Lutte antigel
On a testé la chaudière mobile à biomasse pour la protection des vignes

Florence Bouville
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Le 27 avril, à Saint-Gengoux-de-Scissé, au milieu des vignes, nous avons assisté à la démonstration du Fog Dragon, ou Dragon Brouillard en français. Ce dispositif antigel, composé d’une chaudière mobile à biomasse, nous a été présenté par Marc Simon, commercial spécialisé dans l’import de cette machine. Thomas Canonier, conseiller et membre du vinipôle de la chambre d’agriculture, était également là pour répondre aux questions des viticulteurs.

On a testé la chaudière mobile à biomasse pour la protection des vignes
Le Dragon Brouillard en fonctionnement, sur une parcelle de vignes, le 27 avril.

Le Dragon Brouillard a été inventé par un fabricant de chaudières hongrois, lui-même propriétaire d’hectares de pommiers. En 2020, au démarrage de son activité, Marc Simon a vendu six machines exclusivement à des arboriculteurs. À l’heure actuelle, 57 appareils sont en circulation, sur le territoire métropolitain. En sachant que le constructeur prévoit d’augmenter sa capacité de production (entre 120 et 150 Dragon Brouillard produits cette année). Le modèle dédié aux vignes, moins imposant que l’arboricole, coûte 29.500 €, hors subventions.

Comment ça marche ?

À l’intérieur de la chaudière, doivent être disposées des bottes de foin humides. Du bois peut être positionné en dessous. L’allumage du brasier se fait manuellement, avec un briquet ou une allumette. Le tout se met alors à brûler au sein de la chambre de combustion, dont le diamètre avoisine les 840 mm. Avant de commencer à rouler, il faut compter quinze à vingt minutes, pour que la réaction de combustion ait bien lieu. En effet, cette dernière requiert une forte énergie, surtout en présence de biocombustibles humides. Une sonde automatique est directement reliée à la trappe de tirage ; aucune température "seuil" n’est à renseigner.

Une fois la chaudière tractée, deux turbines latérales permettent de projeter, à quinze mètres de chaque côté, la fumée chaude. Si l’on ne se sert que d’un côté, en bordure de parcelle par exemple, la longueur de projection est, dans ce cas, doublée. L’objectif est de « reposer un nuage », explique Marc. Une pompe haute pression injecte de l’eau dans le flux sortant. Le réservoir, situé sous la chaudière et alimentant le dispositif de micro-aspersion, a une capacité de 240 litres. La vapeur d’eau "brumisée" augmente ainsi le poids des gaz de combustion dégagés. L’effet du Dragon Brouillard se veut donc double. D’une part, la production de chaleur (effet asséchant), d’autre part, la réduction du refroidissement du sol par rayonnement (effet isolant). Une des possibilités offertes par la machine : jouer sur le degré de chaleur et la quantité de fumée, en fonction des apports de biocombustibles. En résumé, plus le bois alimentant la chaudière est sec, plus le gaz éjecté sera chaud, et moins il y aura de fumée. Via des apports mixtes, la température au sein de la chaudière variera entre 60 et 90 degrés.

Trois bottes assurent une autonomie d’une heure. La recharge en biomasse se fait obligatoirement à la main. Marc confirme que c’est sans danger. Il met également en avant l’aspect « peu énergivore » du Fog Dragon. Attention, pour espérer une action significative, vous devez forcément réaliser un circuit de vingt minutes et repasser au même endroit une fois ce laps de temps écoulé. La surface maximale traitée étant de 5 ha. En l’état, le Dragon Brouillard est trop volumineux et trop bas pour passer entre les rangs. Sans être relevée, la chaudière risquerait d’endommager les vignes. C’est un point important d’équipement à prendre en compte.

Ça vaut le "coût" ?

Si vous optez pour cet appareil, il ne faudra pas attendre les premiers épisodes de gel pour le tester. La prise en main requiert, au préalable, un ou plusieurs essais. Ne serait-ce que pour le repérage du trajet (boucle). En plus de la conduite, ce sera à vous de maîtriser le remplissage de la chaudière et, par conséquent, l’équilibre entre les combustibles. À noter que si les bottes sont trop tassées, l’air peut manquer et ainsi entraver le bon fonctionnement de la machine.

Dès qu’il y a du vent, l’usage devient problématique, du fait de la dispersion de la chaleur et de la fumée. Là où justement, l’appareil a été conçu pour répandre le brouillard de manière uniforme. En réalité, pour les autres dispositifs type éoliennes, c’est le même combat.

Thomas Canonier, conseiller et membre du Vinipôle de la chambre d’agriculture, était également là pour répondre aux questions des viticulteurs, bien que la chambre n’ait jamais testé, ni apporté caution, à ce matériel. D’après Thomas Canonier, le processus thermodynamique le plus protecteur réside toujours dans l’équilibre formé entre l’eau et la glace, grâce à l’aspersion de gouttelettes d’eau sur les bourgeons. Même si, comme toutes les techniques, l’aspersion a ses limites. Par ailleurs, Thomas reste sceptique quant à l’effet protecteur du Dragon Brouillard en 2021. Cette année-là, très peu de méthodes ont - cela dit - réellement montré leurs preuves, tant l’épisode de gel avait été vif. Aujourd’hui, les gelées se cumulent (à la fois radiatives et advectives) ; ce qui rend compliqué l’évaluation de l’efficacité des dispositifs.

Selon Marc, il y a une tolérance au niveau de l’administration et de la réglementation, pour tout ce qui touche aux matériels de combustion. Néanmoins, la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone produits sont des gaz à effet de serre. Il est donc légitime de s’interroger sur l’impact du Fog Dragon sur la santé des viticulteurs et des populations voisines.

Les conditions météorologiques, lors de la démonstration, n’étaient pas très représentatives. Cela aura, malgré tout, permis aux viticulteurs présents de se faire leur propre idée quant à ce nouvel appareil commercialisé en France. Des vidéos témoignages sont également disponibles sur le site de l’entreprise Vert Protect, si vous souhaitez creuser la question.