BOVIN LAIT
L’inflation et la baisse de la consommation impactent la filière lait bio

Après une croissance ralentie en 2022, le repli de la collecte de lait produit en agriculture biologique se poursuit en 2023. Cette tendance, doublée à une érosion de la consommation des ménages, met à mal la filière.

L’inflation et la baisse de la consommation impactent la filière lait bio
La chute des ventes de produits laitiers bio se poursuit en 2023, alors que les ventes de produits laitiers non bio ne reculent plus. ©Idele

Au Salon Tech&Bio 2023, la conférence dédiée à l’économie, au climat et au marché du lait bio a fait salle comble. Cet engouement a pris sens dès la première diapositive. Depuis 2018, année durant laquelle les éleveurs laitiers bio bénéficiaient de revenus supérieurs par rapport aux éleveurs conventionnels, la conjoncture s’est totalement inversée. « Ce constat économique a pu créer une frustration des éleveurs qui se sont convertis en 2015 et 2016 », a concédé Yannick Péchuzal, de l’Idele. Les écarts de revenus ne sont pour autant pas mauvais pour tous les élevages bio. Selon l’Institut de l’élevage, entre 2020 et 2022, 25 % d’entre eux avaient des résultats au-delà de 40 000 €/UMO exploitant (UMOex) et 25 % étaient en deçà de 20 000 €/UMOex. Ces écarts de résultats sont multifactoriels et dépendent autant du niveau des investissements, de la maîtrise technique, que de la sensibilité aux aléas et à l’autonomie alimentaire. « L’autonomie alimentaire coûte cher, lorsque l’on souhaite maintenir la production », a tenu à rappeler le conseiller. Entre 2018 et 2022, les éleveurs laitiers ont fait face à une hausse des charges non compensées. La main-d’œuvre (+ 34 %), le matériel (+ 37 %) et les bâtiments (+ 11 %), sont de loin les charges ayant les plus augmenté (+ 21 7 000 €). Les charges dites opérationnelles, dont l’alimentation achetée, ont  atteint une croissance de 19 % (+ 7 400 €). « Contrairement au lait bio, le prix du lait conventionnel a permis de compenser cette même hausse de charges », a indiqué le professionnel, devant une foule attentive. Face à ce constat, certains producteurs bio peuvent envisager la déconversion. Une fausse bonne idée, selon l’Idele, qui rappelle que ce changement est coûteux, puisqu’il implique une perte des aides de 6 000 €/UMOex.

Baisse de la collecte et des achats des ménages

Parallèlement à cette hausse des charges, l’Idele note que la collecte de lait bio se rétracte depuis le premier semestre 2023 (- 3,4 % par rapport au premier semestre 2022) et devrait se poursuivre en 2024. La raison ? L’impact du climat et la baisse du nombre de livreurs. Le prix du lait bio connaît pourtant une stabilité interannuelle, avec un écart de prix avec le lait conventionnel autour de 120 €/1000 l. Selon Christine Goscianski, experte en conjoncture pour l’Idele, la principale problématique reste l’inflation et ses conséquences sur la consommation des ménages. L’étude de l’Idele révèle que l’envolée des prix alimentaires entamée en 2022, se poursuit en 2023 (+ 20,5 % depuis novembre 2021). Cette inflation a fortement fait chuter les achats en volumes et a engendré une descente en gamme. En 2022, les ventes de fromages en libre-services bio et les crèmes bio ont chuté de 15 et 16 %. À titre de comparaison, les mêmes produits non bio n’ont connu qu’une chute de 2 % et 4 %. Cette décrue des ventes de produits laitiers bio se poursuit en 2023, atteignant jusqu’à - 19 % pour les fromages en libre-service ; tandis que les ventes de produits laitiers non bio ne reculent plus. Selon l’experte, « les produits laitiers bio ont atteint un seuil de prix de vente en magasins devenu dissuasif à l’achat et leur valeur ajoutée n’est plus perçue par le consommateur ». Toutefois, ces produits laitiers ont moins souffert de la déconsommation que d’autres produits. La reprise de la consommation dépendra donc inévitablement d’une amélioration du pouvoir d’achat des Français et d’une meilleure communication sur les valeurs intrinsèques des produits bio.

Léa Rochon

Les leviers à adopter face à la sécheresse

LOIRE

Outre une conjoncture économique difficile, l’élevage bovin lait va devoir répondre à l’enjeu climatique. Jean-Pierre Monier, conseiller bovin lait à la chambre d’agriculture de la Loire, a établi les perspectives climatiques auxquelles son département va devoir faire face en 2050. « Sur dix ans, nous devons nous attendre à 5 années sèches, 4 années normales et 1 une année humide », a-t-il expliqué. Selon lui, gérer un effectif bovin lait cohérent avec les ressources existantes doit donc devenir une priorité. « Les pratiques de demain ne seront plus les pratiques d’hier », a-t-il martelé. Cette adaptation doit passer par différents leviers, dont la diversification de son assolement, le stockage des fourrages de qualité dans de bons silos, mais également l’augmentation des surfaces afin de nourrir le même cheptel. Pour rester efficace, cet agrandissement doit néanmoins se faire près des bâtiments.