Azote
Oxyane : « L’anticipation a été le mot-clé »

Julien Chatain, responsable de l’offre de la coopérative Oxyane, analyse les conséquences de la flambée du cours des matières premières azotées sur les cultures de printemps.

Oxyane : « L’anticipation a été le mot-clé »
Julien Chatain, responsable de l’offre de la coopérative Oxyane.

L’augmentation du prix des intrants et notamment de l’azote ces derniers mois n’est pas sans conséquences dans les exploitations. Achats, assolements, marchés des céréales : quels sont les impacts ?
Julien Chatain : Il y a trois éléments différents. D’une part, les projections de commercialisation sur les semences de céréales à paille montrent que les surfaces sont stables en Rhône-Alpes. Mais le colza a fortement augmenté : entre 1.500 et 2.000 ha en plus, ce qui est un retour aux surfaces habituelles. Donc les surfaces en cultures d’automne sont en légère hausse. En culture du printemps, le maïs est à la baisse au profit du soja. D’autre part, on assiste à une forte augmentation du coût de l’azote qui a été multiplié par trois en un an, passant de 250-300 euros au printemps à plus de 800 euros/t aujourd’hui. Enfin, certains agriculteurs peuvent faire le choix de modifier leurs assolements pour avoir moins d’azote à acheter.

Comment la coopérative Oxyane a réagi ?
J.C. : Nous avons, dès cet été, fortement incité les agriculteurs à se couvrir en azote tôt. Nous avons proposé de mutualiser les achats d’ammonitrate à un prix moyen de 480 euros/t, soit moins du double que le prix de l’an dernier. La communication est passée auprès des équipes dès l’été 2021, puis nous avons envoyé un courrier à tous les agriculteurs autour du 20 septembre. Nous avons fait un deuxième courrier mi-novembre en ciblant ceux qui n’étaient pas couverts en azote.

Comment les agriculteurs ont répondu à cette proposition ?
J.C. : 80 % des agriculteurs ont leurs besoins en azote réalisés. On observe une vraie avance sur les commandes. D’habitude, à cette date, seuls 65 à 70 % des besoins sont couverts. Cela nous a permis de pallier une véritable envolée des prix et aussi de répondre à la demande, au moins en ammonitrate. Les 20 % qui restent sont exposés à un niveau de prix très élevé. Nous allons de nouveau communiquer auprès des agriculteurs pour les inciter à réfléchir à leurs achats d’engrais azotés. Car il y a de fortes tensions sur le nitrate, ce qui occasionne des difficultés à se couvrir sur un marché sans garantie d’achat. Il faut tenir compte du délai entre le moment où l’on achète et la capacité à être livré.

Pourquoi y a-t-il de telles tensions sur le nitrate aujourd’hui ?
J.C. : Il y a trois formes de produits utilisés en France aujourd’hui. L’ammonitrate, qui est fabriqué en France, et l’urée, qui est importée, sont les deux principaux engrais utilisés dans la région. Le troisième produit est la solution azotée, peu employée en Auvergne-Rhône-Alpes, mais beaucoup dans la moitié nord de la France. C’est sur ce troisième produit qu’il y a des tensions, ce qui contribue à tendre le marché et le rapport entre l’offre et la demande. C’est la première fois depuis 10 ans que nous observons une évolution aussi forte sur le cours des engrais. Il a beaucoup varié entre juin et aujourd’hui. Ceux qui ont réussi à couvrir tôt leurs besoins n’ont pas de problème de disponibilité. En revanche, dans deux mois, nous ne sommes pas certains de pouvoir livrer. L’anticipation a été le mot-clé cette année pour avoir le volume nécessaire.

Quelle peut être l’influence sur les assolements ?
J.C. : Une partie des agriculteurs pense qu’ils peuvent faire le choix d’attendre. D’autres modifient leurs assolements pour avoir moins d’azote à acheter. Ils mettent en place des cultures connues pour être peu gourmandes en azote comme des légumineuses dont le soja et le tournesol en tête de rotation pour se substituer au maïs.

Le marché est-il capable d’absorber cette tendance en termes de débouchés ?
J.C. : Nous avons la volonté de développer une filière soja régionale. On emblave entre 3.000 et 3.500 ha de soja en tout : production animale, alimentation humaine et semence. Oxyane peut monter à 4.500 ha. La demande est croissante, non seulement en raison du prix de l’azote, mais surtout pour la recherche de protéine produite localement. Les éleveurs ont besoin de tourteaux de soja pour l’alimentation animale.

Quelle est la stratégie d’Oxyane ?
J.C. : Nous sommes orientés vers un développement des filières. C’est le cas pour le maïs, les blés et le soja. Il s’agit de structurer la collecte en vue d’une trituration locale du soja sous la marque Localp. Une réflexion est en cours pour transformer le soja destiné à la consommation locale de façon autonome.

Garantissez-vous la disponibilité de la semence de soja ?
J.C. : Oxyane fait partie de l’union Top semence, le premier multiplicateur de semences de soja en France. Nous sommes organisés pour pouvoir faire face à la demande. Le plan de production de soja s’est traduit par une augmentation de 20 % des semences, et 100 % de la production de semences de soja de Top semence est produite en Rhône-Alpes, ce qui représente environ 1.000 ha (sur une production totale de 3.500 ha).

Quelle analyse portez-vous sur cette évolution du marché ?
J.C. : Il y a deux éléments sans relation directe au départ. D’une part, la volonté d’Oxyane de développer les hectares de culture de soja et d’autre part, la hausse du cours des matières premières azotées. Ce qui explique l’accélération de la transition vers une production plus importante de soja dans la région.

Propos recueillis par Isabelle Doucet