Salon des Maires
Les collectivités à l’heure agricole

Cédric MICHELIN
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Loi Egalim, agriculture urbaine, « zéro artificialisation » … Nombre de colloques, webinaires et tables-rondes réalisés en visioconférence lors du Salon des maires et des collectivités locales (SMCL) qui s’est tenu du 24 au 26 novembre, ont été consacrés à l’agriculture, notamment dans ses aspects biologiques.

Les collectivités à l’heure agricole
Avec 95% de la population soit urbaine, soit en périphérie ou sous influence d'une ville, l'agriculture locale a du reculer et se spécialiser pour survivre...

Les élus locaux qui souhaitent développer l’agriculture à proximité de leur collectivité ne seront pas en reste tant les solutions proposées ont fleuri au cours du dernier Salon des maires et des collectivités locales (SMCL). Certaines collectivités ont adhéré à des structures comme Territoire Bio Engagé (TBE), label créé en 2012 par Interbio Nouvelle Aquitaine sur les bases des critères définis par le Grenelle de l’Environnement : 6 % de la surface agricole utile (SAU) en biologique et 20 % de produits bio intégrés dans les repas servis. La démarche est plus facilitée quand d’une part la loi Egalim stipule que « le 1er janvier 2022, au plus tard, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public devront compter 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques ». TBE peut ainsi délivrer deux labels : un pour les collectivités et un autre pour les établissements (collèges, Ehpad, lycées, cuisine centrale…) qui suivent cette démarche. A ce jour, ce label concerne six régions sur 13 (Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Pays de la Loire) et compte plus de 220 communes et établissements labellisés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. « Priorité est souvent donnée à la saisonnalité, à la proximité (circuits courts), à la préservation des ressources naturelles, la valorisation de l’ensemble de la production et la sécurisation commerciale pour les fournisseurs », détaille Christophe Simon, directeur du SIVU* Bordeaux-Mérignac qui livre presque 25.000 repas/jour.

Réduire la viande dans les repas 

Cependant mettre l’agriculture, y compris conventionnelle, au service de l’alimentation des territoires reste une démarche compliquée en raison de la pénurie de foncier qui entoure les grands centres urbains. L’outil Parcel (https://parcel-app.org) permet d’évaluer, pour un territoire donné, les surfaces agricoles nécessaires pour se nourrir localement, ainsi que les emplois agricoles et les impacts écologiques associés à d’éventuels changements de mode de production agricole. Si l’on prend l’exemple d’une ville moyenne comme Saumur (28.000 hab / Maine-et-Loire), il faut 7.650 ha (et 330 emplois) pour nourrir toute la population, en conservant les modes de productions actuels. Dans le cas où la collectivité souhaiterait passer au 100 % bio, il lui faudrait alors mobiliser le double, soit 15.300 ha (et 650 emplois). Dans le premier cas, il n’y aurait pas d’impact écologique. Dans le second, les émissions de gaz à effet de serre diminueraient de 54 %. Surtout la plupart des acteurs s’adressant aux élus, les encouragent à réduire la part des animaux dans l’alimentation pour réduire le nombre d’hectares nécessaires à la couverture des besoins alimentaires. Dans le cas de Saumur, la réduction d’au moins 50 % de la viande dans les plats distribués réduirait le nombre d’hectares mobilisables : seulement 4.100 ha en agriculture conventionnelle et 7.610 ha en agriculture biologique. Un chantier titanesque donc...

Réconcilier urbains et agriculteurs 

Une autre solution est de déployer « l’agriculture urbaine », en préservant les ceintures vertes (les fermes en périphérie des villes) et en développant une culture de subsistance localisée. « L’un des avantages de l’agriculture urbaine est d’une part de reconnecter les urbains et leur alimentation et d’autre part, de faire le pont entre les agriculteurs et les urbains et contribuer à la réconciliation », insiste Anouck Barcat présidente de l'Association française d'agriculture urbaine professionnelle (Afaup). Mais cette pratique reste confidentielle puisqu’à ce jour, l’Afaup qui compte 85 adhérents ne compte que 80 ha cultivés sur 600 sites exploités pour 600 emplois équivalent temps plein. Ce type d’agriculture nécessite aussi d’identifier les besoins et les potentiels et ensuite définir une stratégie, les projets mis en chantiers restent confidentiels. Hélène Béchêt, chargée des relations avec les collectivités à Terre de Liens Île-de-France, remarque que les collectivités ne mobilisent généralement que 3 ou 4 ha pour installer principalement des maraîchers, « en reconversion professionnelle, généralement sans formation et sans capital de départ. Sans le soutien des collectivités pour l’acquisition du foncier et des bâtiments, principalement des serres, le projet ne serait pas viable », a-t-elle reconnu. Autrement dit, l’agriculture conventionnelle a encore de beaux jours devant elle et les solutions passeront par les agriculteurs en place… 

*Syndicat intercommunal à vocation unique