Ferme équestre de Saint-Laurent
L’art de franchir les obstacles

Françoise Thomas
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Installée au cœur du Brionnais, Cécile Boudet dirige depuis bientôt 30 ans sa ferme équestre. Si la passion des chevaux est toujours intacte, la cavalière a surtout su faire preuve de clairvoyance et d’adaptabilité. N’ayant jamais mis les deux pieds dans le même sabot, elle vient de finir l’été et la période de confinement rassurée.

L’art de franchir les obstacles
Nesty est la jument franche-montagne de Cécile, l’une des rares non issues de son élevage.

Les structures équestres font à juste titre partie des établissements qui ont particulièrement souffert de la période de confinement et des mesures sanitaires imposées par la suite. En cela des raisons simples : aucune rentrée d’argent pendant plus de trois mois tout en devant continuer de nourrir et soigner leur cavalerie ! Aussi, les structures fragiles se sont retrouvées en réelles difficultés financières, voire ont déjà baissé le rideau…

Heureusement pour Cécile Boudet, il n’en est rien : « j’ai fait une belle saison estivale, avec toutes les sorties rando proposées complètes ». Il faut dire que la gérante de la ferme équestre de Saint-Laurent-en-Brionnais a tout remis en question. « J’ai complètement revu le programme prévu pour proposer des formules correspondant aux attentes des gens ». Ainsi, oubliée la rando-vin au départ de la gare TGV de Mâcon : « tous les circuits sont partis de la ferme, et j’ai adapté la formule en rando-bocages ». Peu évident d’appâter le touriste sur cette notion de bocage. Et pourtant… tous ceux qui ont essayé ne sont pas repartis déçus.

Expérience inédite

« Cet été, j’ai aussi créé la rando nocturne… ». Les cavaliers partent le matin direction la fontaine du doigt (une source aussi méconnue que, parait-il, miraculeuse…), après plusieurs heures et autres étapes, le groupe s’arrête pour se restaurer dans une ferme et repart en début de soirée pour Saint-Laurent. « La rando se finit de nuit. Sous la lune… ou pas ! ». Bien que tous équipés d’une lampe, les cavaliers sont invités à ne pas s’en servir. « Avec les plus expérimentés, nous arrivons même à galoper ! » Une première pour la plupart d’entre eux qui doivent alors faire une confiance "aveugle" en leur animal.

Cependant, pour remplir les réservations de séjours équestres, pas de secret : le bouche-à-oreille, les fidèles et le site Internet certes, mais Cécile Boudet sait aussi se faire aider.  « Je passe par quatre tour-opérateurs, situés sur Saint-Étienne, Lyon, dans le Doubs et en Île de France. Ainsi dès le 20 juin, on a connu un démarrage très fort ! ».
Et cette année particulière a amené un public différent : « beaucoup plus de régionaux, voire des gens du département, des touristes qu’avant je n’avais jamais ! ».

Le sec aussi…

Cet été, Cécile Boudet doit, comme tout propriétaire d’animaux et éleveur, faire face à la sécheresse. « Ma chance est d’avoir des chevaux particulièrement rustiques, qui ne souffrent malgré tout pas trop de manger du foin sur pied ! ». Si d’ordinaire, elle ne complémente que les chevaux de propriétaires qu’elle a en pension les plus fragiles et les chevaux qui travaillent à la ferme, cette année, elle a commencé dès le mois de juillet à apporter du foin à tous. La cavalière-formatrice-éleveuse tourne sur une cinquantaine d’hectares, dont cinq autour de la ferme. C’est l’une des missions de Maurice, son mari, de faire, tous les matins, la tournée des différentes pâtures réparties dans un périmètre d’une vingtaine de kilomètres.

Modelés à son image

Dans les multiples casquettes de Cécile Boudet, il y a celle de l’élevage. « J’ai entre 70 et 80 chevaux : une dizaine en pension, une vingtaine au travail, une douzaine de poneys, le reste est donc l’élevage ».
Sans avoir créé de race, elle fait naître malgré tout aujourd’hui les chevaux qui lui correspondent : rustiques, porteurs, multifonction. « Et comme j’ai toujours aimé les chevaux de couleur, (comprendre les chevaux pie), mon premier étalon était un paint canadien ». Si Guache n’est plus, sa photo trône encore en bonne place à l’accueil de la structure et ses descendants sont eux toujours là.
Petit à petit, Cécile Boudet a apporté sur ses chevaux un peu de connemara (pour l’aptitude au saut), d’espagnol (pour l’élégance), d’arabe (pour la légèreté). Elle vend beaucoup à des connaissances, à des passionnés rencontrés au cours de ses précédentes missions ou à d’anciens stagiaires.

Et voici son autre activité : formatrice ATE (pour Accompagnateur en tourisme équestre) et CQP Asa (pour Certificat de qualification professionnelle animateur soigneur assistant). « Depuis 15 ans, j’accueille en général deux stagiaires sur ses deux formations ». Et cette année encore, deux jeunes femmes sont là pour 11 mois, dont l’une, « fleuriste de formation » est en reconversion…

Évidemment les incertitudes, nombreuses, demeurent pour la suite de la saison, mais les cours des enfants et des adultes ont repris, les week-ends randonnées commencent à bien se remplir, le groupe pour le Maroc est prêt (s’il peut partir…). « Bien sûr, nous avons pâti du confinement, résume-t-elle, mais les aides (deux fois 1.500 €) et la saison estivale correcte que nous avons passé nous permettent malgré tout d’attaquer l’année à un niveau normal ».
Clairvoyante toujours, elle se donne désormais « deux ans pour préparer la relève… ».

Portrait d’une passion
La patronne est fan des chevaux « de couleurs », les chevaux d’indiens !

Portrait d’une passion

Lyonnaise d’origine, Cécile Boudet est tombé dans le cheval dès son enfance : « enfant, je pratiquais une équitation classique, obstacle et dressage, en centre équestre. Et puis à 16 ans, je suis partie en vacances en Languedoc-Roussillon pour 18 jours, je n’en suis plus repartie ». Enfin, pas au bout des 18 jours ! Elle venait de découvrir une autre équitation, celle des balades et des randonnées, celle de la transmission d'une passion, celle où l’on prend le temps d’écouter l’animal et de ne plus être dans la compétition. « Mon patron d’alors m’a conseillé de suivre des formations, même si à l’époque ce n’était pas obligatoire pour donner des cours et encadrer des sorties ». Judicieux conseil. Cécile Boudet multiplie les expériences au gré des recommandations des gérants de centres équestres et de leur besoin : de séjours en saisons, « je me suis formée comme un Compagnon », résume-t-elle aujourd’hui.
Diplômes en poche, elle finit par « poser ses valises » en 1990 à Saint-Laurent-en-Brionnais auprès de celui qui deviendra son mari, Maurice. Un temps, le couple poursuit l’élevage de bovins allaitants déjà présent et se lance même dans les vaches laitières. Mais l’appel des chevaux reste le plus fort. De ces précédentes et nombreuses expériences, elle avait tout un troupeau de chevaux, « j’en ai gardé trois et j’ai commencé la ferme équestre qui s’est ouverte véritablement en 1994 ».

Située au cœur du Brionnais, l’environnement de la ferme ne manque pas de charme.