Bio’ti Full Day à Saint-Eugène
L’art d’être économe avant tout !

Marc Labille
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Le 16 novembre dernier, une journée consacrée à l’agriculture biologique avait lieu à Saint-Eugène. L’exploitation d’Isabelle et Paul Copret en était le support où les participants ont trouvé des réponses sur la technicité, la rentabilité et les perspectives en agriculture biologique.

L’art d’être économe avant tout !
A Saint-Eugène, Isabelle et Paul Copret font naitre 120 veaux limousins élevés sur plus de 300 hectares en bio.

S’inscrivant dans une série de rendez-vous régionaux organisés par la Chambre d’agriculture de Bourgogne Franche-Comté, ce « Bio’ti Full Day » en Saône-et-Loire avait pour thème l’élevage bovin allaitant. L’exploitation du Gaec Limousin-Bourgogne a été convertie au bio au milieu des années 1990 avec l’installation de Paul Copret. La ferme familiale avait déjà négocié un virage important au début des années 1980 quand les parents de Paul avaient laissé leurs charolaises culardes pour prendre des limousines. À son tour, Paul faisait le choix du bio, tant pour conjurer la pauvreté des sols granitiques de Saint-Eugène que pour se démarquer au sortir de l’épisode de la vache folle. Cette autre voie correspondait aussi aux valeurs de l’éleveur qui souhaitait ainsi faire « certifier le fait qu’on travaille vraiment bien ». Après des débuts laborieux faute de débouchés en bio, l’exploitation a agrandi ses surfaces dans les années 2000 et le Gaec a pu allonger les cycles de production de ses animaux, de sorte à pouvoir « valoriser en bio sans forcément engraisser ». Constitué de Paul et de son épouse Isabelle, le Gaec exploite aujourd’hui 328 hectares presque exclusivement en herbe.

Conduite essentiellement à l’herbe

80 % est en prairie permanente. De la prairie temporaire est implantée sur les parcelles abîmées par la sécheresse après deux ans de céréales. Ces prairies artificielles sont ensemencées avec des couverts à cycle long de type mélange suisse, informe l’éleveur. Couvrant une vingtaine d’hectares, les cultures n’ont pas été privilégiées en raison du faible potentiel des sols, des contraintes en termes de travail et du manque de matériel pour le faire. Aussi, plutôt que de produire des graines pour alimenter le troupeau, Isabelle et Paul ont préféré tester la culture de céréales traditionnelles (petit et grand épeautre, sarrasin, seigle…). Des productions valorisées par Isabelle en vente directe (farine, pâtes, balle d’épeautre…).

Bœufs bio et broutards sans frais

Pour s’adapter aux conséquences du changement climatique, le nombre de vêlage a été abaissé de 150 à 120. Comme nombre de ses collègues en bio, Paul Copret a bien connu le problème de la valorisation des mâles. Faute de débouché pour les broutards bio, l’éleveur s’est mis à produire des bœufs vendus à l’âge de 30 mois pour un poids d’un peu plus de 400 kg de carcasse payé 5,16 € en 2020. 15 seront commercialisés cette année. La valorisation de ces animaux est là aussi pour compenser la perte de revenu consécutive à l’arrêt des aides au maintien en agriculture biologique, confie Paul. L’exploitation continue de produire des broutards (une cinquantaine en 2020), mais de la façon « la plus économique possible », fait valoir l’éleveur. Les broutards comme les laitonnes ne reçoivent aucun aliment, et ce, malgré des terrains peu propices à la production laitière des mères. Les mâles nés en février-mars sont vendus dès fin octobre-début novembre à un poids d’environ 223 kg vif payés 2,50 € en 2020. Des broutards sont aussi commercialisés en repoussés à environ 300 kg vifs.

Petites carcasses économes à produire

Pour la conduite de son troupeau, Paul a pour habitude de mettre le plus de femelles possibles à la reproduction. En découle un tri après vêlage et une diversité de ventes. L’exploitation commercialise des veaux de 15 jours qui proviennent des vaches que l’éleveur ne tient pas à garder. Le Gaec vend des vaches maigres pour engraissement ou reproduction, des vaches grasses, quelques vaches suitées. Quelques animaux sont aussi valorisés en vente directe (veaux sous la mère, jeunes vaches).

