Difficultés à transmettre
L’élevage ruminant perd ses forces vives

Faute de signes encourageants pour produire, pour s’installer ou pour rester en activité, les filières animales rebutent. Le manque d’attractivité reste leur talon d’Achille. 

L’élevage ruminant perd ses forces vives

Les étudiants d’aujourd’hui sont les éleveurs demain. Or les filières animales souffrent d’un déficit d’image important auprès des adolescents au moment de décider de leur orientation professionnelle. Selon l’Institut de l’élevage (Idele), 85 % d’entre eux en âge de s’orienter professionnellement rejettent l’idée de travailler dans un élevage. Pourtant, les filières animales ont une excellente image auprès des étudiants scolarisés dans les lycées agricoles. Toutefois, il y a élevage et élevage.

Pas de problèmes de vocations en production caprine. Le taux de remplacement des producteurs de lait de chèvre sur le départ est de 100 %. Plus 35 % des éleveurs ont même moins de 40 ans (25 % pour les producteurs de lait de vache). Parmi les filières animales, la production "lait de chèvre" est la seule à renouer avec la croissance après plusieurs années de crise. L’an passé, on dénombrait plus d’élevages et plus de chèvres (1,2 million de têtes). Pourtant, la filière caprine souffre des mêmes maux que les autres filières de ruminants à savoir que les élevages de grande dimension, sur lesquels les industries agroalimentaires s’appuient pour s’approvisionner, ne trouvent pas de repreneurs. En effet, les nombreux projets d’installation portent sur des créations de petits ateliers, souvent en vente directe, répartis sur l’ensemble du territoire.

L’image écologique de l’élevage ovin rend aussi la filière attractive alors que les perspectives de revenus sont faibles. L’installation mobilise aussi, comme en filière caprine, peu de capitaux. Par conséquent, le taux de remplacement des producteurs sur le départ à la tête de grands troupeaux (plus de 150 têtes) est de 94 % en ovins viande et de 91 % en ovins lait.

En bovins viande, le taux de remplacement de 83 % est quelque peu trompeur. Les profils des nouveaux éleveurs sont très variés. Certains sont des éleveurs laitiers reconvertis, d’autres, des jeunes nouvellement installés ou encore des producteurs pluriactifs à la tête de petits troupeaux. Les systèmes de production sont donc appelés à évoluer et en 2031, on dénombrera 500.000 vaches allaitantes en moins qu’actuellement (4,2 millions) prédit l’Idele. Ce sont et seront autant de veaux et de jeunes bovins produits en moins chaque année.

Conditions de vie

Faute de repreneurs et d’attractivité, on ne dénombrera plus que 50.000 éleveurs laitiers en 2030 (- 4 % par an). En conséquence, la ferme France devrait produire 5 millions de litres en moins qu’aujourd’hui car les effectifs de vaches diminueront de plus de 580.000 têtes. 39 % des vaches sont actuellement détenues dans des sociétés où au moins un coexploitant de plus de 55 ans est appelé à partir en retraite d’ici dix ans. Le grand Ouest sera davantage confronté à des problèmes démographiques (taux de remplacement 55 %) que les régions frontalières (le Doubs par exemple, 85 %) où le prix du lait est mieux payé. Pourtant, les nouveaux installés n’envisagent pas tous de poursuivre l’activité laitière. La conjoncture céréalière tente les polyculteurs-éleveurs ou des éleveurs spécialisés à abandonner l’élevage pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Cette réorientation est aussi une solution pour résoudre un problème de déficit en main-d’œuvre (départ d’un associé non remplacé par exemple). Les laiteries et les abatteurs ne montrent pas suffisamment d’intérêts aux éleveurs pour les inciter à produire.

« Dans une exploitation, disposer 150 ha de terres labourables par UTH permet d’abandonner l’élevage pour ne se consacrer qu’à la production de céréales », assure Benoit Rufin, chef de service économique de l’Idele. Par ailleurs, les projets d’installation sont de moins en moins des projets de carrière. Un quart des nouveaux éleveurs change d’activité au cours des 20 années qui suivent leur installation.

Un tir de plus sur l’ambulance !

La Commission européenne n’a eu d’autre choix que de valider le 27 avril le lancement d’une initiative citoyenne européenne (ICE) présentée par un collectif italien baptisé "Facciamo finire l’era dei macelli" (Mettons fin à l’ère des abattoirs ou Sortir de l’abattage). Cette organisation qui se dit « supranationale » veut « mettre en œuvre une nouvelle législation visant à faciliter la transition des produits obtenus par l’agriculture, l’abattage et la chasse vers des produits sans cruauté tels que les produits à base de plantes et ceux obtenus par l’agriculture cellulaire, l’agriculture acellulaire (fermentation), l’aquaculture cellulaire et des technologies similaires », indique-t-elle dans l’exposé des motifs. Elle demande en conséquence, à la Commission de Bruxelles, « d’exclure l’élevage des activités pouvant bénéficier de subventions agricoles ». Elle réclame aussi « l’instauration d’incitations à la production et à la commercialisation des produits végétaux et issus de l’agriculture cellulaire ». Les organisateurs disposent d’un délai de six mois pour lancer le processus de collecte de signatures. Ils doivent en recueillir un million en un an à travers au moins sept pays de l’Union européenne. Si l’objectif est atteint, la Commission peut décider ou non de déclencher une « procédure législative ». En cas de refus, elle doit le motiver de façon circonstanciée. Le 15 décembre dernier, une ICE sur la TVA verte avait été enregistrée. C’est à la suite d’une ICE qui avait recueilli 1,4 million de signatures que la Commission avait présenté, en juin dernier, une proposition législative pour une entrée en vigueur en 2027 de la fin des cages pour l’élevage des animaux. Les antispécistes ne reculent devant rien : même pas de tirer sur l’ambulance à l’heure de la guerre en Ukraine et des alertes de la FAO sur le retour des famines mondiales et autres difficultés alimentaires.