Incendies et feux de forêts
André Accary à l’Élysée pour son rapport sur les feux de forêts

Ariane Tilve
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Vendredi 4 novembre, Emmanuel Macron a reçu à l'Élysée les acteurs de la société civile qui luttent contre des incendies de plus en plus violents et fréquents. Parmi eux, le président du Conseil départemental de Saône-et-Loire, André Accary, co-auteur du rapport national "Feux de forêt 2022 : évaluation de la sécurité civile face au changement climatique".

Le président du Conseil départemental, André Accary, avait déjà été reçu par Emmanuel Macron, en février 2020, pour la grande conférence sur le handicap. Photo Info-Chalon.
Le président du Conseil départemental, André Accary, avait déjà été reçu par Emmanuel Macron, en février 2020, pour la grande conférence sur le handicap. Photo Info-Chalon.

Dans ce rapport on apprend notamment que, contrairement aux idées reçues, tous les pompiers ne sont pas systématiquement formés à la lutte contre les feux de forêts. Et ce, pour la simple raison que certains départements français n’avaient, jusqu’ici, jamais été touchés.

Le changement climatique et ses impacts, en termes de sécheresse notamment, change la donne. « Depuis quelques années, on forme tous les pompiers à la lutte contre les feux de forêt. En Saône-et-Loire, en trois ans, nous avons formé 500 pompiers », souligne André Accary. Rappelons que le Service départemental d’incendie et secours de Saône-et-Loire (SDIS 71) comptait, fin 2021, 2.864 pompiers volontaires et professionnels assistés de 83 personnels administratifs et techniques, répartis dans 61 casernes. Le département compte plus de 200.000 hectares de forêts, mais le nombre de pompiers volontaires ne cesse de reculer. En cause, selon André Accary, le manque de motivation qui serait dû à l’éparpillement des tâches aujourd’hui attribuées aux pompiers. « Ces volontaires sont souvent sollicités pour des missions qui ne sont pas les leurs, en priorité, à savoir les incendies et les accidents. Nous devons réattribuer aux pompiers leurs tâches primordiales et ainsi leur redonner la motivation qui semble aujourd’hui faire défaut ». Une campagne de communication a été lancée en ce sens sur l’ensemble du territoire national car les besoins sont là, en témoigne le triste exemple des feux qui ont touché le Jura cet été. « Le Jura a bénéficié de renforts d’autres départements, qui sont venus immédiatement ». Étant donnée l’envergure de l’incendie, il n’était pas possible pour les Jurassiens de lutter avec leurs seuls et uniques moyens. André Accary reconnaît par ailleurs qu’au mois de juillet, « nous n’avons pas été loin de la rupture » en termes de moyens humains. D’autant plus que le SDIS du Jura s’est justement plaint de ne pas avoir de personnes formées pour affronter ces incendies.

« Il faut en tirer des leçons sur l’ensemble du territoire français et prendre des mesures de prévention, mais aussi de formation, ainsi qu’une orientation des achats de matériel qui doit être adapté aux feux de forêt », ajoute-t-il. En Saône-et-Loire, les investissements en matière de matériel sont concentrés sur les moyens terrestres. « Nous nous concentrons sur des moyens spécifiques aux feux de forêts. C’est ce qui nous a permis d’envoyer onze équipes spécialisées dans les départements voisins cet été. Le Jura a bénéficié, comme d’autres départements, des renforts qui sont venus immédiatement. La solidarité a fortement joué », conclut André Accary.

L’investissement dans les moyens aériens n’est, pour l’heure, une priorité qu’au niveau national. Ce qui est pointé dans le rapport, en revanche, c’est le prépositionnement de ces moyens. Tous les engins aériens, ou presque, sont regroupés sur quelques bases de France, comme Nîmes. Le délai d’intervention est donc trop long pour attaquer un feu naissant quand l’incendie est trop loin, ce qui est la priorité des pompiers afin d’appuyer les équipes terrestres. Pour y remédier, certains appareils sont stationnés dans les départements sensibles, comme la Corse, durant l’été. Mais avec le changement climatique, les besoins risquent de se multiplier. Au printemps, pour la première fois en Saône-et-Loire, un exercice avait d’ailleurs été organisé dans le Charolais pour déterminer les différents points d’eau accessibles aux canadairs. « Pour l’heure, les points agricoles ne sont pas nécessaires à la lutte contre les feux de forêts. Nous avons suffisamment de points d’eau dans le département. Néanmoins une cartographie précise doit être établie, au cas où. »

L’incendie de Saint-Prix a nécessité l’intervention de plus d’une cinquantaine de pompiers et le combat contre les flammes a duré environ huit heures – Photo Bastien Migault Autun Infos.

Agriculteurs, chasseurs, gardes forestiers, des partenaires cruciaux


« Dans notre rapport, nous avons souligné l’excellente collaboration spontanée et particulièrement efficace des agriculteurs dans le Jura. S’ils n’étaient pas intervenus, je pense que les incendies auraient pris une tout autre ampleur ». Idem dans le Morvan. Grâce à leurs réserves d’eau et à leurs tonnes à lisier, dont la capacité est de 30 à 50.000 litres d’eau, leur intervention a été déterminante dans le traitement des feux de cet été. D’abord parce qu’ils disposent de matériel capable de soutenir les soldats du feu, mais aussi parce qu’ils ont une connaissance précise du terrain et de ses dangers. « Je pars de ces exemples pour insister sur le besoin de répertorier les agriculteurs, y compris en Saône-et-Loire, pour les mettre en relation avec la SDIS et éventuellement leur proposer des formations ». Cette coopération, cette préparation en amont, est essentielle pour pouvoir s’appuyer sur leurs forces en cas de besoin. Une force qui a fait ses preuves, à l’instar des gardes forestiers et des chasseurs qui connaissent parfaitement le terrain. D’où l’intérêt de lancer un appel à ces populations dont l’expertise peut être déterminante si elle est coordonnée avec les pompiers en Saône-et-Loire, mais aussi sur l’ensemble du territoire français. « Il y a un véritable travail de prévention à mettre en place en s’appuyant sur eux », insiste le président du Conseil départemental.

Pour ce qui est de la prévention, justement, le rapport recommande de s’appuyer sur l’expérience des départements du Sud-Est de la France en matière de surveillance et d’aménagement du territoire. « Il faut s’appuyer sur cette expérience pour développer une logistique en amont et mettre en place la DFCI ». La Défense des Forêts Contre l’Incendie (DFCI) vise principalement à limiter le développement des incendies dans les massifs forestiers. Elle comprend notamment la mise en place d’équipements dans chaque massif sensible pour le cloisonner, en faciliter la surveillance, permettre l’accès et la sécurité des secours et assurer la permanence de l’eau, sans oublier la mise en œuvre d’un dispositif estival de surveillance d’alerte, que le Département et la préfecture souhaitent mettre en place. Un dispositif essentiel, selon André Accary, qui concède que « nos forêts, en Saône-et-Loire, ne sont pas assez surveillées ».

À Saint-Prix, cet été, des agriculteurs avaient acheminé leurs tonnes à eau en renfort des pompiers combattant le feu – Photo Bastien Migault Autun Infos