Le Gaec commercialise deux types de vaches grasses : celles finies en période estivale sur des bonnes prairies donnent des carcasses de 382 kg payées 4,34 € et celles finies en hiver avec une ration économe donnent 319 kg de carcasse à 4,02 €. Paul assume son objectif « de carcasses pas trop grosses (environ 400 kg) et qui ne coûtent pas trop à produire ». Pour cela, il choisit ses taureaux avec soin dans une station d’évaluation orientée pour la production de veaux de boucherie. Un moyen de sélectionner des mères laitières et « d’éviter les tares », explique-t-il.

Conduite en plein air

Seules les génisses vêlent à l’étable. Le reste du troupeau met bas au pré. Cette conduite en plein air a « éliminé les bêtes à problème. Nos vaches vêlent bien avec des veaux de moins de 45 kg qui tètent bien et pas plus de 5 % de perte », fait valoir Paul.

Au chapitre sanitaire, « avec un chargement très faible, la pression parasitaire limitée », résume Paul Copret. Pour minimiser les traitements, des coprologies sont effectuées systématiquement avant de prendre une décision. Un traitement allopathique est réalisé en automne sur les premières et deuxièmes générations. L’exploitation ne se fixe pas un objectif zéro parasite, reconnaît Paul qui concède aussi que la complémentation limitée de ses animaux ne leur procure pas toujours une couverture minérale optimale. D’ailleurs, l’éleveur pense qu’il serait possible d’améliorer le rationnement des animaux en résorbant certaines carences. Il aimerait aussi mieux gérer le pâturage et ainsi améliorer la constitution de stocks de fourrage.

« Je fais très peu de frais. La marge vient par les économies que je réalise », conclut Paul Copret.

Résultats économiques

Sur l’année 2020, le Gaec Limousin-Bourgogne a dégagé un produit d’exploitation de 135.000 € (ventes d’animaux, d’électricité photovoltaïque, de farine, de caissettes…). Supérieur au produit, le montant des aides atteint 151.000 €. En moyenne, il représente 40 % des produits, précise Philippe Jaillard de la Chambre d’agriculture de la Nièvre. Ce dernier indique aussi que l’aide au maintien bio va disparaître, faisant perdre au Gaec 27.000 €. En face, le montant des charges de l’exploitation atteint 181.000 €. Un montant qui traduit le peu d’achat réalisé par les associés : seulement 35 tonnes d’aliment, 35 €/UGB en frais vétérinaire… L’excédent brut d’exploitation atteint 93.000 € pour un résultat sur l’exercice de 57.000 €.

Un marché du bio moins porteur

Le Gaec Limousin-Bourgogne commercialise ses bovins de boucherie auprès de Unebio. Créée en 2004, Unebio est une association d’éleveurs qui a vu le jour en Normandie d’une demande de la grande distribution. Unebio compte aujourd’hui 2.800 éleveurs dans toute la France. 

« La tendance du marché de la viande bio est de 70% de viande hachée et 30% en boucherie traditionnelle », introduit le commercial d’Unebio. Malheureusement au niveau de l’offre, c’est un peu l’inverse avec 65% de viande issue de bovins viande et 35% issus du troupeau laitier… Toute la difficulté consiste donc à concilier une importante offre de viande de qualité fournie par le troupeau allaitant avec un débouché qui veut surtout du haché. À cela s’ajoute une période difficile pour la filière bio. « Depuis quelques années, la viande bio ne progresse plus alors que nous connaissions des croissances à deux chiffres auparavant ». L’intervenant y voit un effet de la mise en avant du Label rouge ainsi que la montée en puissance du cahier des charges Haute valeur environnementale (HVE). « Avec la hausse des cours dans le conventionnel, l’écart en faveur du bio s’est réduit », poursuit l’intervenant. Face à cette situation, Unebio réfléchit à de nouvelles stratégies pour valoriser le produit. La création d’un Label rouge bio est évoquée. Idéalement, il faudrait parvenir à faire payer le haché bio plus cher au consommateur… Mais de l’aveu même du représentant d’Unebio, « les choses sont plus compliquées que cela… ». Ici comme ailleurs, la solution pour les éleveurs passe encore par une amélioration de l’autonomie des exploitations…