Forum blé tendre
A chacun son marché

Berty Robert
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Le Forum blé tendre Saône-Rhône s'est tenu à Beaune, en Côte-d'Or, le 21 septembre. Il a permis de passer en revue de manière très fine les atouts et faiblesses de la production de Bourgogne Franche-Comté en fonction des attentes spécifiques de différents segments de marchés.

A chacun son marché
Jacques de Loisy, président du Comité régional des céréales, a ouvert le forum de Beaune.

Envisager une production de blé tendre apte à répondre à des attentes de marchés de plus en plus diversifiées et précises, c’est possible à condition de s’appuyer sur des réglementations stables dans le temps, d’avoir les moyens pour travailler sur la génétique, tout en assurant une transition décarbonée. Une sorte de quadrature du cercle rappelée par Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, en ouverture du Forum blé tendre Saône-Rhône organisé à Beaune, en Côte-d’Or, le 21 septembre. Cette intervention posait bien le contexte dans lequel cette manifestation, organisée par Arvalis et de nombreux partenaires, s’inscrivait : celui d’un état des lieux de la production régionale de blé tendre, et notamment de l’adéquation entre offre et demande.

18 mois de travaux

Jacques de Loisy, président du Comité régional des céréales (CRC), rappelait à cette occasion que la Bourgogne Franche-Comté (BFC) produit chaque année plus de 2 M de t de blé tendre (essentiellement panifiable) sur plus de 400.000 ha. « Le secteur, poursuivait-il, représente un chiffre d’affaires de plus d’1 milliard d’euros, juste derrière la viticulture. La filière a su démontrer ses capacités de réactivité sur des temps courts et long en matière de génétique ou de pilotage professionnel des cultures. Nous produisons différents « segments » de blés de qualité et nous devons être à l’écoute de l’ensemble de nos clients actuels et futurs ». D’où l’importance de cette question de l’adéquation offre-demande, abordée dès l’ouverture du Forum. La synthèse de 18 mois de travaux dans ce domaine était présentée par Léa Bounhoure, ingénieure régionale BFC Arvalis et Alexis Decarrier, animateur filière blé tendre chez Arvalis. Avec l’aide d’Intercéréales, une cartographie précise de l’offre blé tendre en BFC a pu être présentée et les responsables de l’étude ont travaillé sur six segments de marché : la meunerie panification française, la meunerie italienne, la nutrition animale, la meunerie Algérie-Maroc, les blés améliorants de force et la meunerie bio.

- segment meunerie panification française : les blés de BFC sont bons, voire très bons en fonction des critères suivants : protéine, humidité, force boulangère, Poids spécifique-PS. Les surfaces emblavées en BFC conviennent bien, dans leur majorité, aux besoins de ce segment. Mais, même si le niveau en protéine est bon, on constate une hausse des surfaces emblavées en variétés à protéines plutôt faibles. Dans ce cas de figure, Arvalis propose d’appliquer un complément en azote pour augmenter les protéines et contrebalancer en partie cette tendance.

- segment des blés améliorants de force (BAF) : il représente 2 % des surfaces en blé en BFC. C’est une opportunité pour créer de la valeur sur des terres superficielles à potentiel limité, mais on note une baisse de la productivité et des exigences en azote. Il y a aussi un manque de compétitivité face aux BAF allemands. Ce segment impose de comprendre les pratiques et attentes de la seconde transformation. Il réclame aussi d’évaluer l’opportunité de construire une filière BAD locale en collectif. Il y a, enfin, un besoin de recherche et développement sur les variétés BAF adaptés à notre région, et sur les itinéraires techniques. L’implantation actuelle d’une unité de transformation du groupe espagnol Vicky Foods à Chalon-sur-Saône pour la fabrication de viennoiserie, à partir de l’été 2024, est un élément qui peut jouer en faveur du développement de ce segment.

Maintenir ses parts de marché au Maghreb

- Segment meunerie Italie : il représente 13 % de la production en BFC. Il a pour lui la proximité géographique avec ce marché, la capacité à exporter vers le sud de l’Italie à partir du port de Fos-sur-Mer, et une bonne capacité à répondre aux exigences des industriels en matière de protéines, de régularité, de traçabilité des lots, sans résidus. Néanmoins, les parts de marché du blé BFC s’érodent sur ce pays depuis dix ans, pour deux raisons : une montée des produits nationaux et l’augmentation qualitative des blés, ainsi qu’une meilleure compétitivité des coûts logistiques de fret pour les pays de l’Est (Hongrie, Roumanie, Moldavie). Il va falloir travailler sur la génétique pour améliorer les performances. Un plan d’action sur la qualité sanitaire sera peut-être aussi nécessaire, face aux mycotoxines, à l’ergot, aux éléments de traces métalliques.

- Segment meunerie Algérie-Maroc : 9 % de la production BFC est à destination de ces deux pays. En Algérie, dans un contexte de durcissement du cahier des charges de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), notamment pour les protéines, la France perd des parts de marché, mais l’offre BFC, avec une moyenne de 12 % de protéines, est bien placée qualitativement. Elle peut maintenir sa présence sur ce marché. En revanche, il faut être vigilant sur le PS élevé attendu (77-78). Par ailleurs, le relèvement du seuil W (blé panifiable supérieur) à un minimum de 180 (contre 170) peut devenir un point d’attention lors du choix variétal. L’organisation d’une stratégie régionale pour promouvoir les quantités et qualités des blés BFC pour ce segment et consolider les parts de marché doit être envisagée.

- Segment meunerie bio : il représente 7,6 % des surfaces en blé BFC. Ses atouts : une filière régionale organisée entre producteurs, collecteurs et transformateurs, et une demande en bio approvisionnée. À l’inverse, le marché français en blé bio apparaît aujourd’hui saturé, les prix sont orientés à la baisse, les stocks augmentent et la consommation est en baisse. Un travail sur l’équilibre offre demande s’impose donc dans ce cas de figure. Il faut aussi travailler sur la rotation, à l’échelle du système céréalier bio (en ayant recours à des précédents légumineuses afin d’améliorer le taux de protéines).

- Segment nutrition animale : il représente 18 % de la production BFC. Au niveau des points positifs, l’offre est bien en phase avec les attentes du marché et la qualité BFC est prise en compte dans la composition des recettes. Des fabricants sont aussi intégrés dans les structures économiques des organismes stockeurs. Point négatif : les blés qui alimentent ce marché sont des blés de meunerie. Il faut aussi compter avec le coût énergétique dans le process de fabrication. Il faudrait donc travailler sur des variétés plus économes en énergie, notamment sur la dureté du grain. Il faudrait aussi lancer un plan d’action sur les risques DON (déoxynivalénol qui est une mycotoxine), qui peut affecter l’appétit des animaux et freiner leur croissance.

Au final, en fonction de ces éléments, les blés tendres de BFC doivent faire l’objet de travaux, en collectif ou de manière plus spécifique, afin de répondre toujours mieux aux différents segments de marchés.