Elvéa 71-58
De plus en plus nombreux à s’organiser au sein d'Elvéa 71-58

Marc Labille
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En pleine décapitalisation, Elvéa 71-58 parvient à gagner des adhérents et des vaches. Face à un marché à priori favorable, les éleveurs doivent supporter des coûts de production non couverts et les assauts de viandes étrangères. Ce qui incite à s’organiser toujours plus.

De plus en plus nombreux à s’organiser au sein d'Elvéa 71-58
Dans le maigre, le réseau Elvéa croit beaucoup à sa nouvelle filière B2E « Broutard d’Excellence Elvéa » qui consiste à fournir des animaux vaccinés, déparasités pour l’engraissement.

En dépit d’un contexte à la décapitalisation, Elvéa 71-58 est parvenue à augmenter son nombre d’adhérents en 2023 pour atteindre 438 exploitations adhérentes. Cela lui permet de franchir le cap des 40.000 vaches en production pour plus de 61.500 bêtes commercialisées en 2022, chiffre en hausse également. Cette bonne santé doublée d’un nombre de commerçants qui se maintient (60 entreprises) n’est pas si fréquente au niveau national, soulignait Philippe Auger, président d’Elvéa France.

Dans un bassin de production allaitant important et spécialisé, Elvéa 71-58 profite d’un terroir toujours dynamique en termes de commerce.

Pour ceux qui font le choix du privé, Elvéa offre tout ce que l’on peut attendre d’une organisation de producteurs à commencer par de nombreux services à l’éleveur, mais aussi des filières (label rouge Charolais Terroir, IGP Charolais de Bourgogne, AOP Bœuf de Charolles, Éleveurs près de chez vous). Pour les bovins de boucherie, mais aussi pour le maigre avec le déploiement de la filière B2E « Broutard d’Excellence Elvéa ». Cette nouvelle filière entend fournir –contre rémunération– des animaux vaccinés, déparasités pour l’engraissement. Des broutards qui font l’objet d’une véritable préparation sanitaire chez le naisseur. « Les débuts sont difficiles », ne cachait pas Jean-Michel Morel, président d’Elvéa 71-58, mais la démarche en vaut la peine (lire encadré). Un premier camion venait d’être alotté récemment, se félicitait le président.

Intégrer le coût de production

« Le commerce reste dynamique en ferme », poursuivait-il, parlant d’une « situation favorable aux éleveurs », mais « avec des prix toujours inférieurs aux coûts de production ». Ce constat était étayé par les chiffres présentés par les techniciens d’Elvéa d’où il ressortait tout de même une baisse momentanée des cours du broutard l’été dernier et un écart minime de prix entre les vaches R et U défavorable à la qualité. Quant aux prix de revient (6,17 €/kg carcasse pour une vache à viande), ils prouvent bien qu’il manque toujours au moins un euro pour vivre dignement du métier…

Jean-Michel Morel évoquait la création d’ElvéaOP, première association d’organisations de producteurs reconnue en 2022 qui permet désormais aux associations d’appliquer la contractualisation au commerce privé. « L’intégration d’un mix coûts de production-prix de marché est indispensable », réaffirmait le président. « Il se fait de la contractualisation dans les Elvéa et ça marche si on fonctionne en filière en intégrant le distributeur », confirmait Philippe Auger. « Les contrats Jeunes Bovins sont en forte hausse ce qui démontre que le maigre a toute sa place dans la contractualisation », complétait Jean-Michel Morel.

Retours des importations

L’équipe technique d’Elvéa livrait quelques données chiffrées sur la décapitalisation et la consommation de viande. La baisse des naissances et du nombre de vaches s’accompagne mécaniquement d’une érosion de la production de viande bovine. Dans le même temps, avec l’évolution démographique mondiale, la consommation de viande continue de progresser en volume, mais c’est la viande de volaille qui en profite. Dans ce contexte, la France n’est plus autosuffisante en viande et notamment en viande bovine. Ce qui l’amène à importer davantage de viande étrangère. C’est la restauration hors domicile et la transformation industrielle qui absorbent cette marchandise, mais elle réapparaît aussi dans la grande distribution, relevait-on. « Ces importations sont rendues indispensables par la décapitalisation. Mais on peut s’interroger sur la qualité, leurs conditions de productions, leur prix », s’inquiétait Jean-Michel Morel. La viande allemande, par exemple, a des coûts d’abattage bien inférieurs à ceux de la France, indiquait Philippe Auger qui illustrait ainsi le problème de compétitivité dont souffrent les producteurs français.

