Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire
PATatras ou PATriotisme pour les Plans alimentaires territoriaux (PAT) ?

Cédric MICHELIN
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Après des élections municipales 2020 qui se sont déroulées dans des conditions très particulières en raison du Covid-19, il y avait foule ce 2 octobre à Matour pour l’AG de l’Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire, tant l’UMCR 71 constitue un appui de poids pour les maires ruraux, nouveaux comme anciens. Cette année encore, l’agriculture se trouvait en bonne place avec un débat autour de l’alimentation locale et des plans alimentaires territoriaux (PAT).

PATatras ou PATriotisme pour les Plans alimentaires territoriaux (PAT) ?
La présidente de la commission Aménagement du territoire et agriculture, Catherine Amiot, réaffirmait la politique du Département de Saône-et-Loire qui veut « mettre en cohérence les PAT avec d’autres dispositifs comme avec les moyens du Département et de la Région, ou avec des formations ». Avec la chambre d'agriculture, le bilan permettra de « réfléchir au bon dimensionnement des nouveaux outils pour faire le lien producteurs-consommateurs, jusqu’aux déchets ».

« Apolitique », aux côtés de l’association des Maires de Saône-et-Loire, l’UMCR compte 265 adhérents actuellement, soit plus d’une commune rurale sur deux.
Évidemment, l’activité de novembre 2019 à septembre 2020 a été marquée par la pandémie de Covid-19 qui n’épargne pas la ruralité. Mais qui met en évidence nombre de déséquilibres dans l’aménagement des territoires. Et en premier lieu, avec le confinement du printemps, l’accès à la nourriture ! L’Union des maires des communes rurales s’est particulièrement mobilisée et a agi auprès des services de l’État pour que les marchés alimentaires locaux puissent se tenir dans les villages et centres-bourgs. « Bien organisés, ils ne présentaient pas plus de risques que la circulation dans les allées des supermarchés », lâchait Jean-François Farenc devant le préfet et de nombreux parlementaires, histoire que cette "injustice" ne se reproduise plus. Le président de l’UMCR enchainait d’ailleurs avec d’autres sujets agricoles : préservation des surfaces, mise en place des ZNT… et évidemment, avec la table ronde du jour sur le « travail commun à mener pour développer l’alimentation locale », toujours avec la profession agricole. Dans la bouche de l’administration et de Joël Giraud, le secrétaire d’État chargé de la ruralité, il est ici question des Plans alimentaires territoriaux (PAT). Un peu plus tôt, le président du Département, André Accary avait également rappelé le travail mené conjointement avec la chambre d’agriculture autour des plateformes web Agrilocal (plutôt vers les cantines scolaires et collectives) et J’veuxdulocal (vers le grand public).

PATratras

Mais là, il était l’heure des PAT qui ont pris « un relief tout particulier avec la crise du Covid-19 » puisque la souveraineté alimentaire a été promue au plus haut sommet de l’État, rappelait Laurent Rebeyrotte, l’animateur de la table ronde. Et c’est vrai que les consommateurs ont semblé pour une fois associer la parole aux actes… d’achat. « L’agriculture a "bénéficié" de cette crise, analysait Bernard Lacour le président de la chambre d’agriculture, puisque nous avons multiplié par trois les inscriptions côté producteurs et les clients ont fait le chemin » en direction des fermes. « Mais depuis certains ont repris leurs habitudes », nuançait-il. C’est pourquoi, la chambre prépare l’étape d’après avec des magasins de producteurs « en périphérie des villes, là où sont les clients, ceux qui n’ont pas envie de courir de ferme en ferme ». Sa cible même à long terme semble être les métropoles.

Spécialiste des stratégies alimentaires dans les territoires, Laurent Terrasson mettait lui immédiatement les pieds dans le plat : « oui, les Français veulent identifier l’origine de leur produit mais est-ce que local rime toujours avec qualité ? Est-ce toujours durable ? Est-ce que les maires ruraux savent lancer les bons appels d’offres publics ? Est-ce que les grosses cuisines collectives ont vraiment besoin d’Agrilocal ? Est-ce que les producteurs sont intéressés pour ne livrer que 10 fromages ? Est-ce que le gérant, acheteur pour la cuisine du lycée ou collège, est en phase avec le cuisinier motivé ?... ».

