ODG des Crus du Beaujolais
Resouder le collectif autour de projets communs

Françoise Thomas
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L’assemblée générale des Crus du Beaujolais s’est tenue le mercredi 23 mars à La Chapelle-de-Guinchay, une incursion pas si fréquente en Saône-et-Loire. La campagne qui vient de s’achever laisse sans surprise de douloureux souvenirs, justifiant plus que jamais finalement le travail autour de la montée en gamme des beaujolais porté par l’ODG.

Resouder le collectif autour de projets communs
La démarche initiée par l’ODG sur la montée en gamme et la reconnaissance des lieux-dits a engendré une table-ronde avec des exemples de démarches AOP/AOC. Ici Jérôme Bauer, le président de la Cnaop.

Comme un cri du cœur, Jean-Marc Lafont le président de l’ODG a ouvert cette assemblée générale par un « quel millésime 2021 ! » chargé de tout ce que les viticulteurs ont vécu. « On s’en souviendra de nombreuses années, a-t-il enchaîné avant d’énumérer, gel, grêle, pluviométrie durant toute la saison, des vignerons résilients mais épuisés aussi bien physiquement que moralement, le tout dans un contexte de pandémie ».

Mais ils ont réussi à tenir ! souligne-t-il.

Le coup du yoyo

Celui qui est par ailleurs viticulteur à Lantignié est ensuite entré dans le détail des chiffres à retenir : 221.260 hectolitres produits, soit environ 39 hl/ha en moyenne, avec de fortes disparités en fonction des exploitations et des appellations. Une récolte dans la moyenne basse des dix dernières années, mais que Jean-Marc Lafont juge « satisfaisante au regard des autres régions françaises ».

S’il fait état d’un marché 2020 « très dynamique », justifié par une année record en termes de sortie propriété avec plus de 196.000 hl vendus et une « année record pour la vente directe avec plus de 105.000 hl vendus », le président de l’ODG regrette en parallèle « un manque de valorisation de ce superbe millésime ».

Depuis, le marché des crus 2021 a « débuté en fanfare », porté notamment par le marché des beaujolais nouveaux en hausse et par le « marché des bourgognes avec une récolte dramatiquement basse et des prix qui s’envolent ».

Face à ces années qui se suivent et ne se ressemblent pas, il ne peut que constater que « le yoyo des beaujolais pose problème ! ». Nous devrons trouver des outils de régularisation qui garantiront des prix stables aux viticulteurs et leur apporteront de la visibilité, a-t-il annoncé. La restructuration du vignoble et le renouvellement des générations étant les deux enjeux mis en exergue par le représentant des grands crus.

Restructuration en cours

Pour cela, l’ODG mise tout d’abord sur la réalisation d’un contrat-cadre pour pérenniser durablement la filière, d’où « la création d’un outil de calcul du prix de revient » développé notamment par l’entremise de Cerfrance.

De même sur la restructuration du vignoble, étape « indispensable pour moderniser les vignes », car « une vigne basse et en gobelet est difficilement mécanisable », comme a étayé plus tard l’un des viticulteurs de l’ODG. Le Plan Beaujolais (PCR4) a été particulièrement plébiscité puisque les cinq millions d’euros de l’enveloppe ont été consommés un an avant l’échéance. Si une rallonge a été accordée pour 2022, l’ODG mise désormais sur le plan de filière 2023, avec une interrogation : « est-ce qu’il y aura le même budget pour les viticulteurs de la Saône-et-Loire qui ne dépendent pas de la même région ? », espérant que cela ne reste pas « un vœu pieux » !

Autre dossier évoqué lors de cette AG, ce fut celui de la montée en gamme. En effet, parmi les pistes évoquées pour poursuivre le développement des crus, il y a celui du recours valorisant à la notion de lieu-dit, permettant aux cuvées de se distinguer. Force est de constater que sur les 569 lieux dits potentiellement utilisables sur les dix crus, « seulement un peu plus d’un tiers de la récolte est valorisée en nom de lieu-dit », puisque seulement 274 sont utilisés… regrette-t-on ainsi du côté de l’ODG.

