Commerce mondial Les marchés des commodités, enjeux géopolitiques malgré eux
Les mesures de protectionnisme de plus en plus nombreuses déséquilibrent le fonctionnement de l’ensemble des marchés des matières premières.

Mois après mois, le protectionnisme commercial et économique s’étend. Les problèmes géopolitiques affectent profondément le fonctionnement des marchés mondiaux des commodités autrement dit des matières premières, défend Philippe Chalmin, coordinateur de l’édition du Cyclope 2019. Evidemment, les marchés agricoles ne sont pas épargnés. Les mesures prises par le président américain, Donald Trump, à l’égard de l’Iran pour l’empêcher d’exporter du pétrole et pour asphyxier son économie, s’ajoutent à une longue liste de rétorsions prises par les Etats-Unis et par d’autres pays à l’encontre de divers gouvernements. Cette liste s’étoffe au gré de l’actualité géopolitique. L’Union européenne (UE) est elle aussi menacée de représailles pour peser sur le règlement du conflit industriel qui oppose Airbus et Boeing. Les exportations européennes de certains produits agricoles, particulièrement ciblés, pourraient à leur tour être fortement taxées (notamment les vins Français). Mais les résultats obtenus ne sont pas souvent ceux escomptés. Les pays victimes de rétorsions font preuve d’une très grande résistance : ils adoptent à leur tour les mesures qui s’imposent pour restaurer, par exemple, leur souveraineté alimentaire. L’embargo sur les produits alimentaires frais, imposé en 2014 par Vladimir Poutine, président de la Russie, envers des pays occidentaux durera jusqu’à 2019 et peut-être au-delà. Pour rappel, il avait été décidé en rétorsion aux sanctions prises par l’UE après l’annexion de la Crimée. Mais le paysage agricole russe change en profondeur. Par exemple, la production de porcs couvre déjà quasiment la demande intérieure (taux d’auto-approvisionnement de 92 %). Autrement dit, l’UE ne pourra plus compter sur le débouché russe pour exporter de la viande de porc.
Les multiples conséquences de la peste porcine
Depuis quelques mois, la Chine taxe fortement le soja et le maïs américain importés en réaction aux mesures douanières prises par le président américain. Depuis, les Etats-Unis croulent sous les stocks de soja alors que l’Empire du milieu achète jusqu’à 100 millions de tonnes de soja et de produits dérivés par an. Toute tonne de soja produite en plus sur la planète est destinée au marché chinois. Mais la peste porcine fait des ravages en Chine. Ses conséquences économiques contrarieront les mesures protectionnistes du gouvernement chinois. Plus de 200 millions de porcs auront été abattus d’ici la fin de l’année. Pour compenser ses pertes, l’Empire du milieu pourrait importer des quantités de viande bovine, ovine, et de volaille plus importantes que ce que les autres pays de la planète sont capables de produire pour exporter. La situation deviendrait alors incontrôlable. Même taxé, le porc américain redeviendrait alors bon marché. Les marchés pétroliers sont aussi sur la sellette alors que l’agriculture ne peut se passer de gasoil et de gaz.
La Pac aux abonnés absents
Les facteurs de crise se multiplient comme par exemple les récentes attaques de navires pétroliers à la sortie du détroit d’Ormuz, voie maritime vitale pour le commerce du pétrole. Par ailleurs la Lybie et le Venezuela sont retirés du marché pétrolier. Mais les grandes puissances agricoles de la planète ont renforcé leur politique agricole. Leur gouvernement n’hésite pas à venir en aides aux agriculteurs si des crises surviennent. Toutefois, l’UE fait cavalier seul en se désengageant des questions agricoles. La réforme de la Pac a à peine été évoquée dans les programmes des candidats aux élections du Parlement européen. Les accidents climatiques sont même moins redoutés que les mesures protectionnistes et d’embargo car ils sont tôt ou tard compensés par le retour de conditions météorologiques favorables. La faible récolte de céréales australienne fin 2018 est passée quasiment inaperçue car les marchés des céréales étaient bien approvisionnés.