Le menu sans viande généralisé à Lyon dans le contexte du coronavirus a mis en évidence des divisions sur le sujet au sein du gouvernement et de la majorité. Réactions.

Frontière politique

Les maires écologistes sont surveillés de près. Tout comme la polémique autour du sapin bordelais, le menu végétarien lyonnais, qui aurait pu demeurer un débat local à la métropole, a rapidement échauffé les esprits dans toute la France. Des ministres aux parlementaires, tout le monde a tenu à exprimer des avis tranchés sur le sujet, exposant différents courants au sein du gouvernement et de la majorité.

Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, n’en démord pas, cette décision n’est pas la bonne et il faut donner aux enfants « simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir ». Et de préciser : « la viande en fait partie ». Le ministre dénonçait une mesure annoncée le lundi précédent par la mairie de Lyon. Les élus d’arrondissement ont reçu, le lundi 15 février, un courriel faisant le point sur les mesures sanitaires dans les écoles. L’adjointe chargée de l’Éducation, Stéphanie Léger, y annonce entre autres la mise en place d’un « menu unique sans viande pour pouvoir servir plus rapidement les élèves et fluidifier les repas ».

Réactions en chaîne

Un jour après, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a jeté un pavé dans la mare gouvernementale en regrettant « un débat préhistorique ». Elle aurait ainsi déploré « des clichés éculés, du type " l’alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée ", alors qu’on sait que la viande peut être remplacée par du poisson, des œufs, des légumineuses qui apportent toutes les protéines nécessaires ». La « cacophonie » au sein du gouvernement sur le sujet débutait alors. La propagation du débat dans les rangs de l’Assemblée a semblé confirmer les divisions.

Producteurs contre militants

Le sujet a aussi à nouveau révélé les différences de points de vue profondes entre le syndicat majoritaire et les associations. « Quelle intolérance chez certains écologistes, alors que le Plan national nutrition santé insiste sur la nécessité d’un repas équilibré », a notamment dénoncé la présidente de la FNSEA Christiane Lambert le 21 février. « Il faut d’abord se poser la question du local, plutôt que de se poser celle de viande/pas viande ! », a lancé de son côté le président des Jeunes agriculteurs Samuel Vandaele, le 22 février. Une ligne partagée par la CFBCT (bouchers, charcutiers, traiteurs), dont le président Jean-François Guihard a dénoncé « une insulte à l’ensemble des professionnels de la filière qui ont été mobilisés tout au long de la crise sanitaire ».

Les grandes associations (Greenpeace, Fondation Hulot...) les plus actives dans le secteur agricole ont en revanche toutes soutenu le maire de Lyon. Alors que la loi Climat s’apprête à lancer une expérimentation d’un menu végétarien quotidien, tous les maires ne semblent cependant pas aussi convaincus que les élus lyonnais. « Il faut renoncer à cette disposition du projet de loi », a demandé Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), et président de l’association départementale des maires, le 18 février.

« La provocation de trop »

Dans le département berceau de la race charolaise, le steak charolais, l’entrecôte charolaise, le pavé de bœuf charolais, le pot au feu, sont sacrés. Ils ont fait la réputation de la Saône-et-Loire. Alors forcément, quand dans le Rhône département limitrophe, le maire de la deuxième ville de France, Grégory Doucet, décide de supprimer la viande des cantines scolaires, c’est un vent de colère qui se lève en Saône-et-Loire, où la décision est dénoncée avec force d’arguments. Le député européen Jérémy Decerle, le député de Saône-et-Loire Rémy Rebeyrotte, le président du Conseil départemental André Accary, le maire du Creusot David Marti, le président de la chambre régionale d’agriculture Christian Decerle, le président de la chambre d’agriculture 71 Bernard Lacour, le chef étoilé Frédéric Doucet… tous s’insurgent contre la décision du maire de Lyon de supprimer la viande dans les cantines scolaires… Notre confrère de Creusot-infos leur a donné la parole.

Pour André Accary, président du Conseil départemental de Saône-et-Loire, « le maire de Lyon prend les enfants en otage », dénonce-t-il. Il rappelle avoir justement refuser d'imposer la journée sans viande dans les cantines du département et préfère laisser le choix à chacun. C'est « la provocation de trop », pour Christian Decerle,  président de la chambre régionale d’agriculture. « Ça blesse le monde des éleveurs qui n’en a pas besoin et qui ne le mérite pas. Oui, c'est vraiment blessant pour les agriculteurs ». Même son de cloche pour Jérémy Decerle, le député européen, qui ne peut que constater que « mon gamin mange plus vite un steak charolais qu’un pseudo steak de soja », fustigeant au passage : « c’est tout sauf démocratique. Ce sont des méthodes extrêmes et finalement bien tristes. Même l’avis des parents, ils ne l’ont pas demandé ».

De nombreuses autres réactions se sont ainsi faites entendre. Et Bernard Lacour, président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, de conclure : « Plus ça ira dans ce sens et plus les produits qui se retrouvent dans nos assiettes viendront d’ailleurs. Et à l’arrivée, on finira par avoir des importations massives de viande d’Amérique du Sud. C’est à la fois surréaliste et délirant. Il faut bien avoir à l’esprit qu’en 2020, il y a eu une augmentation de la consommation de viande rouge et notamment de steaks hachés. En fait, à Lyon, c’est de la gesticulation politique ».

Alain Bollery - Creusot-infos.com