Or toute une démarche est initiée depuis plusieurs mois maintenant pour véritablement passer à la vitesse supérieure et faire reconnaître cette valorisation. Les premières opérations de dégustations, présentations, etc., ont été mises en place avec cinq des appellations pour lancer tout ce travail de réflexion et de valorisation. Restera encore à convaincre l’INAO bien évidemment.

Utopique ou réaliste ?

Des démarches au long cours, comme l’ont rappelé les invités de la table ronde consacrée justement à "nos AOC ont une valeur". Venus témoigner de ce parcours, Jérôme Bauer, président de la Cnaoc, Alain Mathieu, président du comité interprofessionnel de gestion du comté et Jean-François Ravault en tant que président du syndicat de défense et de promotion de l’AOC Bœuf de Charolles à sa création. Ce dernier n’a pas hésité à qualifier, lui et les initiateurs de la démarche, « d’utopistes, de doux rêveurs », tant ce dossier, qui a mis des années à aboutir, était pour beaucoup à l’époque voué à l’échec…

« Nous restons toujours fragiles et nous avons des doutes sur notre avenir », mais en attendant, cela a permis « de redonner aux producteurs la fierté de faire leur métier », a expliqué le Saône-et-Loirien. Cela les a aussi beaucoup fait évoluer, les contraignant à une remise en cause, à une prise de recul sur leurs pratiques et à une véritable enquête pour prouver que les conditions d’élevage des bovins dans la zone de Charolles « marquaient véritablement » la viande.

C’est également cette même démarche qui est donc en cours dans les vignobles du Beaujolais. « Cela correspond à une réelle adaptation aux attentes des consommateurs » et permettra, pour le président de l’ODG, de retrouver « l’un de nos fondamentaux un peu oubliés » actuellement, « la dimension collective ».

 

Les chiffres clés

Les dix crus du Beaujolais représentent une surface récoltée de 5.677 ha (+ 9 % par rapport à 2020), soit 46 % des appellations beaujolaises. Sans surprise, la récolte 2021 décroche en termes de volume et de rendement, à 221.260 hl (272.155 hl en 2020, 258.954 hl en 2019) et une moyenne de 39 hl/ha (le rendement moyen depuis 2014 est de 46,26 hl/ha). Une baisse qui n’a épargné aucun des dix crus. De leur côté, les stocks en propriété sont parmi les plus bas de ces dernières années, ce qui n’est pas le cas en négoce. Mais les ventes ont marqué une belle embellie en 2021, témoignant de « la volonté des viticulteurs de trouver de nouveaux marchés ». En 2021, les parts de marché entre export, grande distribution et vente directe se sont vues réparties différemment puisque plus de la moitié des volumes se sont écoulés en vente directe et quasiment autant en grande distribution et en export. Et si ce dernier connaît une belle progression par rapport à l’année précédente, c’est un important recul pour la grande distribution.

La menace flavescence

Alors qu’il a rappelé que le beaujolais est perçu comme tendance, au cépage original, véhiculant les valeurs de convivialité attendues par les consommateurs, Jean-Marc Lafont n’a pu qu’alerter fortement sur une véritable menace pour le vignoble beaujolais : la flavescence dorée. « Elle a explosé cette année », a-t-il été rappelé. Il est vrai que la prospection a été beaucoup plus importante cette année et permet de constater que, malheureusement, « quand on cherche, on trouve ». Mais le constat est sans appel : les zones infestées sont très nombreuses et forment un véritable boyau impactant tous les crus, « il y en a beaucoup et partout ! ».

De ce fait, Fabien Duchampt, l’un des vice-président de l’ODG, n’y est pas allé par quatre chemins concernant la prospection, « il va falloir encore monter en puissance et nous sommes partis pour trois-quatre ans de lutte acharnée si on veut sauver notre vignoble ! Car il est bien question de sauver le vignoble si l’aspect exponentiel de la maladie se confirme ! ».

La date limite d’arrachage du 31 mars a été rappelée, avec mise en place des contrôles dès avril.