Vignobles du Bordelais
Après la surproduction, une crise multiforme dans le Bordelais

En plein déploiement des mesures d’arrachage et de distillation en Gironde, pour répondre à la fois à la menace sanitaire de la flavescence dorée et à la surproduction, le mildiou s’invite dans la partie.

Après la surproduction, une crise multiforme dans le Bordelais

Et une de plus. Les difficultés s’enchaînent pour le vignoble girondin. Le mildiou se propage dangereusement et la récolte s’annonce mauvaise. Le suivi sanitaire des 86 parcelles de référence réalisé par le réseau BSV (Bulletin de santé du végétal) montre que 90 % des vignes sont touchées « à plus ou moins grande échelle », alerte la chambre d’agriculture de Gironde dans un communiqué du 12 juillet. « De mémoire de viticulteur, on n’avait jamais vu cela : le mildiou n’épargne personne cette année et prend des proportions inégalées », poursuit la chambre consulaire. Les dégâts sont importants « pour de nombreux viticulteurs », et certains « ont déjà tout perdu ». Les conditions climatiques de ces dernières semaines – avec une combinaison de chaleur et d’humidité – ont été propices au développement de cette maladie « très difficile, voire impossible à combattre », affirme la chambre d’agriculture.

Pour venir en aide aux viticulteurs, la chambre appelle à « activer les mécanismes de solidarité pour la filière viticole durement touchée en ce début d’été ». Accompagnée des organisations professionnelles concernées (interprofession CIVB, organismes de défense et de gestion…), elle a pris contact avec les services de l’État « pour mobiliser des processus d’indemnisations et organiser des commissions d’enquêtes techniques ». Lors d’un déplacement en Gironde, le 19 juillet, le ministre de l’Agriculture n’a pas annoncé d’aide particulière. Marc Fesneau privilégie « le dispositif assurantiel », ajoutant que les dégâts ne pourraient être évalués qu’après la récolte. « Je vais réunir les assureurs pour leur demander comment on fait », a-t-il déclaré, laissant entendre que le mildiou, favorisé par l’humidité, pourrait entrer dans les cas d’indemnisation liés aux aléas climatiques.

Plus de 1.000 candidatures pour l’arrachage

Le vignoble bordelais était déjà aux prises avec une grave crise de surproduction, face à laquelle les pouvoirs publics ont mis en place des arrachages et la distillation de crise. Le plan d’aides visant à lutter à titre préventif contre la flavescence dorée prévoit l’arrachage de plus de 9.000 hectares de vignes, ce qui permettra aussi de réduire les volumes produits. Quelque 1.085 pré-candidatures pour une prime à l’arrachage (d’un montant de 6.000 €/ha) ont été déposées, a précisé Allan Sichel, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), à l’occasion du déplacement du ministre. « Sur ces 1.085 dossiers, qui représentent quand même 20 % des viticulteurs de Gironde, il y a 300 viticulteurs qui souhaitent arrêter complètement leur métier », a-t-il souligné. Le nombre des candidatures définitives, qui s’ouvriront en septembre, pourrait néanmoins évoluer « avec cet épisode de mildiou qui est très destructeur ». La campagne d’arrachage doit commencer à l’automne, après les vendanges. « Manifestement, le dispositif a été approprié », s’est félicité Marc Fesneau, alors qu’un collectif de vignerons girondins réclamait davantage de surface arrachée et une prime plus élevée.

Concernant la distillation de crise, les demandes dépassent l’enveloppe de 160 M€ allouée pour 3 millions d’hectolitres (Mhl) au niveau national. Les candidatures déposées font état de 4,4 Mhl à distiller, dont 2 Mhl dans le Languedoc et 1 Mhl dans le Bordelais, selon Jérôme Despey, président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer et premier vice-président de la FNSEA, qui plaide pour une rallonge de 40 M€. « Il faudra qu’on calibre bien les demandes de distillation par rapport au mildiou », a tempéré Marc Fesneau, en allusion aux vignerons qui pourraient renoncer à vider leurs chais en cas de mauvaise récolte. De quoi revoir les volumes à distiller ? « Je pose juste la question de réajuster notre stratégie », a poursuivi le ministre, assurant que l’enveloppe promise serait maintenue.