Pépinières Guillaume à Charcenne (Haute-Saône)
Apporter des réponses aux défis naturels

Changements climatiques, infections aux origines mal connues… le monde de la vigne se bat au quotidien pour préserver une plante qui subit des assauts multiples. En première ligne, les producteurs de plants doivent imaginer des réponses à ces défis. C’est le cas, notamment, des pépinières Guillaume, en Haute-Saône.

Apporter des réponses aux défis naturels
Vincent Delbos, directeur technique des Pépinières Guillaume, dans l'atelier de tri des plants de vigne : une étape stratégique de la production.

Lors de l’épisode de gel du début du printemps dernier, les constats sur les dégâts s’étaient accompagnés, dans le milieu viticole, d’une mise en évidence d’un mal plus profond : celui du dépérissement de certaines vignes, constaté depuis plusieurs années dans la région. Dans la bouche de beaucoup, le lien entre ce dépérissement et le changement climatique apparaît comme une évidence. Le réchauffement a sans doute une part de responsabilité mais ces problèmes semblent avoir des causes multiples. Pour mieux comprendre ce qui se passe et voir comment les professionnels du plant de vigne tentent de trouver des solutions, nous avons rendu visite aux Pépinières Guillaume. Basées à Charcenne, en Haute-Saône, elles sont spécialisées dans la production de plants de vigne. Vincent Delbos, directeur technique au sein de l’entreprise, ne nie pas la réalité de certaines formes de dépérissement. « En Bourgogne, explique-t-il, il y a un problème de dépérissement lié au porte-greffe 161-49 Couderc, massivement planté dans cette région. Il a été créé il y a un siècle et il est sensible à la thyllose (problème de rupture de sève dans le tronc), un phénomène qui est accentué par des températures très chaudes, lorsqu’il y a beaucoup d’évaporation ».

Une variété en ligne de mire

Depuis les années 2000, ce porte-greffe, reconnu pour produire de très bons vins, montre des signes de dépérissement. On observe dans les parcelles des vignes qui, d’une année sur l’autre, passent d’un très beau bois de taille à des tiges rabougries, et le mal est irréversible. Le problème est signalé depuis une quinzaine d’années et provoque des dépérissements de parcelles très jeunes. La maladie s’observe aussi dans le Bordelais et dans d’autres zones viticoles. « Pour l’instant, poursuit Vincent Delbos, personne n’a encore réussi à comprendre ce qui se passe avec cette variété. Cela conduit parfois à un arrachage prématuré des parcelles. Plusieurs pistes pour comprendre ce dépérissement sont explorées par les pépiniéristes et par les instituts techniques : les effets de la thyllose et du changement climatique, mais aussi des manques de fertilisation, ou encore le matériel végétal… ». À l’heure actuelle, aucune de ces pistes n’a donné de résultat. « Aujourd’hui, nous ne multiplions quasiment plus le porte-greffe 161-49C. Dans ce contexte général, les viticulteurs s’en méfient ». Dès lors, quelles solutions de remplacement les pépiniéristes peuvent-ils proposer ? D’autres variétés de porte-greffe sont disponibles et proposées. « Nous avons participé, cette année, à la création d’un essai porte-greffe avec l’Association technique viticole de Bourgogne (ATVB), souligne le directeur technique, afin de disposer de références d’essais qui permettront de voir les aptitudes des différents porte-greffes face au réchauffement climatique. Des essais de ce genre, qui vont s’étaler sur au moins dix ans, seront très utiles sur le long terme pour comparer les caractéristiques du matériel végétal ».

Les causes multiples de dépérissement

Les pépiniéristes doivent aussi faire avec d’autres problèmes qui entraînent des dépérissements :
- il y a le court-noué, une maladie présente dans le sol, qui se transmet de vigne en vigne et provoque un jaunissement du feuillage et des pertes de récoltes. Le seul moyen pour en diminuer la pression, c’est d’arrêter la culture de la vigne pendant plusieurs années. Le court-noué peut être transporté par le matériel végétal, et donc, potentiellement, par les plants. La filière des pépiniéristes français, par le biais de son système de certification, procède à des contrôles pour veiller à ne pas diffuser cette maladie avec le matériel végétal. « À côté de la solution du repos du sol, un choix qui est difficilement envisageable, reconnaît Vincent Delbos, nous avons développé la prémunition : nous sommes allés chercher, dans des parcelles infectées par le court-noué, des chardonnay et des pinots noirs infectés, mais qui supportent relativement bien le virus. En produisant des plants d’individus de ce type, porteurs d’une souche de court-noué, et en les implantant dans des zones fortement infectées, on obtient des résultats intéressants. Ces plants arrivent à reproduire des raisins dans ces zones ». Ce procédé a fait l’objet de recherches poussées de la part de l’Inrae, dans le but d’étudier la prémunition.

- La flavescence dorée et le bois noir. Ces deux maladies sont causées par un phytoplasme (micro-organisme bactérien) présent dans la nature (dans les aulnes, les orties, les liserons). Il est transporté par des insectes (les cicadelles,…) sur la vigne, ce qui la tue. Pour lutter contre ces deux maladies sur la Bourgogne, il a été décidé que les viticulteurs ne planteront que des plants traités à l’eau chaude (plongés pendant 45 minutes dans une eau à 50°C). Un traitement effectué par la pépinière Guillaume et d’autres. D’après les études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) et l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), ce traitement garantit que le phytoplasme est tué. « Ainsi, nous sommes sûrs que nous ne l’introduisons pas par l’intermédiaire du matériel végétal ».

- Les maladies du bois : des champignons qui s’installent dans les souches et qui font mourir les plants. En Bourgogne, c’est moins important car le chardonnay et le pinot noir y sont moins sensibles. « Cela a un impact sur la filière, précise le directeur technique et, au niveau de la pépinière, on fait des recherches. C’est une problématique très complexe. Les plaies de taille sur les pieds de vignes peuvent constituer des voies d’introduction pour ces champignons. Dans une pépinière, la production d’un plant de vigne fait justement des coupures. Face à cela, on produit des plants qu’on trempe dans des solutions contenant des trichoderma, qui sont des champignons antagonistes des maladies du bois. On crée ainsi une lutte entre micro-organismes ». Autre moyen de lutter contre ces maladies en agissant au niveau du tri des plants : on vérifie la solidité de la « soudure » du plant pour s’assurer qu’il n’y aura pas une coupure favorisant l’entrée du champignon. On le voit, face aux défis toujours renouvelés posés par la nature, l’entreprise de Charcenne ne reste pas inactive. Il en va aussi de son avenir.

Berty Robert

Des plants prêts à être livrés.