Retraites agricoles
Retraites : Interview de Robert Verger, président de la Commission sociale de la FNSEA

Mis en ligne par Cédric MICHELIN
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L’Assemblée nationale a adopté le 18 juin la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des retraites agricoles à 85 % du Smic. Le Sénat en a fait de même le 29 juin. Tout n'est pas fait pour autant. Robert Verger, président de la Commission sociale de la FNSEA, souhaite que cette réforme soit menée à son terme. Interview.

Retraites : Interview de Robert Verger, président de la Commission sociale de la FNSEA

La proposition de loi du député André Chassaigne (Puy-de-Dôme) sur la revalorisation des retraites agricoles à 85 % du Smic a été adoptée le 18 juin à l’Assemblée nationale et le 29 juin au Sénat. Que vous inspire-t-elle d’une manière générale ?

Robert Verger : Depuis 2003, la FNSEA demande une retraite agricole minimum à 85 % du Smic alignée sur celle des salariés. Il est anormal qu’un salarié bénéficie d’une retraite minimum calculée sur 85 % du Smic lorsqu’un exploitant touche un minimum basé sur 75 % du Smic. Cette adoption est donc une heureuse surprise. D’autant que les choses étaient loin d’être faites. Malgré notre insistance, le Chef de l’Etat avait clairement dit en mars dernier au Salon de l’Agriculture qu’il n’y aurait pas d’avancée dans la réforme des retraites. Et le gouvernement avait auparavant tout fait pour se débarrasser de cette proposition de loi en mars 2018. Ce retour dans le débat allait donc dans le sens de nos demandes. C’est une initiative qu’il convient de saluer comme il se doit.

Ce texte doit permettre aux agriculteurs qui ont une carrière complète de toucher 1.000 euros net par mois, soit 85 % du Smic. Est-ce que ce sera aussi le cas des poly-pensionnés ?

R.V. : Ce vote à l’Assemblée nationale est le résultat d’un compromis entre parlementaires et pouvoirs publics. Le Gouvernement a revu le texte proposé par André Chassaigne. Il a imposé un plafonnement pour les poly-pensionnés et un décalage de l’entrée en vigueur de la mesure à 2022. Le Sénat n'a rien modifié. Ces ajustements diminuent le coût de la revalorisation de 407 millions d’euros (M€) par an à 261 M€ annuels. Cette revalorisation à 85 % du Smic tiendra en effet compte des différentes retraites perçues par les poly-pensionnés. Le minimum de 1.000 euros ne concernerait donc pas ceux dont le cumul de retraites permet de toucher une somme supérieure à ce montant. Cela exclut 100.000 agriculteurs retraités (196.000 bénéficiaires potentiels sur un total initial de 290.000). Nous prenons acte de ce compromis. Ce que nous voulons, c’est que cette revalorisation à 85 % du Smic des retraites agricoles devienne réalité et l’améliorer ensuite. Nous retenons que cette loi vise à la fois les chefs d’exploitation retraités et les futurs retraités. Rappelons que le projet de réforme des retraites voté en première lecture ne vise que les futurs retraités à compter de 2022 et prévoit une revalorisation progressive à horizon 2025.

Ne pas précipiter le mouvement

La proposition de loi d’André Chassaigne demandait une mise en œuvre de la revalorisation dès le 1er janvier 2021. Par amendement, la majorité impose d’attendre 2022. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des craintes que le financement de la réforme ne suive pas ?

R.V. : A travers cette réforme, l’Etat s’engage à financer les retraites. Cependant, la crise du Covid-19 a mis à mal les recettes des caisses de retraites. La discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, discutée en fin d’année au Parlement, doit clarifier le financement de cette revalorisation. Nous serons en particulier très vigilants pour que ce soit bien la solidarité nationale qui finance cette revalorisation conformément aux engagements du gouvernement. Nous veillerons à ce que le financement de la mesure ne revienne pas en définitive en tout ou partie aux actifs comme cela avait été le cas lors de la revalorisation des retraites des chefs d’exploitation à 75 % du Smic.

Les spécificités de la MSA

Cette proposition de loi ne semble pas tenir compte du sort des conjoints d’exploitants. Quelles sont vos propositions sur ce sujet ?

R.V. : Effectivement, la loi vise à assurer un minima de retraite à 85 % du Smic aux chefs d’exploitation à carrière complète. Elle ne vise pas les conjoints, ni les aides familiaux dont la pension minimum reste fixée à 555 € par mois. Pour nos organisations qui demandent l’alignement sur les 85 % du Smic depuis 2003, c’est un pas en avant, fruit d’un travail de longue haleine. Mais ça n’est pas suffisant. Les retraites des membres de la famille doivent être revalorisées. Dans le cadre de la réforme des retraites, nous avons travaillé sur le statut du conjoint et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait le limiter dans le temps au profit de statuts de chef d’exploitation ou de salarié qui ont de meilleurs droits à retraite.

Cette réforme arrive dans un contexte économique particulièrement compliqué et alors même que l’examen parlementaire de la réforme des retraites (retraite à points) est au point mort. Le risque n’est-il pas, à terme, que le régime agricole tombe dans l’escarcelle du régime général ?

R.V. : La réforme des retraites est malmenée depuis plusieurs mois. On l’a vu avec les Gilets jaunes. Le Covid-19 vient d’ajouter des contraintes financières supplémentaires. Si j’en crois le rapport du Conseil d’orientation des retraites sorti le 11 juin, l’impact serait très important. Alors qu’en novembre 2019, la prévision de déficit pour 2020 était de 4,2 milliards, elle est désormais de 29,4 milliards. C’est dire l’ampleur du phénomène. Cependant, la Mutualité sociale agricole (MSA) reste un exemple à bien des égards : parce qu’elle est un guichet unique, qu’elle est répartie sur tout le territoire et qu’elle est aujourd’hui l’un des rares régimes à maintenir une compensation démographique élevée : deux retraités perdus pour un entrant. C’est un très bon ratio, en comparaison des autres régimes. Bien que la Cour des comptes souhaite un rapprochement de la MSA avec le régime général, je reste convaincu que les spécificités de la MSA, notamment son volet « retraites » continueront d’être défendues.