Attaques de troupeaux dans le Clunisois
Tous sur le pied de guerre !

Cédric MICHELIN
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Branle-bas de combat à nouveau dans le département. De récentes attaques de troupeaux (ovins et un veau) font à nouveau craindre la présence d’un loup. Immédiatement, la section ovine de la FDSEA avec les services de la chambre d’agriculture ont demandé aux services de l’État d’agir. Ce que la préfecture, la DDT et l’OFB ont fait, pour déterminer dans un premier temps s’il s’agit bien d’un loup. Si tel est le cas, la profession réclame de passer directement aux tirs de défense.

Tous sur le pied de guerre !
Le président départemental des maires ruraux (UMCR71), Jean-François Farenc a fermement insisté auprès du préfet pour que des moyens soient déployés pour identifier rapidement l’origine des attaques.

Après un été 2020 meurtrier dans le Charollais où un loup extrêmement agressif avait massacré, blessé et laissé agonisantes des centaines de brebis avant d’être tué en novembre, la crainte d’un nouveau loup s’est emparé du Clunisois. Après le signalement d’éleveurs et l’interpellation par la section ovine de la FDSEA de Saône-et-Loire, la préfecture prenait, mercredi 28 avril, de nombreuses précautions pour confirmer certains éléments de l’enquête en cours. « Des attaques récurrentes de troupeaux d’ovins sur la commune de La Vineuse-sur-Frégande sont signalées à l’office français de la biodiversité (OFB) depuis une semaine. Quatre constats sur le terrain ont ainsi été réalisés par les agents de l’OFB en cinq jours sur cette commune. Une première attaque survenue dans la nuit du 22 au 23 avril a entraîné la mort de deux animaux et en a blessé une autre. Le bilan d’une deuxième attaque (du 24 au 25 avril) s’établit à six animaux tués et six autres blessés. À noter également l’attaque survenue le week-end dernier dans un hameau de la commune, chez un particulier qui déplore la perte de deux agneaux tués, qu’il n’a néanmoins pas déclarée à l’OFB. Une troisième attaque s’est produite la nuit du 26 au 27 avril. Le bilan provisoire (au vu de l’importance du troupeau qui compte plus d’une centaine d’ovins) s’élevait (le 27 avril) à trois animaux morts et cinq blessés. Enfin, une quatrième attaque successive survenue dans la nuit du 27 au 28 avril conduit à nouveau à la perte de huit brebis et à cinq animaux blessés », explique le rapport officiel.
Le triste décompte de la préfecture faisait donc état d’un bilan des attaques sur la commune de la Vineuse-sur-Frégande s’élevant « en une semaine à plus d’une vingtaine d’animaux tués et dix-sept blessés ». Depuis, de nouvelles attaques sont malheureusement à recenser sur la commune de Flagy notamment.

Des louvetiers dépêchés immédiatement

Comme le prévoit le plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage, l’OFB se rend sur chacun des sites d’attaques dès qu’elles lui sont déclarées. Les constats alors réalisés sur le terrain par les agents de l’OFB font ensuite l’objet d’une expertise rendue par le spécialiste régional du réseau Loup-Lynx de l’OFB, basé à Dijon. Les premiers résultats de ces expertises sont attendus. Dans l’hypothèse où ces expertises ne permettraient pas d’exclure une origine du loup pour ces attaques, les éleveurs seraient alors indemnisés pour les pertes subies dans le cadre du plan loup.
Comme convenu avec la profession l’an dernier après le prélèvement du loup, les services de l’État se sont mobilisés immédiatement. Ainsi, la louveterie a mis en place dès la nuit du 28 au 29 avril des équipes de veille à proximité des troupeaux. Pour confirmer cette volonté d’agir sur le terrain, le 29 avril, le secrétaire général de la préfecture, sous-préfet de l’arrondissement chef-lieu du département, David-Anthony Delavoet s’est rendu sur place. Après une rencontre à la mairie de La Vineuse-sur-Frégande, en présence de responsables de l’OFB et de la direction départementale des territoires, une dizaine d’éleveurs l’attendaient à l’EARL du Champ Papillon.

