EXCLU WEB / Céréales : peu de solutions pour parer l’absence de l’Ukraine

Les pays jusque-là importateurs de céréales ukrainiennes sont dans des situations très inégales. Inévitablement, une nouvelle géographie des échanges commerciaux se dessine, selon la “13e Matinée export & bourse du nouvel an et de l’exécution” organisée par Intercéréales. 

EXCLU WEB / Céréales : peu de solutions pour parer l’absence de l’Ukraine

Les céréales seront très longtemps très chères. En Ukraine, l’agriculture manque de bras, d’engrais et de produits phytosanitaires. Tallage, le cabinet d'études agroéconomiques, « table sur une production 2022 de céréales d’hiver en net repli, avec des rendements inférieurs de 20 % à la moyenne. La superficie de maïs baisserait de 30 % sur un an et celle de tournesol de 50 % ».

Pour sa part, isolée et bannie sur la scène internationale, la Russie pourrait être durablement confrontée à des problèmes logistiques (risques assuranciels trop élevés, boycott) pour expédier ses grains encore en stocks puis sa prochaine récolte. « Même si la guerre s’achève rapidement, l’Ukraine ne sera pas en mesure de redevenir un champion de l’export avant au moins deux ou trois ans », affirme Jean François Lepy, d’InVivo-Soufflet.

« L’absence de l’Ukraine sur les marchés mondiaux prive, chaque mois, les pays importateurs de 7 millions tonnes équivalent de céréales et d’oléo-protéagineux », rapporte Benoit Fayaud du cabinet Tallage. Les années passées, l’Afrique du Nord et l’Asie achetaient entre 25 et 30 Mt de grains chacune. Pour sa part, l’Union européenne importait 30 Mt de céréales et d’oléagineux dont une grande partie du maïs importé de pays tiers. « Bâtir une stratégie d’autonomie européenne est une priorité », a déclaré Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales. « La Commission européenne doit renoncer à mettre une partie des terres agricoles européenne en jachère, comme le prévoit la réforme de la Pac de 2023 ».

Dans l’immédiat, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas importeront du maïs étasunien et argentin même si les conditions de production ne sont pas conformes à celles en vigueur dans l’Union européenne. Autrement dit, les clauses miroirs que veut imposer la Commission européenne ne sont plus d’actualité.

Pas sur le même pied d’égalité

La Chine, le premier pays importateur de céréales (49 Mt) et d’oléagineux au monde, a les moyens de financer sa dépendance. À moyen terme, elle prévoit même de n’être autonome qu’à hauteur de 80 % de ses besoins. Mais dans l’immédiat, la Chine doit se procurer les céréales que l’Ukraine n’est pas en mesure de lui livrer. Face au retrait de l’Ukraine et aux cours mondiaux des céréales très élevés, les pays émergents, structurellement déficitaires en grains, ne sont pas sur le même pied d’égalité. Les pays pétroliers ont les ressources pour acheter des céréales et de la farine chères. Mais pour être plus autonomes, l’Arabie saoudite et l’Égypte vont motiver leurs paysans pour produire plus de blé en payant avantageusement chaque tonne récoltée. Dans les pays sans ressources pétrolières ou minières d’Afrique du Nord ou subsaharienne, dépendants des importations ukrainiennes (voire russes), les prix des céréales rendent leurs achats très compliqués.

En Tunisie, la situation est explosive. Le pays importait jusque-là, d’Ukraine, 60 à 80 % des céréales consommées. Confronté à une sécheresse sans précédent, il s’attend à une récolte 2022 catastrophique. Dans ces pays émergents, les offices publics chargés de rétrocéder aux populations et aux boulangeries, à vil prix, le blé et la farine achetés aux cours mondiaux, voient leurs rôles renforcés. Mais les financements manquent. Au Sénégal, les meuniers vont refuser de produire de la farine si celle-ci n’est pas payée par le gouvernement, à un prix permettant de couvrir le prix d’achat du blé importé.

Dans tous ces pays émergents, la conjoncture de prix agricoles très élevés relance l’intérêt de financer des programmes de développement agricole afin d’accroître leur autonomie et leur sécurité alimentaires.