Filtration de cabine
Surclasser pour traiter en sécurité

Cédric MICHELIN
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Les systèmes de filtration de cabine sont classés en quatre catégories selon une norme européenne. Le niveau 4 s’avère le plus efficace, mais il équipe encore peu de tracteurs standard.

Surclasser pour traiter en sécurité
Le kit externe commercialisé par Claas pour la cabine des tracteurs spécialisés Nexos permet au chauffeur de bénéficier d’un système de filtration satisfaisant aux exigences de la catégorie 4. Crédit : Claas

Indiquée sur une plaque apposée sur la cabine, l’efficacité du système de filtration est déterminée par la norme NF EN 15695-1 et classée en quatre catégories (voir tableau). « Le règlement 167/2013 impose aux constructeurs d’informer l’utilisateur sur le niveau de protection qu’il peut attendre de sa cabine, au travers d’un marquage indiquant la catégorie sur le véhicule et d’une information dans la notice, avec en particulier une alerte indiquant que les trois premiers niveaux ne sont pas adaptés aux traitements phytos », précise Benoît Moreau de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).
Selon les termes de la norme européenne, la cabine de catégorie 1 ne fournit aucun niveau spécifié de protection contre les substances dangereuses, tandis que celle de catégorie 2, la plus courante, assure une protection contre la ou les poussières.
La cabine de catégorie 3  fournit une protection contre la ou les poussières et les aérosols. Peu de tractoristes la propose, à l’exception de Claas qui vend de série, depuis le 1er octobre 2020, ses modèles Arion et Axion avec des cabines de catégorie 3.

La plus efficace, la catégorie 4 est la seule conseillée pour les traitements phytosanitaires. Son système de filtration est en effet capable de filtrer les poussières, les aérosols ainsi que les vapeurs. Cette performance est permise par la combinaison d’un habitacle étanche, d’une ventilation permettant un renouvellement d’air avec un débit d’au moins 30 m3/h, d’une pressurisation de la cabine de 20 Pascal et d’un indicateur de pression. Elle repose aussi sur l’installation d’un filtre spécifique conforme à la norme EN 15695-2 et composé de trois étages : le premier capte les poussières, le deuxième retient les aérosols et le troisième stoppe les vapeurs émanant de l’évaporation des produits phytosanitaires. Ce filtre est assez coûteux : 200 à 500 euros selon les marques. Il est recommandé, a minima, de le renouveler tous les ans ou après 150 heures d’utilisation (au premier des deux termes échus et conformément aux préconisations de la notice d’utilisation du filtre).

Les tracteurs spécialisés les mieux lotis

Les méthodes de traitement employées en arboriculture et viticulture (pulvérisation vers le haut) ont incité certains constructeurs à équiper en priorité les tracteurs spécialisés d’une cabine filtrante de catégorie 4. Bobard a été l’un des premiers à proposer une cabine de catégorie 4 montée d’usine sur ses tracteurs enjambeurs. Le groupe CNH s’est démarqué en présentant en 2015 un dispositif capable de travailler en catégorie 2 ou 4 sans intervention du chauffeur sur le filtre. Commercialisée depuis 2016 et baptisée Blue Cab4 chez New Holland, cette solution est disponible en option sur les tracteurs pour vergers, cultures en rangs serrés et vignes T4V, N, F et LP. Elle se retrouve aussi sur les spécialisés Case IH Quantum V, N, F et CL. Ce procédé présente l’avantage d’être plutôt abordable économiquement (moins de 1.000 euros), contrairement aux équipements adaptables facturés entre 3.000 et 4.000 €. Il se distingue par l’installation de deux filtres distincts, permettant d’atteindre, au choix, les performances de filtration d’une cabine de catégorie 2 ou 4. Le premier est employé pour les travaux classiques (travail du sol, entretien…). Le second est utilisé pour les traitements phytos et demeure isolé de toute pollution le reste du temps. Sa durée de vie moyenne est alors de 150 heures réelles de pulvérisation (ou d’un an) et son coût avoisine 500 €. Au travail, le fonctionnement de la cabine CNH de catégorie 4 est sécurisé : un témoin vert s’allume pour indiquer que l’habitacle est pressurisé. La marque italienne Same propose de série une cabine de catégorie 4 sur ses tracteurs Frutteto CVT. Ces modèles spécialisés disposent également d’une double filtration qui, par défaut, ne filtre que les poussières (niveau 2). Pour les traitements phytos, il suffit au chauffeur d’engager la pressurisation et le circuit d’air bascule sur le filtre de catégorie 4. Claas, pour sa part, ajoute en option un kit se greffant sur le toit de la cabine des spécialisés Nexos, qui s’accompagne d’un module de filtration à trois étages et d’un système de pressurisation, afin de satisfaire aux exigences de la catégorie 4. Pour atteindre ce niveau, John Deere, comme d’autres marques, fait appel à des solutions adaptables et confie le montage aux concessionnaires ou à l’équipementier. Le constructeur propose, par exemple, pour les tracteurs 5G (N, F et V), un kit fourni par Honoré Filtration. Cette société française travaille aussi avec Carraro, Fendt, Massey Ferguson et Same pour leurs modèles spécialisés. Elle a aussi développé pour le marché français un moulage de toit spécifique pour une meilleure intégration du dispositif sur les Kubota M5 Narrow. Le module Honoré Filtration n’embarque qu’un seul type de filtre et demande donc d’en placer un conforme à la catégorie 4 lors des travaux de pulvérisation. Il s’accompagne notamment de l’ajout en cabine d’un indicateur de surpression.
David Laisney

