MOBILISATION
« On veut du sonnant et du trébuchant »

Aujourd’hui, si le mouvement initié à l’automne dernier est suspendu, les attentes dans les rangs des agriculteurs sont grandes. Tous appellent de leurs vœux un changement de logiciel rapide.

« On veut du sonnant et du trébuchant »
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. ©Gabriel Omnès

« Arrêtez d’emmerder les agriculteurs », a lancé de la tribune, Patrick Valois, vice-président « Ruralité » du conseil départemental du Nord, en paraphrasant Georges Pompidou. Celui-ci aurait vilipendé en 1966 un de ses jeunes collaborateurs de Matignon qui venait lui présenter un parapheur rempli de décrets : « Arrêtez d’emmerder les Français ». Ce jeune collaborateur s’appelait Jacques Chirac. Patrick Valois a résumé ce qu’une immense majorité des agriculteurs français pense des surtranspositions qui pèsent sur leur quotidien. D’où la nécessité pour Arnaud Rousseau, patron de la FNSEA, de vouloir « changer de logiciel ». C’est le principal message que les agriculteurs ont fait passer lors des manifestations du mois de janvier qui ont paralysé la France entière sous la bannière « On marche sur la tête ».

« Ras-le-bol »

La FNSEA a consacré une partie du congrès à revenir, sans nostalgie, sur la genèse de ce mouvement d’ampleur, le plus important du monde agricole depuis une trentaine d’années. « Un mouvement venu de loin », a témoigné Jean-Marie Dirat, secrétaire général de la FRSEA Occitanie qui voyait qu’on « ne gagnait plus d’argent », notamment en raison de l’effet ciseaux dans de nombreux secteurs, avec une hausse des coûts de production et une baisse des prix payés au départ de ferme. Les pressions extérieures comme les recours juridiques contre des installations ou des extensions de bâtiments ont agacé les syndicaux locaux. « En 2023, à cause de ces recours, on n’a installé personne en volailles dans mon département », s’est agacé Thierry Coué, secrétaire général adjoint de la FNSEA, éleveur en Bretagne. Son collègue, Romain Blanchard, a évoqué un « long sentiment de frustration, de résignation puis de ras-le-bol dans toutes les filières ». Pour lui, c’est ce sentiment qui a été « le point de bascule » pour sortir des tracteurs.

« C’est brûlant »

« Il faut encore attendre un peu avant de tirer le bilan de ces manifestations », a tempéré Arnaud Rousseau, assurant « être toujours dans la bagarre car on n’a pas terminé le temps du travail. Comment continuer le dialogue respectueux, mais ferme avec les pouvoirs publics pour sortir de cette crise par le haut ? » Si l’écoute est là, a ajouté Arnaud Gaillot, président de Jeunes agriculteurs, « elle n’est pas suffisante ». « Ce qu’on attend, c’est le déploiement des soixante-deux mesures que nous avons portées au gouvernement. Il doit répondre aux questions : Comment ? Et quand ? » a martelé le président de la FNSEA très attaché à la « culture du résultat ». En clair, le mouvement est en sommeil et les agriculteurs sur leurs gardes ? Pourrait-il reprendre ? « L’attente est toujours là, car toutes les décisions du gouvernement ne sont pas encore arrivées dans les cours de ferme et dans le portefeuille », a rappelé Thierry Coué, suivi par Romain Blanchard : « On est toujours dans le rapport de force ». Fort du soutien d’une grande majorité de la population, les manifestations pourraient reprendre s’ils n’obtenaient pas gain de cause : « C’est brûlant », a concédé Jean-Marie Dirat. « On veut du sonnant et du trébuchant, car les discours, on n’en veut plus ». Le message est on ne peut plus clair.

Christophe Soulard