Xavier Moissenet
A la barre d’un domaine viticole

Régis Gaillard
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La viticulture de Saône-et-Loire se nourrit de la diversité des parcours. A l’image de Xavier Moissenet qui a quitté le confort et le prestige d’un poste de magistrat pour se lancer dans un métier synonyme de passion.

A la barre d’un domaine viticole
Xavier Moissenet est pleinement épanoui dans l'univers viticole.

Le prestige du poste, le compte en banque bien garni et la sécurité de l’emploi. S’il n’avait écouté que sa raison, Xavier Moissenet occuperait, encore aujourd’hui, son poste de magistrat. Et aurait certainement gravi quelques échelons supplémentaires…

Mais Xavier Moissenet n’est pas fait de ce bois. En effet, le natif de Chatillon-sur-Seine a, dès l'enfance, baigné dans l’univers viticole. « Cela m’a toujours intéressé, attiré ». Un centre d’intérêt qu’il met de côté le temps d’effectuer de brillantes études juridiques, notamment du côté de Dijon, et de décrocher (tiens, tiens) un DESS de droit vigne et vin. En parallèle, il prépare l’école de magistrature et est reçu au concours. Ce qui lui vaut de faire des stages à Bordeaux puis Chalon-sur-Saône, comme par hasard deux régions viticoles. Il décroche son premier poste, de substitut du procureur, à Mâcon. Il y restera quatre années. Puis il arrive à Chalon en 2007. « Mais, lors de mes vacances, j’allais systématiquement faire les vendanges dans la famille ». Passion chevillée au corps, il décide d’aller plus loin en s’inscrivant au CFPPA de Beaune en 2008. Ce qui lui permet de devenir titulaire d’un BPREA en 2011. « Je me suis toujours senti bien dans les vignes et les caves ».

L’heure du choix

Xavier Moissenet arrive alors à un tournant de son existence car s’approche la fin de son obligation d’engagement vis-à-vis de l’Etat. « En 2012, j’ai racheté une petite parcelle, de 30 ares, à Pommard, pour me faire la main. Je produisais du passe-tout-grain. En 2012 et 2013, j’étais la semaine dans mon bureau en tant que magistrat et le week-end dans les vignes. J’ai pris le temps de réfléchir à ce que je souhaitais faire. Je prospectais aussi afin de trouver des vignes et d’éventuellement m’installer ». C’est alors qu’il entre en contact avec la famille Lechenault. Il choisit de franchir le Rubicon, reprenant environ 5.5 hectares de vignes tout en récupérant une parcelle à Mercurey. Ce qui lui permet de produire du Bourgogne Côte Chalonnaise blanc et rouge, du Bouzeron et du Mercurey rouge. « La parcelle à Mercurey était en bio ». C’est ainsi que débute au printemps 2014 une nouvelle aventure. « Dès le départ, j’ai engagé le domaine dans une conversion bio. Je suis bio depuis le millésime 2017 ».

Loin d’être une simple posture, Xavier Moissenet a mis en place une vraie démarche bio. A commencer par le travail dans la vigne. « Au départ, j’étais parti sur de l’enherbement mais cela n’a pas très bien fonctionné. Je fais un peu de griffage, pas trop profond, un peu d’interceps. Quant au couvert végétal, je suis en pleine réflexion ». Modeste, il avoue ne cesser d’apprendre. « N’ayant personne pour me guider, j’ai fait et je continue à faire mes propres expériences dans la vigne. Pour ce qui est de la gestion des sols, il y a des pistes à explorer du côté de l’agroforesterie. L’idée est de réintroduire de la biodiversité, des arbres… pour éviter, par exemple, la grillure dans les vignes. Quant au matériel végétal, j’ai beaucoup de vieilles voire de très vieilles vignes. Je travaille avec un pépiniériste pour repiquer avec ma sélection massale. L’aligoté est un cépage qui tire bien son épingle du jeu avec l’évolution du climat ».

Vendanges traditionnelles

Alors que 2020 était sa septième vendange, Xavier Moissenet se dit attaché à la tradition. « Mes vendanges sont uniquement manuelles. J’ai la volonté d’être cohérent dans l’ensemble de ma démarche. Je vendange généralement plus tard que mes collègues ». Côté vin, il a une idée très précise de ce qu’il souhaite faire. « En blanc, il y a un pressurage direct en vendange entière, relativement lent. Il y a un débourbage d’environ 24h et une fermentation avec des levures indigènes en cuves bois ou inox. En rouge, l’égrappage va de 0 à 100% selon les cuvées et les millésimes. Je garde de plus en plus de vendanges entières pour avoir notamment plus de complexité. Il n’y a pas de macération à froid. Il y a une fermentation avec des levures indigènes quinze jours à trois semaines, pigeage et remontage. L’idée est de faire durer la macération pour profiter à 100% de la qualité de la matière première. Puis pressurage et un léger débourbage. Avec des vins 100% en fût. L’élevage dure environ un an. Je ne peux pas plus longtemps car je n’ai pas assez de place pour stocker mes vins ».

Côté commercial, Xavier Moissenet applique la sage règle des trois tiers en terme de débouchés : un tiers auprès des particuliers, un tiers à l’export et un tiers en direction des cavistes, des restaurants et des bars. « Je vends un tiers de ma récolte en vrac à des gens qui mettent en valeur l’AOC Bouzeron mais cette part varc diminue chaque année. A l’export, je vends en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne, au Japon, en Corée du Sud et aux Etats-Unis (Californie) »

Quid du futur ?

Pour ce qui est du futur, Xavier Moissenet n’a pas d’ambitions démesurées. « À l’avenir, je n’ai pas spécialement envie de grossir. Je souhaite continuer à toucher à toutes les tâches d’une exploitation, de la vigne à la commercialisation en passant par la cave. Même si j’ai envie de déléguer un peu plus le volet administratif. J’espère augmenter mon volume de vin mis en bouteille tout en gardant un équilibre comme aujourd’hui dans mes débouchés. J’ai aussi des perspectives de plantation d’une trentaine d’ares à Rully ».