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La catégorie 4 en rétrofit

La catégorie 4 en rétrofit

En tracteurs standard, New Holland s’apprête à proposer un kit permettant d’atteindre les exigences décrites dans le protocole de la catégorie 4 en termes de protection de l’opérateur vis-à-vis des vapeurs chimiques. Cette solution s’adresse à de nombreux clients de la marque, car elle concerne les tracteurs des séries T6000, T7000, T6 et T7, ainsi que les T5 Auto Command et Dynamic Command (suivant les finitions). Elle résulte de l’étude d’un institut allemand, qui a mesuré que le système de filtration de ces gammes répond aux exigences en matière de débit d’air et de pressurisation de la catégorie 4. Le kit comprend l’installation d’un indicateur de pression et d’un filtre adapté. Pour valider les résultats, New Holland France a, en septembre 2020, soumis la cabine d’un tracteur T7 aux tests de l’Utac. La transformation réalisée en concession devrait coûter environ 500 €, sous réserve de l’état des joints d’étanchéité. Elle comprend le montage d’un filtre à deux étages, qui s’installe à la place du simple filtre à poussière fourni initialement. Ce filtre est à renouveler, a minima, toutes les 150 heures et son prix sera d’environ 200 €. Dans la pratique, le constructeur recommande de monter le filtre adapté aux cabines de catégorie 4 au printemps avant la période des traitements, puis de le remplacer par un modèle de catégorie 2 pour les travaux d’été. Il déconseille en revanche de le retirer après chaque traitement, afin de ne pas s’exposer aux résidus de phytos et de ne pas détériorer les joints en répétant les opérations de pose et dépose. De son côté, John Deere annonce l’arrivée en décembre 2020 d’une solution pour bénéficier du niveau de sécurité d’une cabine de catégorie 4 sur les tracteurs de la série 6R. Le kit développé en interne sera commercialisé et monté par les concessionnaires. « L’intégration de systèmes de filtration conçus par les constructeurs revêt un intérêt sur le plan de la facilité de remplacement des filtres, une opération parfois périlleuse avec les montages en rétrofit. L’article 32 du règlement (UE) n°1322/2014 et annexe XXIX, qui traite de la protection du conducteur contre les substances dangereuses, prévoit notamment, dans son point 3.1, que les porte-filtres doivent être de dimension adéquate pour permettre d’effectuer les opérations d’entretien des filtres sans difficultés et sans risques pour l’opérateur. Cela doit alors conduire les constructeurs à retenir un emplacement des porte-filtres dans une zone où l’opérateur est libre de ses deux mains, au sol ou sur une plateforme sécurisée fixe ou temporaire », souligne Benoît Moreau.