaménagée en canardière en 2014, la seconde est donc le bâtiment prototype de la démarche bien-être animal, le bâtiment BEA.

À l’intérieur de ses 600 m², tout est parfaitement géré et contrôlé pour garantir aux palmipèdes un confort optimal : température, hygrométrie, ventilation, qualité de l’eau. Des fenêtres laissent entrer la lumière naturelle et, la nuit, le bâtiment est plongé dans le noir pour offrir de vraies périodes de repos aux animaux.

Mais l’une des principales particularités est la litière accumulée en sciure. « C’est ce qui se pratiquait historiquement chez nous, rappelle l’éleveur. Dans notre zone de bois et de forêts, on trouvait de nombreuses scieries et il en reste encore quelques-unes ! ». Et de souligner l’aspect très absorbant de la sciure, idéal pour les fientes particulièrement liquides de ces animaux grands consommateurs d’eau…

Ce qui est intéressant dans toute la démarche menée notamment par Patrice Labrosse, c’est qu’en parallèle du bien-être de l’animal, celui de l’éleveur n’est pas non plus laissé pour compte. Ainsi, avec l’appui technique de Philippe Buchet, de l’établissement éponyme de matériel agricole basé à Tancon, l’éleveur de Chassigny-sous-Dun a mis au point une épandeuse à sciure : « pour parcourir chaque jour les 600 m² du bâtiment cela me prend 10 minutes, sinon il nous faudrait 1 h 30 à deux ! ».

Accès extérieur

Et des aménagements de la sorte, pensés maison, il y en a d’autres. Par exemple, la mise en place de tuyaux de canalisation percés et remplis d’eau, dans lesquels les canards peuvent venir tremper le cou et la tête et satisfaire ainsi leur besoin de barboter. L’absence du développement de la glande uropygienne chez les canards d’élevage ne leur permet de toute façon pas de pouvoir se baigner entièrement.

L’autre grand intérêt de ce concept bien-être animal est de proposer une galerie à l’air libre sur toute la longueur du bâtiment. L’hiver, les canards y ont accès dès que leurs plumes se sont entièrement formées. Fermée par un grillage, la galerie préserve les animaux de la faune extérieure.

Cela offre par ailleurs un espace supplémentaire aux animaux dont la densité a déjà été revue à la baisse avec 10 canards par m² contre 15 habituellement.

Le concept séduit autant les éleveurs pour les conditions d’élevage qu’il procure, que les consommateurs qui s’y retrouvent dans la qualité de la viande à la chair ferme et jaune. Pour autant, la CPASL ne se précipite pas dans l’installation de nouveaux bâtiments BEA : « le marché du canard BEA est en train de se mettre en place, et hors de question pour nous de produire ce qui n’est pas vendu ». La démarche bien-être animal étant indispensable de la notion de rentabilité économique indispensable au bien-être de l’éleveur.

Nouvelle génération
Les clients nord européens ou suisses de l’abattoir Palmid’Or sont très sensibles aux questions de bien-être animal. Les éleveurs adhérents de la CPASL reçoivent ainsi souvent des délégations qui viennent constater leur façon de travailler.

Nouvelle génération

Une nouvelle génération de bâtiments bien-être animal existe désormais. D’une superficie de 1.500 m², ils permettent la mise en place de 15.000 canards. « Nous restons donc avec 10 canards par m², ces dimensions assurent une bonne optimisation économique tout en restant à taille humaine », explique Patrice Labrosse.

« Les canards sont des animaux dégageant beaucoup d’humidité, le nerf de la guerre est donc la conception de la ventilation qui demande à être très précise et parfaitement bien gérée ». Le bâtiment installé chez lui était le premier de cette démarche. Il a véritablement permis d’étudier et de réajuster différents paramètres notamment la largeur qui est passée de 10 m à 15 m et les entrées d’air qui se font désormais des deux côtés avec extraction haute par convexion.

Quelle qualité pour le lisier ?

Le GIEE le bonheur est dans le poulailler, lancé par la CPASL pour pousser au maximum toutes ces questions bien-être, a diligenté une étude sur le lisier produit par ses élevages de volailles (la CPASL compte aussi des élevages de poulets). Le but était de mesurer l’impact sur l’environnement de l’épandage de ces effluents d’élevage et d’en maximiser les capacités d’amendement. « Il en est ressorti, contre toute attente, que la sciure de résineux utilisée n’acidifie pas le sol et contribue même à en augmenter le pH, rapporte Patrice Labrosse. La fiente est un bon amendement calcique qui permet une bonne transformation de l’azote ». L’éleveur précise que ces bons résultats sont conditionnés à un fumier composté pendant minimum un mois et demi et à un lisier enfoui au moment de son épandage.

Bien-être et rentabilité

Bien-être et rentabilité

Le bâtiment ne fait pas tout, bien évidemment. « Aujourd’hui, la CPASL travaille à l’amélioration des résultats techniques, relate Patrice Labrosse, via notamment l’étude des indices de productivité ». Ceux-ci permettent de répertorier, étudier, comparer tout un ensemble de données : consommation aliment, mortalité, densité d’élevage, gestion sanitaire, etc., de ramener ceci au poids d’aliment consommé par kilo de canard produit et de calculer, in fine, la marge brute qui revient à l’éleveur pour chaque canard vendu.

L’analyse de ces données permet ainsi aux éleveurs de voir sur quel(s) poste(s) ils peuvent encore s’améliorer…

Évolution de l’exploitation

Évolution de l’exploitation

Un second atelier est présent sur l’exploitation avec 75 vaches limousines. « Le parcours est classique avec commercialisation des mâles en maigre, en gras pour les femelles ». Mais l’éleveur souhaite réduire progressivement ce troupeau : « notre objectif sous deux ans est d’être à maximum 45-50 vêlages ». L’idée étant de préparer l’exploitation à une reprise… ou non.

En parallèle, les 90 ha de SAU (majoritairement en location) fournissent pâture, fourrage (maïs, enrubannage et foin) et céréales, garantissant presque l’autonomie pour l’alimentation des bovins.

Pour cet atelier aussi, Patrice Labrosse a recherché un maximum de bien-être pour les animaux et de facilité de travail pour lui. En stabulation libre, les animaux disposent de beaucoup d’espace et, il y a quelques années, « l’aménagement d’une zone solarium a permis de multiplier par deux la surface disponible par animal. Cela a amélioré l’ambiance du troupeau et les conditions sanitaires », constate-t-il aujourd’hui.

Tout étant mécanisé au maximum, l’éleveur s’est organisé pour ne pas avoir à procéder à une tournée paillage et alimentation chaque jour à tous les lots.

Ces animaux partent pour moitié en Italie, l’autre partie est écoulée via Bigard, en qualité bouchère.

Une poignée d’animaux sont vendus en caissette directement à la ferme ou via des points de livraison regroupés et établis.