Julien Chardeau, président du GDS 71
« Le sanitaire est notre seule chance de s'en sortir »

Marc Labille
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À l’aube d’une nouvelle campagne de naissances, deux batailles de fonds attendent les éleveurs de Saône-et-Loire : l’éradication de la BVD et en finir avec l’IBR. Prêt à relever ce double défi, le GDS 71 accompagnera ses adhérents dans ce marathon de plusieurs années. Parce que « le sanitaire est notre seule chance de s’en sortir », martèle le nouveau président Julien Chardeau.

« Le sanitaire est notre seule chance de s'en sortir »
Eleveur allaitant en Gaec à Mont-Saint-Vincent, Julien Chardeau est le nouveau président du GDS de Saône-et-Loire.

Élu président du GDS 71 le 9 juillet dernier, Julien Chardeau prend ses fonctions alors que « le groupement s’apprête à livrer deux batailles de front : l’éradication de l’IBR et celle de la BVD ». C’est en effet un chantier colossal qui est en train de débuter en ce moment même. Depuis le 1er août, un arrêté ministériel impose le dépistage systématique de tous les veaux nouveaux nés en France. « 220.000 veaux doivent être testés dans notre département », introduit Julien Chardeau qui rappelle que tout a commencé par une demande des éleveurs constatant que « la BVD leur coûtait très cher : 2 millions d’euros par an en Saône-et-Loire ! ».

Ce vaste chantier a débuté la saison dernière. Le GDS de Saône-et-Loire a en effet choisi de lancer le programme d’éradication de la BVD sur une zone test, en l’occurrence la Bresse, ainsi que pour tous les éleveurs volontaires du reste du département. 20 % des veaux nés dans le département ont été testés durant la campagne 2019-2020, soit le quart des cheptels de bovins en Saône-et-Loire. Les résultats de ces analyses ont révélé un taux de 0,2 % d’IPI (Infectés Permanents Immunotolérants). Ces animaux IPI ne présentent pas forcément de signes cliniques mais ce sont de véritables bombes à virus qui contaminent à tout va leurs congénères, d’où la nécessité de les éliminer dans les plus brefs délais.

Bouclage, vaccination, contrôle à l’introduction

Désormais étendue à tous les départements français par arrêté ministériel, l’éradication de la BVD commence donc véritablement cette année et « pour la première fois, la prophylaxie est laissée aux mains des éleveurs », fait valoir Julien Chardeau. Mais ce transfert de responsabilité va demander de gros efforts aux intéressés et un sacré coup de collier pour le GDS. Le président rappelle que les trois piliers du programme d’éradication sont le dépistage systématique des veaux (par bouclage auriculaire et prélèvement de cartilage) ; la vaccination de tous les cheptels (continuer de vacciner pour ceux qui le font déjà et se mettre à vacciner pour ceux qui ne le faisaient pas encore) ; enfin le dépistage systématique à l’achat d’animaux.

Cette éradication va prendre plusieurs années, prévient Julien Chardeau qui annonce que le GDS 71 se tient prêt « à frapper fort dès la première année ». Le groupement a d’ores et déjà renforcé son équipe d’une technicienne supplémentaire, lesquelles sont spécialement formées pour gérer, aux côtés des vétérinaires, les foyers de BVD. Car chaque IPI identifié entrainera que son élevage soit traité comme foyer BVD. Tout le cheptel est alors analysé et les animaux IPI éliminés, informe le président.

Accompagnement financier

Ce programme d’éradication qui imposera aux éleveurs de cumuler dépistage, vaccination et, le cas échéant, assainissement de cheptel aura un coût, convient Julien Chardeau. Aussi, bien conscient de l’effort important demandé aux éleveurs, le GDS 71 a-t-il prévu un certain nombre d’aides financières pour ses adhérents. Le laboratoire départemental Agrivalys, qui réalise les analyses de cartilages auriculaires, abaissera le coût de l’analyse à 3,50 € contre 4 € en temps normal. En mutualisant les frais postaux d’envoi des échantillons (on peut mettre jusqu’à trois échantillons de cartilage par enveloppe), le GDS promet une économie de 10 centimes d’euro par bovin cotisant. Dans les élevages déclarés foyers à la suite de la découverte d’un IPI, le GDS, avec le soutien du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, aidera ses adhérents à hauteur de 70 % des frais d’analyses de tout le cheptel, et prendra en charge les frais d’élimination des animaux IPI, annonce Julien Chardeau. Et il attribuera également une aide de 1 € par analyse de cartilage auriculaire faisant passer son coût de 3,50 € à 2,50 €, complète le président. « Cette mesure représente un virage en matière de mutualisme et de collectif pour le GDS », commente-t-il. « Avant, les aides du GDS n’étaient attribuées qu’aux éleveurs connaissant un coup dur sur leurs exploitations. Désormais, nous faisons le choix d’aider tous les éleveurs qui adhérent au GDS », fait remarquer Julien Chardeau. Dernière mesure d’accompagnement, le GDS attribue une aide pour les veaux éliminés (exemple : 200 € par veau allaitant) afin de limiter la perte économique. « Ces cinq mesures représentent plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais l’éradication de la BVD économisera aux éleveurs 2 millions d’euros par an », rappelle le président du GDS.

