Débat autour du bien-être animal
La Coopération Agricole a récemment organisé une conférence sur le thème « Élevage et consommateurs, je t’aime moi non plus ? ». L’occasion pour la plupart des intervenants de faire tomber quelques idées fausses.
Le Directeur général honoraire de l’Office international des épizooties (OIE), Bernard Vallat n’a pas sa langue dans sa poche. Défenseur acharné de l’agriculture et des animaux, il s’en prend ouvertement « à ceux qui remettent en cause le lien historique entre l’animal domestique et l’homme » et « aux extrémistes (…) qui font des procès sans justification scientifique ». Il ne décolère surtout pas sur les raccourcis qui sont établis entre bien-être animal et consommation de viande. Il s’insurge contre les étiquettes Nutriscore qui commencent à se multiplier sur de nombreux produits alimentaires transformés. « Aujourd’hui, plus de 400 entreprises agroalimentaires y ont recours », a précisé Bernard Vallat. Or, derrière cet objectif honorable qui est de lutter contre l’obésité en réduisant les produits trop gras et trop sucrés, on trompe le consommateur, dit-il en substance. « En effet, les protéines végétales ont une notation positive tandis que les protéines animales ne sont pas valorisées. Le seul argument qu’on nous oppose est de dire que les élevages sont mauvais pour la planète. Où est la caution scientifique ? », s’interroge-t-il constatant la déconnection totale du Nutriscore avec des données scientifiques fiables et réelles et aussi celles d’avec le bien-être.
Différence entre bien-être et bientraitance
Éleveur laitier et influenceur YouTube, Antoine Thibault, entend lui aussi « contrer les images biaisées que l’on nous montre (…) et lever le voile sur la réalité du métier d’agriculteur ». Attentif à ses vaches, il sait que plus il prend soin d’elles, plus elles le lui rendent en produisant plus de lait. Mais il avoue parfois qu’il a du mal à faire passer le message parce que la plupart des gens méconnaissent l’agriculture, dont ils ont parfois une vision idéalisée. « Si mes vaches en ont marre d’être dans le pré et qu’elles veulent être en bâtiment, qui suis-je pour m’y opposer ? Je ne suis pas là pour leur imposer ce qu’elles ne veulent pas », explique-t-il. Luc Mounier, professeur en bien-être animal à VetAgro Sup acquiesce : « Quand il fait 40°C à l’extérieur, les vaches sont aussi bien dans un bâtiment », dit-il. Certes, le professeur qui différencie « bien-être et bientraitance » estime qu’il « reste des progrès à faire, mais beaucoup a déjà été fait ». Pour lui, la relation homme/animal est la pierre angulaire de ce bien-être et le bien-être de l’éleveur peut rejaillir sur celui de l’animal. « Le meilleur principe gagnant est « bien-être animal/bien-être humain/protection de l’environnement », ajoute-t-il.
« Éviter les amalgames »
Reste que cette demande de bien-être est de plus en plus exprimée par les consommateurs, indique Laure Blondel, directrice conseil du cabinet Greenflex. Avec le changement climatique, c’est une demande qui est devenue plus prégnante depuis la période de confinement. Selon un baromètre mis en place avec l’Ademe depuis 15 ans, la moitié des Français établit aujourd’hui « un lien entre nos modes de vie et la crise sanitaire », ajoute-t-elle. Autrement dit, les Français affichent leur volonté de consommer différemment (mais dans la pratique ?). Si 84 % d’entre eux déclarent veiller à la qualité de la viande qu’ils achètent, 59 % veillent également à en réduire leur consommation. Pour Mickaël Mercerou, élu référent pour le bien-être animal à La Coopération Agricole, « il faut qu’on arrive à se positionner contre la maltraitance et faire très attention là-dessus pour éviter les amalgames », conclut-il.