Gestion des déchets
Conséquences en ricochet

Françoise Thomas
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La crise sanitaire et le confinement ont aussi eu un impact sur la filière de traitement des déchets. Si celle-ci a connu quelques semaines de suspension, elle reprend progressivement cours, mais cet épisode Covid-19 ne sera pas sans conséquence.

Conséquences en ricochet

Comme beaucoup d’autres secteurs industriels, la filière collecte des déchets a connu une période d’arrêt complet dans les premières semaines de confinement.  Après cette phase, « les sous-traitants de collecte et de traitement des déchets ont repris de façon progressive et très hétérogène selon les territoires ». Pour ces entreprises, « la situation est revenue à la normale début mai », commente Pierre de Lepinau directeur général d’Adivalor, l’acteur de la filière collecte et valorisation auprès des agriculteurs.
De leur côté, tous les points de collecte n’ont pas fermé pendant cette période. Selon le mode habituel de fonctionnement de ces structures, « certains agriculteurs ont ainsi pu continuer à apporter leurs déchets. »
Pour les opérateurs qui ont préféré (ou dû) reporter les collectes, « ils l’ont fait en fonction des types de cultures pour que ça ne perturbe pas trop l’activité », intervient Gaël Denizart, le délégué régional Adivalor. Tout s’est réorganisé aussi « en fonction de la typologie des déchets à récupérer », poursuit-il. « Pour beaucoup la stratégie adoptée a été celle d’un report de collecte en septembre ».

Réaction rapide et posée

S’il n’y a pas eu de spécificité particulière dans la préparation de ces déchets, « il y a eu en revanche tout un ensemble de procédures à respecter au moment du dépôt ».
Le principe résidait essentiellement en une prise de rendez-vous pour se rendre au point de collecte. Une fois sur place, c’était à l’agriculteur de déposer ses produits, l’opérateur ne procédant qu’à un contrôle visuel. D’où l’importance de bien respecter les consignes d’emballage et de préparation des déchets.
« Ceci a montré la capacité de l’ensemble de la filière à réagir vite, se félicite Pierre de Lepinau, à informer les acteurs et à proposer des solutions alternatives entre report de collecte ou maintien mais avec procédure à respecter ».

Perte de compétitivité

Pour autant, l’ensemble des difficultés n’est peut-être pas encore tout à fait mesurable. En effet, « avant même le Covid-19, la baisse lente mais forte du prix du pétrole, et donc des matières plastiques, commençait à impacter le secteur du recyclage ». Puisque recycler coûte, difficile de rester compétitif face à des prix défiant toute concurrence. « Et la chute des prix s’est encore plus accélérée avec la crise sanitaire », commente Pierre de Lepinau.
Par ailleurs, les secteurs utilisant les plastiques recyclés issus des emballages agricoles sont pour une grande partie ceux du bâtiment et de l’automobile… autant de filières subissant de plein fouet le contrecoup économique de l’épisode sanitaire…

« On se prépare à passer une période difficile sur le plan économique mais qui ne remet pas en cause le principe des collectes des déchets », annonce le directeur général. Si le recyclage ne devient plus du tout rentable, d’autres débouchés resteront possibles comme « la valorisation énergétique, l’incinération, l’élimination, même si la solution la plus noble reste le recyclage ».

Hausse de l’écocontribution

Enfin, il faut aussi s’attendre à une répercussion financière : « les écocontributions, comprises dans les prix des produits achetés par les agriculteurs, vont augmenter du fait de la perte de la contrevaleur des déchets recyclables ».
Une augmentation qui s’appliquera dès la prochaine campagne commerciale. « Par exemple, l’écocontribution acquittée jusqu’à présent sur les big bags d’engrais était de 65 centimes par tonne, elle va passer à 1 € au 1er juillet prochain », avertit Pierre de Lepinau.
Cependant les produits à base de matière plastique nécessaires aux travaux agricoles se trouveront de fait eux aussi moins cher.

Enfin, même si 60 % des déchets sont recyclés en France, 25 % le sont en Europe et 15 % hors Europe. « Cet épisode a fait ressortir que tout ce qui dépend des pays extérieurs n’est pas durable », souligne Pierre de Lepinau, avant de rappeler que la filière travaille à la consolidation et au développement d’un réseau d’entreprises de recyclage de proximité.

Super recycleurs

En plein agribashing et plastique-bashing, il faut quand même souligner un état de fait « 90 % des déchets collectés sont recyclés et les agriculteurs sont de formidables trieurs », rappelle le directeur général d’Adivalor. Dispatchés en une vingtaine de flux différents, presque la totalité des emballages et plastiques utilisés en agriculture sont recyclés pour devenir gaines techniques, sacs poubelles, cagettes plastiques, mobilier urbain, etc.
300.000 agriculteurs recyclent, en triant, nettoyant, préparant leurs emballages (bidons, sacs papier) ou films plastiques, filets, big bag et ficelles. 1.300 opérateurs, pour l’essentiel coopératives et négoces agricoles, organisent et procèdent à la collecte sur 7.000 points partout en France.