En finir avec l’IBR

L’autre gros chantier du GDS 71 portera sur l’IBR. « La France a demandé de faire valider son programme d’éradication au niveau européen. Si c’est accepté, alors nous serons engagés à le faire dans les six années à venir », explique Julien Chardeau. « C’est une bonne nouvelle pour les 3.200 élevages de Saône-et-Loire indemnes d’IBR. Pour eux, la prophylaxie sera allégée et donc le coût annuel moins cher », informe-t-il. En revanche, « pour la centaine d’élevages qui n’auront pas fait la démarche d’éliminer les animaux positifs à l’IBR, la sanction sera qu’ils seront obligés de passer en prophylaxie individuelle. Ce qui fera exploser le coût », prévient le président du GDS qui exhorte donc les détenteurs de ces derniers positifs à les éliminer sans délai.

Plus que jamais, le GDS de Saône-et-Loire est mobilisé en ce début de campagne 2020-2021. Alors que son élection a été retardée de plusieurs mois en raison du confinement et prenant ses fonctions au moment où le GDS doit relever deux énormes défis, Julien Chardeau sait bien « que ce n’est pas facile de parler BVD, IBR en ce moment ». Les éleveurs sont en effet « plus préoccupés par la sécheresse, la chute des cours des broutards ou les attaques de loup… », convient-il. Mais le président du GDS reste convaincu « qu’on ne peut pas se permettre de passer à côté du sanitaire. C’est notre seule chance de s’en sortir. Porteuse de garanties en termes de traçabilité et de qualité, la maîtrise sanitaire est une réponse à ce que recherchent les consommateurs. C’est notre atout face à la concurrence », croit fermement Julien Chardeau.

« L’engagement collectif colonne vertébrale du GDS »

Âgé de 34 ans, Julien Chardeau est en Gaec avec son frère aîné sur une exploitation de 210 hectares à Mont-Saint-Vincent. Les deux associés ont un troupeau de 150 vaches charolaises produisant des broutards et des femelles commercialisées maigres. Sur les pentes granitiques froides du Mont-Saint-Vincent, les frères Chardeau parviennent à cultiver 25 hectares de céréales. Julien s’est installé sur la ferme familiale en 2013 après avoir notamment travaillé à la ferme expérimentale de Jalogny. Intéressé par les questions sanitaires depuis toujours, le jeune agriculteur a immédiatement intégré le conseil d’administration du GDS. Puis « les étapes se sont enchaînées », confie Julien qui, le 9 juillet dernier, succédait à Fabien Coulon à la présidence. Appartenant à un conseil d’administration relativement jeune, avec « des membres soudés et combatifs », Julien Chardeau se dit honoré de prendre la suite de son collègue Fabien Coulon. Rendant hommage au travail considérable accompli par son prédécesseur, le nouveau président pourra toujours compter sur lui en temps que vice-président. Fabien conservera en effet les responsabilités régionales et nationales, charges qu’il partagera avec le deuxième vice-président Rémy Corneloup. Outre Fabien Coulon dont Julien Chardeau dit partager la même ligne, le nouveau président du GDS cite aussi deux autres présidents qu’il a bien connus : Frédéric Brochot et Jean-Paul Dufour dont il est voisin de ferme. « Ma première pensée va à mes deux grands-pères, le premier boiseur dans les mines de Montceau et le second paysan à Mont-Saint-Vincent qui tous les deux m’ont transmis le sens de l’engagement pour le collectif. Or c’est bien la colonne vertébrale du GDS », conclut Julien Chardeau.