Gel tardif
Taille tardive et/ou ébourgeonnage post-gel ?
Sept domaines viticoles s’associent à l’université de Bourgogne pour soutenir la recherche de manière inédite avec le projet PhysioVigne. L’objectif de PhysioVigne est de faire progresser les connaissances sur la physiologie de la vigne sur fond de changement climatique. Un projet qui porte ses premiers fruits ; à savoir des résultats de recherche sur la taille tardive ou l’ébourgeonnage post-gel.
PhysioVigne est né en 2022 de la volonté de sept domaines viticoles, soucieux d’être « moteur dans la prise en charge scientifique et technique de leurs problématiques, actuelles et futures, dans un contexte de changement climatique et de pratiques », indique un communiqué de presse. L’objectif est donc d’allier le savoir académique des équipes de l’université de Bourgogne aux connaissances et vignobles de ces praticiens, afin de co-construire des travaux de recherche et d’expérimentation d’intérêt général pour la filière. PhysioVigne, qui s’appuie sur les ressources de l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV) Jules Guyot, dévoile les premiers résultats d’expériences liées à la problématique du gel tardif et du potentiel intérêt de deux pratiques : la taille tardive et l’ébourgeonnage post-gel.
Taille tardive
L’objectif de cette pratique est de retarder le débourrement des bourgeons afin qu’ils aient plus de chances de se développer à une période où le gel devient plus rare. Elle est habituellement réalisée durant les pleurs de la vigne, avant le débourrement.
Une autre méthode, évaluée en Nouvelle-Zélande au début des années 2000, consiste à réaliser une pré-taille hivernale où seuls sont conservés, verticalement et dans toute leur longueur, les futurs coursons et baguettes. La taille définitive n’est alors opérée qu’après le débourrement de leurs bourgeons apicaux qui, par le phénomène d’acrotonie, inhibent jusque-là celui des bourgeons de la base, restant ainsi plus longuement protégés du gel. Des essais ont donc été menés sur chardonnay et pinot noir durant trois millésimes successifs. Il s’agissait notamment de comparer trois modalités de taille : classique en février, tardive fin mars et très tardive fin avril. Une comparaison qui a permis de confirmer l’intérêt de cette méthode pour retarder significativement la date du débourrement, et ce jusqu’à huit jours. Cette même comparaison montre, dans le même temps, une baisse significative du nombre de grappes et du rendement sur les deux derniers millésimes. La taille trop tardive, après le débourrement des bourgeons de l’apex, dans une période de forte mobilisation de ses réserves carbonées, induit donc un risque d’épuisement de la vigne. Afin que cette méthode soit utile, des expérimentations complémentaires sont nécessaires pour étudier les critères décisionnels permettant de positionner au mieux la taille tardive, dans le seul objectif de décaler le débourrement, mais sans impacter le rendement.
L’ébourgeonnage post-gel
La taille d’une vigne gelée et non ébourgeonnée est plus fastidieuse et chronophage. Il faut en effet réfléchir à « reconstruire » chaque cep en fonction des dégâts occasionnés par le gel. Si l’ébourgeonnage est préconisé après un gel, il est parfois difficile pour le vigneron de s’y résoudre, par crainte de diminuer encore un peu plus son rendement. Des essais comparatifs, entre ébourgeonnage et non-ébourgeonnage, ont donc été menés sur des parcelles de chardonnay et de pinot noir ayant été touchées par le gel, dans plusieurs domaines du projet. Les résultats n’ont pas montré de différence significative sur les rendements. En revanche, une différence significative est observée sur le stade phénologique, légèrement plus avancé (+1,7 point sur l’échelle de Eichhorn et Lorenz) sur la modalité ébourgeonnée. L’ébourgeonnage post-gel ne pénaliserait donc pas le rendement, mais permettrait un léger « rattrapage » du décalage physiologique causé par l’épisode gélif. Ces résultats mériteraient néanmoins d’être confirmés sur d’autres millésimes impactés par le gel. Ces essais ont permis par ailleurs de confirmer les différences très significatives de fertilité des bourgeons, en fonction des types de bois (meilleure fertilité des bourgeons de rang supérieur à deux sur la baguette que celle des bourgeons du courson, elle-même très supérieure à celle des bourgeons du vieux bois) et en fonction de la nature des bourgeons sur les bois fructifères (fertilité des bourgeons latents supérieure à celle des « double-bourre », elle-même très supérieure à celle des « yeux de la couronne »). L’ensemble de ces données permet de maîtriser plus finement l’ébourgeonnage, selon l’objectif au cas par cas et selon la vigueur de la vigne, pour obtenir des raisins dans l’année ou générer un futur bois de taille, parfois non fructifère sur l’année, mais qui pourra porter des bourgeons fructifères dès le millésime suivant.