Sommet de l'Elevage
Les annonces de la ministre de l’Agriculture
La nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a pris son premier bain de foule au Sommet de l’élevage, jeudi 3 octobre. Que faut-il retenir des annonces faites lors de son discours en fin de journée ?
Entre visite de stands et déambulation dans les allées, entre échanges avec les professionnels et discours, Annie Genevard, nommée ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt le 21 septembre 2024 dans le gouvernement de Michel Barnier, a vécu sa première journée en prise directe avec les agriculteurs. Toute la journée du jeudi 3 octobre, au Sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne, elle a multiplié les entretiens.
En fin d’après-midi, elle a pris la parole : « C’est avec un immense plaisir que je m’adresse à vous en cette fin d’après-midi, comme j’ai eu plaisir toute la journée à échanger avec chacun des maillons de la grande famille de l’élevage réunie ici grâce à l’énergie de Monsieur Chazalet (président de la manifestation, NDLR). Cette année, l’inquiétude est là, palpable, partagée par toutes les filières et tous les territoires car la crise sanitaire s’est abattue sur le pays : l’élevage français souffre ». La ministre de l’Agriculture a affirmé être venue avec un objectif simple : « vous aider à surmonter cette épreuve, contribuer de toutes mes forces à ce que les éleveurs retrouvent des perspectives, redonner espoir à ceux qui menacent d’abandonner, donner aux éleveurs le cap dont ils ont besoin ».
La vaccination FCO-3 élargie à toute la France
Annie Genevard a annoncé l’extension de la vaccination contre le sérotype 3 à toute la France pour la filière ovine. « Nous avons les stocks de vaccins nécessaires pour étendre cette campagne de vaccination volontaire, qui vise aujourd’hui les trois quarts du pays », a-t-elle affirmé.
Concernant le sérotype 8, pour lequel certains vaccins sont en rupture, la nouvelle ministre a indiqué qu’elle s’entretiendra lundi 7 octobre avec son homologue espagnol pour « parer à la pénurie de vaccins », tout en faisant « pression sur tous les laboratoires susceptibles de relancer la production de vaccins ». En revanche, elle n’a pas évoqué de commande de nouvelles doses de vaccins contre la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Par ailleurs, elle a évoqué un « fonds d’urgence qui permettra d’indemniser les éleveurs touchés par la FCO-3 pour leurs pertes directes, et dont l’enveloppe sera annoncée par le Premier ministre ». Pour les pertes dues à la FCO-8 et à la MHE, les programmes du FMSE (fonds professionnel), abondés à 65 % par l’État, « sont désormais validés jusqu’à la fin de l’année ».
Etre au rendez-vous des engagements pris
Annie Genevard a assuré que le gouvernement Barnier « sera au rendez-vous des engagements pris pour l’élevage par le précédent gouvernement ». Elle a promis que « le projet de budget intégrera bien un nouvel avantage fiscal et social pour lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin » annoncé par Bruno Le Maire un an plus tôt. De plus, le plan de souveraineté pour l’élevage « continuera son déploiement ».
La ministre de l’Agriculture a tenté de tracer de premiers éléments de feuilles de route sur d'autres sujets que le sanitaire. Au sujet d’Égalim, « nous relancerons, dans les semaines à venir, les réflexions sur l’évolution du cadre législatif », a-t-elle promis. Elle a plaidé pour la poursuite de l'examen de la LOA (Loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture) sans modifier son contenu. À ses yeux, le texte actuel contient « des avancées importantes qu'il faut engranger car elles sont attendues » comme le classement de l'agriculture comme activité d'intérêt général majeur, les mesures sur l'enseignement agricole, l'installation et la transmission, ainsi que la dépénalisation des attaques non intentionnelles et non irréversibles sur l'environnement. Et d’ajouter : « Je veux sécuriser rapidement ces acquis au Sénat pour ne pas risquer de les détricoter avec la tentation d’un nouveau texte sachant que les équilibres à l’Assemblée ont changé entre la première lecture et ce qui sera une deuxième lecture ».
Premières annonces du Gouvernement Barnier
Le Premier ministre, Michel Barnier, a arpenté le 4 octobre, les allées du 33e Sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), en compagnie d’Annie Genevard. Il a fait une série d’annonces qui doivent être « complétées » indiquent les syndicats agricoles.
Michel Barnier « qui a vu un monde agricole responsable, engagé pour faire évoluer ses pratiques », a annoncé « une enveloppe de 75 millions d’euros » pour les éleveurs victimes de la FCO 3. Il a également évoqué le déblocage de « prêts garantis par l’État pour les exploitations qui en ont besoin », une demande pressante de la profession agricole, notamment des éleveurs et des céréaliers. Le Premier ministre s’est aussi engagé sur une simplification des contraintes réglementaires et une extension des dates d’épandage, tout en laissant à sa ministre de l’Agriculture le soin de préciser et de chiffrer les annonces. Il a confirmé les propos de sa déclaration de politique générale concernant le projet de loi d’orientation. « Elle sera à l’ordre du jour en janvier, et sera améliorée et amendée », a-t-il soutenu. Sur le dossier de la prédation, il a estimé que « nous sommes à un moment clé pour augmenter la capacité de prélèvement ». Le groupe national loup (GNL) doit se réunir à la mi-décembre avec les dernières estimations de la population lupine. Au regard de celle-ci, le GNL pourra décider ou non une augmentation du taux de prélèvement aujourd’hui établi à 19 %, soit 209 individus pour l’année 2024. Au passage, Michel Barnier a salué la décision des autorités européennes de vouloir abaisser le statut de protection du loup : « Il y a mouvement sur cette question. On va vers moins d’idéologie et plus de pragmatisme », a-t-il déclaré.
Braises mal éteintes
Le même jour, le 4 octobre, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs, ont considéré ces premières annonces « comme un premier pas ». Les deux syndicats appellent « à majorer le montant de l’enveloppe budgétaire consacrée à l’indemnisation des pertes, pour couvrir les pertes réelles directes et indirectes, et à accélérer les dispositifs de vaccination, notamment via la commande publique, pour la FCO 8 », qui ne fait pas partie de l’enveloppe des 75 millions d’euros. Elle est selon le président de la FNSEA « loin de compenser les pertes réelles des éleveurs », une perte qu’il jauge à 150 millions d’euros. Si elles estiment que « ces mesures d’urgence étaient impératives pour donner de l’oxygène aux agriculteurs », les deux organisations agricoles veulent surtout que les promesses du mois du gouvernement Attal qui faisaient suite aux manifestations de fin 2023, début 2024 soient tenues. « L’agriculture reste une victime collatérale des atermoiements politiques de ces derniers mois », regrettent amèrement la FNSEA et JA. Pour contenter un monde en crise et dont l’activité reste stratégique à bien des égards, le Gouvernement sait qu’il doit agir. Mais dans un contexte de réduction des dépenses publiques, il sait que sa marge va être très étroite. Faire trop peu pourrait bien raviver quelques braises mal éteintes dans les campagnes.