Audit de la traite
Un audit de la traite est un bon moyen pour identifier les problèmes et trouver des solutions

Cédric MICHELIN
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Plusieurs paramètres concourent à une bonne hygiène lors de la traite. Et cela se passe dès l’arrivée de la vache. Le point sur les règles à respecter avec Hervé Despinasse, qui réalise des visites d’exploitation depuis plus de vingt ans dans le Rhône.

Un audit de la traite est un bon moyen pour identifier les problèmes et trouver des solutions
Le LactoCorder® pour chaque vache et chaque poste concerné, il enregistre le débit de traite. Pendant la phase de lavage, il révèle la quantité d’eau, la température, la turbulence…

Dans le Rhône, lorsqu’un éleveur enregistre durant deux mois consécutifs plus de 400.000 cellules à la laiterie ou 20 % de mammites cliniques, « il peut bénéficier du plan mammite préconisé par le GDS », indique Hervé Despinasse, conseiller au sein de Rhône Conseil Elevage et du GDS69. « Dans le cadre de ce plan, nous réunissons le conseiller d’élevage, l’animateur GDS, le vétérinaire et l’éleveur afin de pointer les problèmes et les pistes pour les endiguer. On assiste ensuite à la traite ». Hervé Despinasse réalise des visites d’exploitation depuis plus de vingt ans, il aime prendre le temps d’observer. « J’arrive avant le début de la traite, afin d'examiner les lieux, le niveau de propreté de la salle, de la laiterie. Cette première impression peut être déjà un indicateur », explique-t-il. Il assiste ensuite en toute discrétion à la séance de traite. « J’essaie de ne pas perturber l’éleveur dans son travail. Je prends des notes que je partage par la suite avec lui ».

L’analyse de chaque geste


« L’arrivée des bêtes est importante, elle doit se dérouler dans le calme. Je vérifie l’hygiène des trayons, on sait que la prévention des mammites commence par la propreté des animaux. J’étudie le comportement global de l’éleveur : est-ce qu’il est calme ? bien organisé ? Pour le nettoyage, utilise-t-il une lavette individuelle ou collective ? Comment sèche-t-il le trayon ? Avec une nouvelle lingette, du papier, de la laine de bois ? Procède-t-il à un pré-trempage ? Je m’assure aussi que l’éleveur respecte bien la minute et demie, entre le début du nettoyage des trayons et la pose du faisceau trayeur. C’est le gage d’une bonne fabrication d’ocytocine qui favorise l’éjection facile et rapide du lait. L’aisance de l’éleveur à poser le faisceau est un bon indicateur. L’entrée d’air peut être facteur de propagation des bactéries », détaille le technicien. 

Les vaches ont toujours raison


Une vache qui tape, qui se décroche, qui bouse ou surtout qui urine manifeste un mal-être. Pour Hervé Despinasse, l’aspect du trayon est très instructif. Une couleur violacée est le symptôme de différentes problématiques : une sur-traite, un vide excessif et une pulsation mal réglée… Si le trayon est aplati, c’est le signe que le manchon est vieillissant. Le bon état des sphincters est un élément déterminant car ils représentent la porte d’entrée pour les microbes et les bactéries. L’attention portée par l’éleveur aux opérations de désinfection des trayons permet de mesurer son exigence en termes d’hygiène. « De nombreux produits permettent de traiter les différents microbismes. On utilisera, par exemple, un désinfectant à base d’iode pour lutter contre les staphylocoques. Des produits dits cosmétiques préservent son intégrité ». Hervé Despinasse inspecte également la qualité du nettoyage de l’installation. 

Outil de diagnostic indispensable


Depuis 2013, le conseiller du Rhône utilise le LactoCorder® pour donner de la réalité à ses constats. C’est un outil de diagnostic approfondi de toutes les étapes de la traite. Ainsi pour chaque vache et chaque poste concerné, il enregistre le débit de traite. Pendant le lavage, il révèle la quantité d’eau, la température, la turbulence… Toutes ces données sont retranscrites sous forme de courbes qui donnent une image du troupeau et un résumé des pratiques. Toutefois, Hervé Despinasse avertit : « Le LactoCorder® est un outil qui doit être employé avec pédagogie. Il ne faut pas noyer l’éleveur sous une masse d’informations. Il vaut mieux ne donner que trois grands conseils qui seront suivis, plutôt que quinze qui risquent de le déstabiliser ».

Magdeleine Barralon

En caprin, l’hygiène passe par la gestion du stress

L’hygiène de la traite en élevage de chèvres est avant tout une question d’atmosphère en salle de traite, qui doit être très calme, rappelle Séverine Fontagnères, conseillère élevage dans le Rhône. D’autres règles s’appliquent aussi pour une gestion rigoureuse des cellules.

« La problématique des cellules en élevage caprin est différente de celle de l’élevage bovin. La chèvre possède naturellement un taux de cellules très élevé. Elle est "saine", avec un taux entre 650.000 et 1, 7 million. Au-delà, elle est classée infectée "I". Si elle présente plus de 2 millions de cellules lors de trois contrôles, elle est classée gravement infectée "GI". C’est un taux qui peut augmenter très vite en cas de stress », précise Séverine Fontagnères de Rhône Conseil élevage. « Les éleveurs peuvent subir des pénalités de la part des laiteries, mais il n’y a pas d’arrêt de la collecte. La pression sur les éleveurs est donc moindre. Pour autant, ils restent attentifs à la santé de leurs bêtes, car la présence de cellules signifie une infection, une possible contagion et à terme une baisse de la production ».

Traire par lot


Dans le cadre d’un plan cellules, Séverine Fontagnères conseille d’emblée de traire par lot : les primipares en premier, car elles sont saines, puis les chèvres en deuxième lactation, pour terminer par celles qui sont les plus gravement infectées et qui, bien souvent, sont les plus âgées. « Rappelons que les chèvres produisent des déjections sèches qui ne salissent pas les trayons. L’hygiène de la traite est avant tout une question d’atmosphère en salle de traite qui doit être très calme, détendue car les chèvres stressent facilement ».
Les conseillers surveillent aussi les réglages de la machine qui peuvent être responsables de la sur-traite ou de problèmes de vide. Ils vérifient également l’état des litières et la bonne santé des mamelles qui en découle. « On conseille à l’éleveur de donner à manger en fin de traite, afin que les chèvres stationnent debout le temps que les sphincters se referment », précise Séverine Fontagnères. « De manière générale, je préconise de tarir les animaux pendant deux mois, de réformer les animaux qui ont trop de cellules, de veiller à l’entretien des machines, d’instaurer un ordre de traite, de nettoyer régulièrement les griffes. Il faut aussi veiller à l’hygiène du bâtiment, apporter une ration équilibrée et bien entendu éviter au maximum le stress ».

M.B.