CÉRÉALES
L’AGPB appelle à refonder la politique de l’UE envers l’Afrique

Inquiète de la politique céréalière menée par la Russie, l’AGPB (producteurs de blé, FNSEA) appelle la France, mais aussi l’Union européenne, à intégrer la géopolitique du blé dans leur action internationale, plus particulièrement vis-à-vis du continent africain.

L’AGPB appelle à refonder la politique de l’UE envers l’Afrique
La politique du président russe Vladimir Poutine « fait du blé une arme alimentaire, selon l'AGPB. ©Lucian Spataru_CE Service audiovisuel

À l’occasion de la conférence de presse de l’AGPB (producteurs de blé, FNSEA) le 21 septembre, son président Éric Thirouin a lancé « un appel solennel au gouvernement et à l’Union européenne » à « refonder leur politique céréalière vis-à-vis des pays africains, avec par exemple la mise en place d’accords bilatéraux ». Un appel lié à la politique du président russe Vladimir Poutine qui « fait du blé une arme alimentaire », selon l’AGPB. Pour la prochaine campagne 2023-2024, la Russie devrait engranger 89,6 Mt de blé, s’ajoutant à un stock de 17 Mt. Lors du sommet Russie-Afrique le 27 juillet, le chef du Kremlin avait annoncé « des livraisons gratuites de 25 000 à 50 000 tonnes de céréales » à six pays d’Afrique. Par ailleurs, la Russie a exporté au cours de la campagne 2022-2023 « pas moins de 48,1 Mt en se déjouant des marchés classiques pour asseoir son influence auprès des pays tiers. « Un blé bradé qui a remporté tous les premiers appels d’offres des pays tiers face à un blé français mécaniquement moins compétitif », affirme l’AGPB.

Effet ciseaux dévastateur

Selon Philippe Heusele, secrétaire général de l’AGPB, les exportations de la France vers le Maroc, la Tunisie et l’Algérie tournent aux alentours de 4 à 6 Mt de céréales, et de 1,8 à 2 Mt vers l’Afrique subsaharienne chaque année. À « l’interventionnisme russe en Afrique » s’ajoute, aux yeux de l’association de producteurs, l’élargissement de l’alliance des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui « bouleversent les fondamentaux du marché et présagent d’une recomposition totale du commerce international ». De quoi mettre les céréaliers français « dans une situation compliquée », estime Éric Thirouin. Ce dernier dénonce « une sur-offre artificielle momentanée » de la part de la Russie, alors même que la demande reste très forte. Résultat, les cours du blé connaissent une « grosse déprime ». Le déclenchement de la guerre en Ukraine avait suscité une envolée des cours des céréales, avant de se replier. « Avec une chute des cours de 200 euros la tonne entre mai 2022 et mai 2023, on s’attend à un effet ciseaux dévastateurs pour les céréaliers », prévient d’ailleurs le président de l’AGPB. Et ce d’autant plus que « les céréaliers subissent des hausses de leurs charges de plus de 37 % par rapport à la moyenne d’avant-guerre 2018-2021 ». Aussi, l’AGPB affirme que les cours actuels « ne permettront pas de couvrir les coûts de production », alors même que la récolte, dont les prévisions sont estimées à 35 Mt, est globalement de qualité.

J.J

Éric Thirouin, président de l'association des producteurs de blé (AGPB). ©FNSEA