Agrisolidarité
Devenez une sentinelle !

Cédric MICHELIN
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L’association Agrisolidarité a besoin de vous ! Si vous vous sentez l’âme solidaire et aimant venir en aide à votre prochain, alors vous avez toutes les qualités requises à la base pour devenir une des cinquante Sentinelle pour prévenir le mal-être des actifs agricoles nécessaire à notre département.

Devenez une sentinelle !

Le 6 juillet dernier à Mâcon, à l’occasion de l’assemblée générale de l’association Agrisolidarité, étaient organisés trois ateliers de travail pour réfléchir sur certaines missions qui incombent à tout un chacun, dans toutes les organisations professionnelles agricoles, comme sur le terrain, dans sa vie professionnelle et personnelle. En effet, chacun peut être amené à être en contact avec une personne souffrant d’un certain mal-être. Ce mal-être peut se manifester sous différentes formes. Mais comment détecter ces situations et bien interpréter les premiers signes annonciateurs ? Malgré leurs expériences, Christine Laugâa et Florent Cottin, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, l’admettent : « on arrive souvent tard, lorsque la situation de l’agriculteur est embourbée et c’est dommage car on fait alors du palliatif ». L’objectif pour demain est donc de « repérer plus tôt pour ne pas arriver trop tard » et ce, avant même la seconde phase difficile, « l’acceptabilité de l’accompagnement ». Représentant la CUCM (Creusot-Montceau), le maire des Bizots, Jean-Paul Huard, rappelait que pour les élus de proximité, la mission est souvent la même : « écouter, soutenir, être un peu curé, s’inquiéter pour les autres ». Bref, être empathique et faire confiance à son instinct.

La MSA est-elle « le problème » ?

De la MSA Bourgogne, Émilie Pont, Maud Dekyndt et Marjorie Labelle s’appuient sur la nouvelle route de la mutualité sociale agricole : « aller vers », « humaniser » (plus d’appels, adapter les courriers…) et « accompagner ». Elles présentaient alors le réseau Sentinelles composé de citoyens. « Ce sont souvent des personnes qui apportent déjà de l’aide mais qui ne sont pas forcément à l’aise et non pas d’outils à leur disposition ». La caisse centrale de la MSA a donc décidé de former ses Sentinelles (lire encadré).
Élu FDSEA, François Nugues l’a trop souvent constaté : « on croise un agriculteur et on lui dit d’appeler la MSA pour se faire aider mais il ne veut pas, car la MSA est la source du problème pour eux ». En effet, la MSA reconnaît avoir les deux versants, le collecteur de cotisations, mais aussi et surtout, sa mission sociale d’aider. Pour Maud Dekyndt, il faut aussi savoir prendre le problème autrement : « proposer d’appeler un médecin s’il a des problèmes pour dormir », cela peut être le début d’une prise de conscience.

« La peur que cela se sache »

Élu dans le réseau Cuma BFC, Claude Desbrosse observe également « la misère sociale qui ressort parfois » au détour d’une réunion sur le simple partage d’un matériel en Cuma. Émilie Pont aborde alors la formation "Bien dans ses bottes". La MSA et Agrisolidarité ont interrogé ces jeunes installés qui ont suivi cette formation : « on aurait aimé être sensibilisés sur le sujet des difficultés possibles avant de s’installer ». Lors de leur installation, ils n’ont pas la même vision de leur métier que 10, 20 ou 30 ans plus tard. Cette différence d’appréciation et de sentiment peut également apparaître dans l’organisation du travail sur l’exploitation, lorsqu’on est en famille, seul ou avec des associés. Au final, cette formation permet de prendre conscience des difficultés afin de pouvoir les anticiper et en parler à temps.