Des éleveurs choqués et en colère

Là, les éleveurs témoignaient des carnages qu’ils ont retrouvé. « Déchiqueté », « plus que la tête et la colonne vertébrale », « les bouts de brebis sont éparpillés », « des brebis blessées avaient les intestins qui pendaient », « les agneaux sont pris sur le flanc et les brebis à la gorge, la panse mise de côté », « ma brebis respirait par le cou, agonisante »… témoignaient-ils, toutes et tous encore visiblement choqués et exténués par des nuits blanches. « Je ne pensais pas que cela nous arriverait un jour chez nous » ; « j’ai 67 ans, je me lève toutes les nuits, je ne tiendrai jamais deux mois » ; « mes chiens n’ont même pas aboyé alors qu’il a tué à 50 m du chenil et de notre habitation »…
Devant la presse, une représentante de la DDT rappelait la procédure légale du plan Loup qui apparaissait toujours aussi complexe, lourde et « loin de la réalité du terrain », s’agaçait un éleveur tendant aux élus une clôture électrique d’un mètre, facile à sauter pour le loup, mais ô combien difficile à installer dans les prés. Le sous-préfet, David-Anthony Delavoet comprenait la situation mais soulignait que « l’État français est sous l’œil inquisitorial de l’Europe. Mais, on a rôdé la chaine administrative », tentait-il de positiver.
Ce qui ne soulageait en rien les éleveurs. « Il y a urgence, on est démuni » ; « On a plus de stock d’herbe et on ne peut pas rentrer tous nos animaux tous les soirs. Chaque jour compte ». « Mon fils est en train d’y laisser ses économies » ; « Elles disent quoi les ONG sur le bien-être animal lorsque nos brebis agonisent ? Et sur le bien-être des éleveurs ? » ; « On ne peut pas attendre, on aura bientôt plus de bêtes ici… », tançaient vertement les éleveurs dans une froide colère.

Chien ou loup ?

Le maire François Bonnetain, le président de la Comcom du Clunisois Jean-Luc Delpeuch, le conseiller départemental Jean-Luc Fonteray et le député de la circonscription Benjamin Dirx les assuraient de leurs soutiens. François Bonnetain annonçait prendre dès le soir-même un arrêté municipal contre les chiens errants. Le député Dirx s’engageait à poser à l’Assemblée nationale « une question écrite (obligeant une réponse) au gouvernement : pourquoi les prélèvements ADN ne sont pas utilisés comme dans d’autres pays pour identifier le loup et pourquoi les résultats sont si longs » le cas échéant. Jean-Luc Fonteray réclamait que les éleveurs soient indemnisés quoi qu’il en soit. Jean-Luc Delpeuch allait dans le sens de « déclarations simples et rapides ». Les deux agents de l’OFB indiquaient rajouter de nombreux « photos-pièges » pour identifier le ou les coupables. La nuit même, un louvetier sur place avait eu un visuel direct sans avoir le temps de déclencher l’enregistrement sur sa caméra thermique. Le mystère reste donc entier. « Nous avons encore un doute. Certaines attaques sont caractéristiques (sternum ouvert pour manger cœur, foie, poumon…) mais d’autres moins : épaule mangée, attaque toutes les nuits dix jours de suite, "petite zone", certains animaux consommés ne sont pas mis à mort.... On poursuit donc les investigations », affirmaient les deux agents de l’OFB présents.

Griller une étape du plan Loup ?

Comme le rappelait le sous-préfet, « il y a la loi, la technique, les réglementations… et l’humain, la réalité de vos animaux, vivants, dont vous prenez soin car vous les aimez. Ce dossier est notre préoccupation quotidienne et est suivi personnellement par le préfet, et ce depuis son arrivée. Il faut protéger l’élevage ovin et nous avons un impératif d’actions clair en tête. On interviendra pour ne pas vous faire perdre du temps à faire de la bureaucratie », affirmait-il pour les déclarations d’attaques et indemnisations.
La préfecture a d’ores et déjà pris un arrêté pour effaroucher « le loup » pour que les louvetiers soient dépêchés sur le terrain et arrivent à certifier sa présence ou absence. « On ne veut pas l’envoyer à nos collègues ou chez nos voisins. Il faut le tuer ici et maintenant », affirmaient en cœur et solidaires les éleveurs du Clunisois. Les éleveurs comprenaient qu’il faut « essayer de se protéger avec du matériel d’urgence pour ensuite reconnaître la difficulté de protéger tous vos lots et là, vous aurez le droit ». Et Alexandre Saunier de conclure : « éleveurs, vous n’avez pas d’autre choix que de faire tout votre possible pour protéger au mieux vos brebis, les regrouper, les rentrer et nous signaler leurs emplacements… pour donner une carte à jour aux louvetiers qui pourront mieux les protéger et les aider dans leurs tâches. Par contre, l’administration ne doit pas passer par un tir d’effarouchement mais directement à des tirs létaux : tirs de défense ou même tirs de prélèvement. Ces étapes sont absolument nécessaires, à la fois pour limiter ce carnage et pour permettre l’identification et le prélèvement de ce prédateur, que ce soit un loup ou non ».