Ammonite
Un brasseur de bière pas comme les autres

Régis Gaillard
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Plus qu’une révolution, c’est un véritable tremblement de terre qui a secoué le monde viticole. En effet, aujourd’hui, les Français consomment davantage de bière que de vin. Ce sont surtout les bières artisanales qui connaissent une vraie expansion dans l’hexagone. À l’image de ce que propose Simon Lecomte avec sa marque Ammonite.

Un brasseur de bière pas comme les autres
Simon Lecomte mise tout sur la qualité de ses bières que l'on retrouve déjà sur plusieurs tables étoilées.

Originaire de la région chalonnaise, Simon Lecomte a suivi un cursus scolaire bien loin de l’univers du vin et de la bière, décrochant un diplôme d’éducateur spécialisé. « Mais le vin et les produits fermentés sont depuis toujours une passion. J’ai été formé à la dégustation par mon grand-père et ma mère. J'ai aussi eu la chance de voyager et de travailler avec bon nombre de vignerons que j’appelle les humbles passeurs. Ils m’ont appris leur métier, m’ont transmis leur savoir-faire ».

Appel à candidature

Avec, toutefois, un vrai coup de cœur pour la bière. « Je voulais transposer certaines techniques de vinification à un produit fermenté qui me posait question. Je ne comprenais pas forcément pourquoi on devait y mettre des levures alors que beaucoup de vignerons travaillent aujourd’hui avec des levures indigènes. Ni pourquoi une phase de pasteurisation du moût était nécessaire pour stabiliser le produit avant sa fermentation. Je me suis également mis en quête de trouver un lieu chargé d’histoire et de vie microbiologiste pour débuter cette aventure consacrée à la bière ». C’est à Sennecey-le-Grand qu’il trouve son bonheur. « Je m’y suis installé après la découverte d’une ancienne grange du 17e siècle dans laquelle rien n’avait été stocké en 400 ans si ce n’est du foin. Il y a aussi, à proximité, un verger grâce auquel je fais une partie des bières de macération sur fruit ». Tout en se formant à cette production bien particulière, il réfléchit à la philosophie d’ensemble de son projet. « Il s’agit de faire le meilleur, quitte à ne pas faire beaucoup de volume, et d’être le moins interventionniste possible dans l’élaboration des bières. J’utilise souvent l’image d’un père apprenant à son enfant à faire du vélo. Je suis là pour le rattraper si jamais il risque de tomber. Mais, pour qu’il réussisse par lui-même, je ne le touche pas. Actuellement, je travaille en orge 100 % bio. L’objectif est de trouver un agriculteur – je lance un appel – souhaitant travailler des variétés d’orge anciennes en zéro traitement pour élaborer mes propres malts ».

Petite production maxi qualité

Produisant moins de 100 hectolitres par an, Simon Lecomte a noué des liens avec des restaurateurs, « de véritables artisans du goût, des passionnés de gastronomie ». Mais aussi avec des cavistes de vins et de bières. « L’export s’ouvre sur le Québec, qui est le temple de la micro brasserie, les États-Unis sur la côte Est et les pays limitrophes de la France ». S’il n’entend pas forcément augmenter son volume de production, notre brasseur continue à expérimenter pour innover et apporter de la nouveauté. « Mon objectif est surtout de proposer des bières avec des temps d’élevage sur latte (en bouteille) de plus en plus longs. Mais aussi de faire varier les contenants pour les élevages. Ainsi, je travaille depuis peu avec des amphores en grès. Je vais aussi accueillir d’ici peu un foudre et des barriques de tailles et de contenances différentes. L’hétérogénéité est pour moi l'une des clés de la complexité ». 

Des bières atypiques
Ces bières totalement atypiques sont à consommer plus particulièrement en mangeant.

Des bières atypiques

Simon Lecomte assume sa différence quant au goût de ses bières. « Je produis des bières de fermentation spontanée, élevées en ex-fûts de vin et de spiritueux. Ce sont des bières acides avec des pH bas (équilibre acido-basique, NDLR), avec de la fraîcheur, de la tension et de la salinité. Le tout est élaboré en polyflore (bactéries et levures). Ces bières sont très particulières, déroutantes parfois pour l’amateur de bières de type belge. Ce sont des bières qui invitent à manger ». Et de proposer plusieurs cuvées tout en ne réalisant qu’une seule recette. « La base de toutes mes bières est la même. C’est l’influence des fûts et l’adjonction de fruits, de marc, de fleurs et de plantes qui donnent toute sa spécificité aux différentes cuvées. Le temps est aussi un facteur essentiel. Une très bonne bière peut être élaborée en quatre à cinq semaines. Chez moi, aucune bière ne sort avant un an d’élevage minimum en tonneaux et le même temps d’élevage en bouteille. Je produis aussi une cuvée avec un élevage en solera (inspirée de la vinification des vins de xérès et de certains Champagne), sur une durée moyenne d’élevage de 18 à 24 mois. Il y a aussi des singles casks, des bières issues d’un seul tonneau, sélectionnées pour leur profil organoleptique. Le reste des cuvées est issu de macération et de fermentation intégrales ».