Des tribunaux à l’écoute

Parfois malheureusement, cela ne suffit pas ou il est "presque" trop tard administrativement. Martine Despreaux-Robelin et Agnès Grozelier endossaient alors leur rôle de conciliatrices pour présenter la procédure de règlement amiable judiciaire et la procédure de redressement judiciaire. Dans le premier cas, après un état des lieux avec le conciliateur, il est fait « un lien avec les créanciers » et une proposition de remboursement auprès du tribunal. « Dans neuf cas sur dix, l’objectif d’étalement des dettes est tenable et tenu », indiquait Martine Despreaux-Robelin.
Dans le cas d’une procédure de redressement judiciaire, les deux conciliatrices relativisaient : « il s’agit de mettre son entreprise sous la protection de la justice ». Ainsi, il peut alors être possible d’échelonner sa dette jusqu’à quinze ans. « C’est le tribunal qui décide et valide l’apurement de la dette », ont expliqué les deux conseillères qui préparent les documents nécessaires et accompagnent au tribunal. Elles se montrent rassurantes : « les juges sont très à l’écoute des agriculteurs en difficulté » et « huit fois sur dix, le plan d’apurement de la dette est homologué sur 10 à 15 ans ».
Dans le groupe de travail, certains agriculteurs mentionnaient « la peur des agriculteurs que cela se sache dans le village. Alors que la facture du véto peut attendre, celle de la coop aussi, celle du mécano, de la MSA… ». La difficulté est parfois connue localement bien avant qu’une éventuelle procédure ne s’engage. « Ces procédures sont des outils. Les utiliser permet de ne pas être assigné par vos créanciers et de protéger vos biens familiaux », concluait Agnès Grozelier. De quoi être soulagé sur ce volet.

Qu’est-ce qu’une Sentinelle ?

Une Sentinelle – au sens de la MSA et d’Agrisolidarité - est une personne susceptible d’être en lien avec des actifs agricoles en souffrance, engagée de façon volontaire, formée à repérer les signaux d’alerte du mal-être et du risque suicidaire pour orienter vers les services compétents.

« Le réseau Sentinelles vise à bien mailler le territoire (5.000 Sentinelles en France), former pour s’autoriser à dire, instaurer la confiance, dialoguer entre Sentinelles… et sans obligation de résultat, ni d’action », rassurait Maud Dekyndt.

Ainsi, tous membres d’OPA, d’associations agricoles, tous ressortissants du régime agricole, élus MSA, collectivités territoriales, maires, salariés en lien avec les entreprises agricoles… peut devenir Sentinelles en Saône-et-Loire. La personne aura alors une journée de formation par l’IREPS BFC (formation et repas pris en charge) et une journée de formation sur les spécificités du monde agricole. L’objectif est d’apprendre alors à bien repérer les signes de souffrance pour ensuite orienter les personnes vers des ressources adaptées. Cela permet aussi à déterminer son rôle et apprendre quelle posture adopter pour aborder la notion du prendre soin d’autrui.
Si vous êtes intéressé(e) pour devenir une Sentinelle et prévenir le mal-être des actifs agricoles, Agrisolidarité organiste les 30 septembre et 26 octobre prochains à la salle des fêtes de Buxy, deux réunions d’information. Inscription au préalable avant le 19 septembre (bourgogneblfmal-etre@bourgogne.msa.fr).

La nouvelle cellule Réagir

Après le rapport du député Olivier Damaisin en 2020, le gouvernement a lancé une feuille de route et a notamment demandé aux chambres d’agriculture de piloter les cellules d’accompagnement, dénommées Réagir. Élu chambre, Jean-Jacques Lahaye suit ce dossier en Saône-et-Loire. Lors de l’AG d’Agrisolidarité, il rappelait l’influence de la Saône-et-Loire qui a en réalité inspiré le rapport Damaisin « puisque très peu de départements ont un réseau comme Agrisolidarité ». Une rencontre avec le préfet a eu lieu ce printemps. Il sera amené à présider la nouvelle cellule Réagir au 1er janvier 2023. Cette dernière « n’est pas là pour démonter l’existant, ni pour remplacer Agrisolidarité (ni Solidarité Paysan), mais surtout pour accompagner et communiquer, avec un même nom de dispositif au niveau national ». Le président d’Agrisolidarité qui a aussi participé aux réunions se réjouit de voir arriver « de nouveaux membres : ARS, Dreets, médecins, comptables… signe d’une véritable prise de conscience collective », espère Jean-Charles Blanchard.
La Saône-et-Loire ne part pas de rien donc, elle va capitaliser sur ses expériences et son réseau de bénévoles au sein des comités locaux d’accompagnement Agrisolidarité, les CLAA (Autun, Chalonnais-Bresse, Charolles). « L’objectif est toujours de détecter et protéger, y compris les personnes qui accompagnent. Il s’agit d’ouvrir l’œil, car les agriculteurs d’aujourd’hui sont différents de ceux d’hier. Et ensuite, enlever les épines du pied petit à petit », motivait Jean-Jacques Lahaye en guise de conclusion.