Au 22 septembre, jour de leur assemblée générale, les acteurs d’Elvéa 71-58 faisaient part de leur inquiétude quant à la nouvelle menace de la FCO ainsi que les nouveaux foyers de MHE. Sans disposer de plus de précisions pour l’heure, ils redoutaient, à juste titre, de voir à nouveau des marchés bloqués et des restrictions sanitaires s’abattre sur le commerce des bovins…

 

Préparation sanitaire des broutards : une « prestation » attendue

Préparation sanitaire des broutards : une « prestation » attendue

Le réseau national Elvéa (Elvéa France) a lancé la filière B2E « Broutard d’Excellence Elvéa » qui repose sur la fourniture de broutards ayant subi une préparation sanitaire chez le naisseur. Cette préparation sanitaire est demandée par les engraisseurs sur le marché français. Ils sont prêts à la rémunérer comme une véritable « prestation ». Deux représentants du laboratoire pharmaceutique MSD sont venus expliquer l’intérêt et les modalités de cette préparation sanitaire. En guise d’introduction, ils ont donné le chiffre de 500 millions d’euros, le coût des pertes consécutives à des pathologies respiratoires sur des bovins en Europe. Outre ce motif proprement économique, ils ont pointé les enjeux sociétaux liés au bien-être animal et à la lutte contre l’antibiorésistance, mais aussi la loi sur la santé animale… Pour l’élevage viande, il s’agit, grâce à cette plus-value que seraient des animaux sanitairement préparés, de conserver les marchés et d’en trouver d’autres, faisaient valoir les deux intervenants. Cette préparation sanitaire comprend la vaccination, le déparasitage et la transition alimentaire. Les deux techniciens de MSD se sont attardés sur la vaccination. Les problèmes respiratoires constituent le principal souci dans l’engraissement de broutards, expliquaient-ils. Ils surviennent pendant les 10-15 premiers jours dans l’atelier. Allongeant sensiblement les durées d’engraissement, « ils coûtent une fortune aux engraisseurs qui sont du coup très à cheval sur la préparation sanitaire des animaux », expliquait le premier intervenant. La vaccination en atelier d’engraissement a ses limites et l’usage des antibiotiques recule. Tout milite pour une prévention entamée dès le naisseur. Des essais le confirment, chiffres à l’appui. Pour l’engraisseur, l’effet est sans appel sur la mortalité (+14 €/broutard), le GMQ (+59 €/broutard), la durée d’engraissement. En comptant aussi l’économie du vaccin (+ 15 €/broutard) et en retranchant la prestation de vaccination à payer au naisseur (-35 €/broutard), l’engraisseur resterait largement gagnant avec un gain de +53 € par broutard issu d’un lot préparé.

Pour le naisseur, l’intérêt d’une prévention précoce contre les pathologies respiratoires est une évidence. Avec leur petite capacité pulmonaire, les bovins sont par nature des insuffisants respiratoires, rappelait l’expert de MSD. 86 % des élevages sont concernés par ces pathologies qui affectent les veaux avant six mois d’âge. Le protocole vaccinal doit être le plus précoce possible, indiquaient les intervenants qui faisaient remarquer que de nombreux naisseurs vaccinent déjà. Ce travail de préparation sanitaire doit évidemment être valorisé auprès de l’engraisseur, via une communication entre maillons de la filière (négociant inclus). Pour le naisseur, le gain économique s’élèverait à environ +70 €/broutard comprenant +52 € pour 15 kg de poids gagné. L’éleveur aurait à sa charge le coût de la vaccination (-15 €/broutard) mais il toucherait +35 €/animal de la part de l’engraisseur pour rémunérer le travail de préparation sanitaire, faisaient valoir les intervenants.