Pour avoir des « sols vivants »
Fissurer juste

Cédric MICHELIN
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Le 19 juillet à Neuvy-Grandchamp, le groupe Gaïa Ouest se réunissait pour une démonstration de matériels de fissuration et interprétation de mini-profils de sol. Cette journée technique visait à rechercher comment avoir « des sols vivants », avec les conseils de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et la chambre régionale Bourgogne Franche-Comté.

Fissurer juste

Dans un champ de l’EARL des Côteaux neuvysois, la température dépassait allègrement les 45 °C au soleil en ce jour de canicule. Mais il en fallait plus pour décourager la quinzaine d’agriculteurs du groupe Gaïa Ouest, eux qui s’étaient déjà réunis cinq fois dans l’année, y compris « à se geler les pieds ». D’où leur venait une telle motivation ? De l’envie d’avoir « des sols vivants ». Après une journée de restitution en salle à la sortie d’hiver, ils avaient déjà vu nombre de thèmes en détail : structures des sols, analyses biologiques, matière organique libre ou liée, biologie et physicochimie… avec notamment Christian Barnéoud, expert pédologue à la chambre d’agriculture de Bourgogne Franche-Comté et Émilien Perrousset, conseiller grandes cultures secteur Ouest Saône-et-Loire à la chambre d’agriculture.
En ce 19 juillet, Vincent Finat avait récolté un précédent triticale la semaine auparavant. La demi-journée pouvait donc commencer par un simple profil pour voir « ce qu’il y a dans le sol et ensuite, si besoin, fissurer pour voir l’efficacité des outils » apportés par les membres du groupe, expliquait Émilien Perrousset. « Observez, regardez, appropriez-vous vos sols », martelait Christian Barnéoud, qui avant la retraite, était ravi que le Conseil régional BFC ait financé ces groupes Gaïa.

Mécanique = réparation

Alors que le premier profil « à coups de chargeur frontal » était réalisé dans un passage de roues, pour les besoins de la démonstration, chacun pouvait constater la « fraîcheur, l’humidité et la friabilité » de ces limons sableux « très grossiers ». La surface laissait pourtant craindre une sécheresse avancée alors que les dernières pluies dataient de juin. Une bonne surprise qui est la résultante logique des apports réguliers de matières organiques issues de cet élevage (bovins, volailles, etc.). Une légère semelle (limite horizontale non perforée) apparaissait néanmoins à un horizon de 25 cm de profondeur lorsqu’il ne pouvait émietter cette zone avec son couteau. Christian Barnéoud insistait : « l’idée aujourd’hui est de faire des corrections ou améliorations avec des outils mécaniques, comme ici, et comparer », car tous ne se valent pas. Les démonstrations lui donnaient raison par la suite. Il en profitait pour donner un conseil général. « Observez vos sols lorsqu’il y a de l’eau. Si elle stagne, c’est un vrai indicateur de défaut, sinon, observez lorsque votre système racinaire est bien implanté et s’il descend bien ». Un sol contenant suffisamment d’argile peut néanmoins « se réparer tout seul » parfois, ou avec d’autres actions (chaulage, matière organique, cultures de printemps, couverts végétaux…). « On cherche la microporosité » ou plutôt la friabilité des mottes de terre dans le domaine du visible à l’œil. Idem, avoir de la paille dans « l’univers poreux » est bon signe.

Prendre 20 minutes pour bien régler

Alors, fallait-il descendre à 22 ou à 27 cm ? avoir des dents qui vibrent ou non ? passer à grande vitesse ?… « Il vous faut aussi économiser le gasoil », ramenait-il à des considérations économiques.
Premier à s’élancer, le Smaragd9 de Lemken avec 7 dents. « Efficace, mais le résultat est mitigé sur la friabilité » des mottes, observaient-ils, nuançant par le fait que le sol était relativement sec. Deuxième à passer, l’Enduro 3500 de Kverneland et ses 12 dents. Réglé à 10 cm de profondeur, Éric passait alors à 25 cm de profond. « On voit bien les traces des dents jusqu’à 19 cm, mais malgré la vitesse, cela n’a pas explosé les mottes. Donc, regardez bien vos réglages » à chaque fois, conseillait Christian Barnéoud, qui aimerait dans l’idéal qu’avant chaque travail mécanique dans une parcelle, les agriculteurs « descendent de leur tracteur, ouvrent un profil et prennent 20 minutes pour bien régler » leurs outils de travail du sol.

Chaos bien marqué

S’ensuivait ensuite un « vieux » décompacteur Chisel Quivogne à 17 dents et un peu plus profond. Le résultat était sans appel : « un chaos bien marqué. Les mottes ont été bien éclatées ».
Une vieille sous soleuse équipée de 3 dents prenait la suite à 40 cm de profondeur. Là encore, « toutes les mottes étaient bien éclatées » et la vitesse rapide avait permis de les friabiliser. « Mais ce travail est trop profond. 30 cm auraient suffi pour éliminer les défauts » et économiser du gasoil, notait Christian Barnéoud. À l’inverse, prévenait-il, cela peut engendrer des macrofissures où l’eau va stagner dedans (mouillères). En repassant à 23 cm de profondeur à un autre endroit de la parcelle, cette fois c’est la roche mère qui ressortait.
Avant-dernier à s’élancer, un décompacteur avec 4 doubles dents Michel. « Elles bougent tout mais ne vibrent pas. Si le sol est dur, les mottes vont bouger sans devenir friables », bien que Christian Barnéoud a été ici « agréablement surpris sur la friabilité » après le passage à 20 cm de profondeur, certainement dû, selon lui, à l’humidité du sol.
Enfin, une déchaumeuse avec semis Lemken Rubin 9 et disques émotteurs s’élançait. « On ne descend pas assez, mais cet outil est parfait après un fissurateur ». Ce qui permettait à Christian Barnéoud de conclure : « il est important de regarder le travail de votre outil, ou vos réglages, vitesses… Une autre solution peut être de mettre des couverts dessus pour profiter de l’humidité avant ce type de travail du sol. L’idéal étant d’avoir un large panel d’outils à utiliser à un instant t », concluant ainsi qu’il n’y a aucune règle unique en la matière.

Taupes profils !

« On ne fait pas trop de travail superficiel ici, on n’a pas de terre, on est sur la roche mère », indiquaient plusieurs agriculteurs. Et effectivement, un gros rocher affleurant en contrebas venait rappeler la faible épaisseur de sol dans ce secteur. Pour autant, Christian Barnéoud invitait à peut-être nuancer cette généralité. « Je me souviens être allé dans une parcelle près de chez moi dans le Doubs avec mon voisin éleveur qui me disait la même chose de sa parcelle. Je lui ai dit que non. J’avais vu des trous de taupe qui avaient tous la même belle couleur de terre ». Merci les taupes pour une fois !