Agricultures, territoires et ruralité
Garder son identité accueillante

Cédric MICHELIN
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Lors de la dernière assemblée générale de la FDSEA à Charolles, un débat a été mené pour savoir si la ruralité avait évolué depuis la crise Covid-19. À l’aide d’un entretien avec le sociologue Jean Viard, le secrétaire général, Luc Jeannin a questionné Jean-François Farenc, président des maires ruraux et Arnaud Rousseau, premier vice-président FNSEA et maire de Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne).

Garder son identité accueillante
Arnaud Rousseau plaidait pour une renégociation rapide des hausses des charges devant être répercutées avec la loi ÉGAlim.

Mais avant, le directeur de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, Alex Sontag resituait ce que représente la profession agricole dans la région à l’aide des derniers chiffres du recensement agricole. Malheureusement, le recul du nombre d’exploitations se poursuit, bien qu’à un rythme moindre, pour s’établir en 2020 à 23.600 exploitations agricoles. La Saône-et-Loire ne fait pas exception avec une baisse de -21 % à environ 6.000 exploitations professionnelles.
Faute de temps, il se focalisait sur les principales productions, à savoir les grandes cultures, la filière lait, le cheptel allaitant et la viticulture. Les surfaces utiles dépassent désormais en moyenne les 100 ha, viticulture incluse. Cet agrandissement des exploitations n’est pas pleinement compensé par plus d’emplois, bien que 43.000 en dépendent, « soit quatre usines Sochaux », illustrait-il pour les élus présents dans la salle.
Si le nombre de fermes spécialisées en cultures ne baisse pas trop (5.700), les éleveurs en bovins allaitants sont en « chute libre » avec une « hémorragie en termes d’UGB ». Si le produit brut et chiffre d’affaires se maintiennent dans l’ensemble, c’est « avec la viticulture et le Comté », relativisait-il. Alors que l’âge moyen de l’agriculteur (23 % de femmes) augmente d’un an en moyenne (50 ans), l’importance des plus de 55 ans augmente, signe d’un vieillissement toujours plus avancé. Alors qu’a contrario, la population rurale en Bresse ou Val de Saône tend à rajeunir, ce qui n’est pas le cas en Côte-d’Or, dans l’Yonne ou la Haute-Saône.

La ruralité se repeuple

Des tendances qu’observent également les maires ruraux de Saône-et-Loire. « Nos communes rurales se repeuplent, les dernières maisons sont vendues », confirmait Jean-François Farenc, président de l’Union des maires ruraux (UMCR 71). Le contrecoup des confinements liés au Covid-19 ces deux dernières années ? « Il y a des tas de situations » mais l’Autunois, le Charolais-Brionnais, la Bresse, le Val de Saône voient partout « un vrai mouvement de retour à la campagne ». À relativiser toutefois. Les actifs et familles urbaines viennent seulement « trois-quatre jours par semaine dans leur résidence semi-principale avec jardin ». « On va attendre de voir après deux-trois hivers, avec la fracture numérique… », est plus sceptique Arnaud Rousseau qui veut que la « ruralité garde son identité accueillante ».
Luc Jeannin s’inquiétait alors de savoir si cette mentalité bienveillante est partagée par les nouveaux venus ou s’ils viennent avec leurs exigences pouvant générer des conflits de voisinage. « Ce ne sont pas tous des râleurs mais il y a de mauvais coucheurs », relativisent les maires ruraux au front, invitant les agriculteurs à ouvrir leurs fermes pour parler de leurs métiers. Même volonté pour Arnaud Rousseau : « instaurer le dialogue et lutter contre les préjugés directement sur le terrain » pour expliquer les contraintes liées aux animaux, aux cultures… Il différenciait cependant les retraités - prêts à aller dans le « rural profond » -, des familles avec enfants souhaitant rester proches des villes.

Le soufflé du Covid est retombé

Même si tout ne sera pas révolutionné, ces arrivées peuvent « développer la vente directe avec plus de produits, les marchés alimentaires presque hebdomadaires », se réjouit Jean-François Farenc qui ne se fait pas d’illusion pour autant, « cela restera minoritaire par rapport aux grands circuits de distribution ». Là encore, Arnaud Rousseau calmait l’enthousiasme. « Pendant les crises Covid, les ventes de proximité ont augmenté, mais c’est terminé et elles sont retombées quasiment au niveau d’avant », enterrant les rêves d’un monde d’après qui avaient fleuri dans les discours. Reste tout de même le petit développement du local dans les achats en grande distribution.
En conclusion, Jean-François Farenc pense que l’engouement pour les campagnes rurales sera durable. Et Arnaud Rousseau de rester pragmatique : « nous produirons ce que les consommateurs veulent ». Reste à savoir quels nouveaux niveaux de prix sont-ils prêts à accepter ? La guerre en Ukraine ayant rebattu les cartes du pouvoir d’achat. Jean Viard veut en tout cas croire que tout ceci va « remettre de l’ordre sur les fondamentaux ». L’agriculture et l’alimentation redevenant prioritaires.

Attirer des vétérinaires et des actifs

En raison des élections, le préfet étant en « période de réserve », c’est tout naturellement le président du Conseil départemental qui clôturait l’assemblée générale. Évoquant les nombreux soutiens à l’agriculture, André Accary rappelait son « attention toute particulière aux situations de crise, même si le Département n’a plus cette compétence », soulignant ainsi son aide face aux sécheresses, gel et autres (loup…) qui planent sur l’agriculture.
Rebondissant sur le débat sur la ruralité, André Accary rappelait ses initiatives pour développer les territoires avec le déploiement du très haut débit Internet (terminé à 95 % fin 2023) ou encore avec les Maisons de Santé pour éviter les « déserts médicaux » et autres. Avec Catherine Amiot, vétérinaire de formation et Frédéric Brochot, ancien président du GDS, éleveur et élu en charge de l’Agriculture, le Département va maintenant faire de même pour « attirer des vétérinaires pour gros animaux ».