Prédation
Le préfet "veut couper" court au débat sur le loup

Ariane Tilve
-

À l’occasion de sa traditionnelle intervention à l’Assemblée départemental de Saône-et-Loire, jeudi 21 décembre, le préfet aurait bien voulu éviter d’aborder les épineuses questions de la prédation et des dossiers Feader. Questions qui lui ont été reposées par le vice-président du Conseil départemental en charge de l’Agriculture, Frédéric Brochot. 

Le préfet de Saone-et-Loire, Yves Séguy ; Catherine Amiot et son confrère Frédéric Brochot, vice-président du Conseil départemental en charge de l'Agriculture.
Le préfet de Saone-et-Loire, Yves Séguy ; Catherine Amiot et son confrère Frédéric Brochot, vice-président du Conseil départemental en charge de l'Agriculture.

« Difficile d’aborder toutes les difficultés de l’agriculture, tant il y en a ». C’est ainsi que Frédéric Brochot a commencé à interpeller le préfet de Saône-et-Loire en marge de son intervention devant l’Assemblée départementale, à Mâcon. Il a bien sûr lourdement insisté sur la prédation, puisque la Saône-et-Loire est le département le plus touché par ce fléau avec plus de 300 attaques attribuées au loup et/ou au lynx. La population lupine s’élève environ à 1.500 individus selon Frédéric Brochot (1.100 officiellement recensés en septembre par l’OFB en France). « On ne peut plus continuer ainsi. Nos éleveurs, qui font un métier-passion, ne sont pas là pour nourrir le loup. Le plan loup, même renouvelé, est insuffisant. Aujourd’hui, un loup vu est un loup qui doit être abattu. Quelles mesures fortes vont être prises ? », lance le vice-président en charge de l’Agriculture au préfet, Yves Séguy, qui avait pris soin d’éviter le sujet dans son bilan annuel. « Vous parliez de perte de population et d’exploitants. L’une des raisons de cette perte d’agriculture, notamment en élevage ovin, est la prédation. Des éleveurs qui souhaitaient venir s’installer en début d’année dans notre département ont renoncé pour cette raison », renchérit Frédéric Brochot.

À ce sujet, la réponse du représentant de l’État a été des plus fermes : « il faut intégrer le fait que nous allons cohabiter avec le loup. Celui qui dit le contraire ment, ce qui n’est pas mon cas ». La population de loups s’est accrue. Il y aurait, selon le préfet, un effet de diffusion avec les mâles alphas qui se déploient en quelques individus isolés. Manifestement, c’est le cas en Saône-et-Loire. « Je ne cesse de le répéter, aux côtés de la chambre d’Agriculture notamment, qu’il faut se protéger, que ce soit en élevage ovin ou bovin ». Sachant qu’un centre équin a également été pris pour cible en 2023. « Le loup solitaire est un animal tout particulièrement protéger. Quoi qu’on en pense, c’est une réalité, que je n’ai pas choisie, mais c’est une réalité », martèle Yves Séguy, visiblement agacé. « Depuis un an que je suis en poste dans ce département, nous avons néanmoins, grâce à des tirs de défenses autorisés, tiré deux loups. Je n’en tire aucune gloire. Le loup est un élément de notre biodiversité. Il faut savoir couper court quand on ne peut pas faire différemment. Peut-être un jour en viendra-t-on à une forme de régulation, mais pour l’heure, nous n’en sommes pas là ». Selon lui, le Plan national d’action (PNA) en vigueur en 2024 change le contexte de tirs, afin de les faciliter, mais aussi de mieux indemniser les pertes. Puis, il rappelle les efforts réalisés par ces services. « En 2023, j’ai été amené à demander à des louvetiers de passer le plus clair de leurs nuits, sur la base du volontariat, dans la cambrousse, pour aller se poster et garder des pâtures. Au total, ils y ont passé 100 nuits. Donc, on continue à s’occuper du loup, dans la mesure du possible, pour protéger l’élevage dont notre département a un impérieux besoin. On ne lâche pas l’affaire ». Des efforts qui n’ont malheureusement pas empêché les nombreuses et virulentes attaques sur les élevages de notre territoire.

La débâcle du fonds Feader

S’il évoque la loi Egalim dans ses versions successives, le vice-président du Département en charge de l’agriculture estime qu’elle n’apporte pas réellement de perspectives d’avenir aux exploitants. « J’en veux pour preuve les importations d’alimentation, et notamment de viandes étrangères par les grandes centrales d’achat dans le but de faire chuter les cours de nos producteurs français ». Ajoutez à cela les lourdeurs administratives, comme l’exemple du dossier Feader. « Lorsque l’on demande à de jeunes agriculteurs une attestation MSA pour justifier qu’ils ne sont pas à la retraite, cela semble aberrant », s’insurge-t-il. Un peu plus de 291 millions d’euros du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), financé entièrement par l’Europe, et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), cofinancé par ses États membres, sont censés soutenir l’agriculture française. Une aide dont ne parviennent pas à bénéficier les exploitants de Saône-et-Loire en raison de la « mauvaise gestion de la Région », estime Frédéric Brochot qui rappelle qu’il y a environ 600 dossiers en attente dans le 71, et que 250 d’entre eux devraient être traités en urgence. « Comment prioriser certains dossiers sur d’autres ? Avez-vous un calendrier ? », interpelle l’élu. Yves Séguy rappelle que nous sommes passés d’une gestion de l’État à celle des régions en ce qui concerne ces fonds. « Nous avions donc passé le témoin et nos services, qui s’occupaient jusque-là des fonds Feader, se sont vus proposer de nouvelles affectations et n’ont donc plus eu la charge de ces dossiers ». Le problème, c’est qu’une pile de dossiers, concernant de nombreux jeunes agriculteurs en difficulté, s’amoncelle. « Je ne pointe personne, je constate », insiste le préfet. Exceptionnellement, l’état a donc accepté de reprendre une partie des dossiers en souffrance à la Bourgogne-Franche-Comté pour les instruire et éviter de perdre près de 160 millions d’euros d’aides. « Dans cette affaire, il faut savoir que notre département est l’un des plus agricoles de la Région », explique Yves Séguy. 35 % des demandes Feader de la Région proviennent en effet de la Saône-et-Loire et c’est à la demande du ministère de l’Agriculture que les agents de l’État ont pris ces dossiers.