Avoir tous les maillons

Revenant à la base de l’alimentation, pour développer une filière locale, il faut en réalité bien souvent une chaine d’acteurs : de l’agriculteur au distributeur en passant par le transformateur. Maire de Saint-Martin-de-Commune, Sylvain Chavy revenait sur l’historique de l’abattoir d’Autun, outil de proximité justement. « La DDPP disait qu’il fallait le fermer ». La profession agricole et la com’com Autunois-Morvan ont alors fait le « choix courageux » de le mettre aux normes et de développer les tonnages pour optimiser les coûts de fonctionnement. « Il faut le faire tourner, il y a encore du travail à faire, avec la cuisine centrale d’Autun notamment mais nous passons l’équivalent de 35 animaux par an déjà pour les cantines et c’est un abattoir multi espèces avec 750 moutons pour l’Aïd par exemple donc c’est utile », regardait-il en direction du préfet et de ses services (DDT, DDPP, etc.).
Même message pour Gérald Gordat, vice-président du Grand Charolais : « lorsque nous avons lancé notre PAT il y a deux ans, notre première cible était la restauration collective qui paraissait simple… mais dans le détail, c’est d’une complexité ! Avec de multiples acteurs. Il faut alors faire le lien entre eux et les producteurs mais aussi assurer jusqu’à la logistique de ces derniers ». Le résultat est amer pour tous : « Dans les collèges (Département) et lycées (Région), à part des coups de com’, avec des fromages ou viandes charolaises, il n’y a pas de régularité pour les producteurs, donc pas de développement économique », tranchait-il.

À ce stade du débat, tous s’accordaient donc à dire qu’au-delà des bonnes volontés, logistique et « ingénierie administrative » sont les maillons faibles en local.

Cercle vertueux

Maire de la nouvelle commune de la Vineuse-sur-Frégande, François Bonnetain redonnait de l’espoir. « Cela fait dix que l’on fait sans le nommer des PAT (son dossier a été déposé en septembre, NDLR) en organisant la restauration de petites cantines, en débordant au-delà (du Clunisois, NDLR), en passant par la logistique et la distribution à partir des producteurs-adhérents de l’association Terroirs de Saône-et-Loire ». Ainsi, ils réussissent à approvisionner 25 cantines en produits locaux à hauteur de « 25% en viande, en fruits, en légumes… » locaux. Des investissements dans un laboratoire multi-produits (viande, viennoiserie, légumerie…) qui est venu en plus « conforter également l’installation ou la diversification de producteurs ». Coup double ou triple donc avec le bien-être animal derrière et la réduction de l’empreinte carbone. Prochaine étape : embaucher un boucher pour la découpe et une cuisinière qui gérera les plannings de production et de livraison (halte-garderies, centres de loisirs…).

De l’ingénierie pour les ruraux

Un bel exemple qui remontait le moral de la centaine de maires présents et de Joël Giraud, le secrétaire d’État en charge de la ruralité qui ne connaît que trop bien toutes ces difficultés ou succès, lui qui a été maire pendant 28 ans dans un village des Alpes. Il redisait la volonté du gouvernement de ne pas imposer depuis Paris : « à vous de déterminer quelle est la bonne échelle de votre PAT ». Il rappelait aussi qu’il ne faut pas tomber dans l’utopie : tout ne peut pas être produit localement. Il reconnaissait que les dispositifs étaient jusqu'à présent « illisibles ». Avec Jacqueline Gourault, ministre des Territoires, « de la même façon que le Plan de relance, les territoires décideront du contenu avec leur préfet et ceux d’arrondissements. Ces Contrats de ruralité sont destinés en priorité à la ruralité car les villes ont de l’ingénierie territoriale que n’ont pas les maires ruraux. C’est une des clé du problème. Et on va limiter les appels à manifestation d’intérêt (AMI) qui ne servent que ceux qui ont un ingénieur pour faire la chaussette qui va bien » pour récupérer les fonds, donc principalement des villes et métropoles. Il annonçait que 80 millions d’€ sont fléchés pour les PAT, dont 75 M€ pour consolider « ceux en place » et 5 M€ pour la « seconde salve ».

Enfin, il appelait à voir plus loin que les 1,2 milliards d’€ pour la « relance agricole » mais bien plutôt « 2,5 milliards d’€ avec le plan biodiversité qui marche de pair avec l’agriculture », pour lui. Là encore, il faudra certainement entrer en compétition avec d’autres habitués aux subventions. Il se remémorait d’ailleurs une anecdote symbolique pour lui : « dans mon village, une association écolo est venue pour critiquer le fait que les enfants mangeaient trop de viande ovine alors que c’est notre principale ressource locale. L’association prônait pour des "steaks" végétaux bio… qui venaient d’Ankara (Turquie) en transitant par Stuttgart (Allemagne) ». Allez savoir donc... Il ne veut pas y voir une opposition entre filières animales et végétales puisqu’il encourageait plutôt « à répondre à ce genre de demande par des solutions industrielles dans nos territoires ». Là encore, il affichait la nouvelle doctrine post-Covid : « Via les préfets départementaux, vous pouvez accéder à plus d’un milliard d’€ pour vos maîtrises d’ouvrage ». La décentralisation et l’aménagement des territoires seraient-ils vraiment « en marche » ? L’avenir le dira…

Le maire de Charbonnat et éleveur, Fabrice Voillot, rappelait que ces démarches avec les collectivités ne s’arrêtent pas à l’approvisionnement : « la moyenne du gaspillage dans les cantines est de 120 g. Dans l’Autunois, nous sommes en moyenne à 30 g, grâce à de la pédagogie avec les enfants » qui deviennent nos meilleurs ambassadeurs.