Appelations
« Faire appel à des influenceurs nous permet de rajeunir notre cible »

Propos recueillis par Léa Rochon
-

L’arrivée des influenceurs sur les réseaux sociaux a fait émerger une nouvelle forme de communication à destination d’un public qui se détourne de la télévision et des canaux publicitaires traditionnels. Une aubaine pour les appellations, qui cherchent de plus en plus à collaborer avec les influenceurs et les créateurs de contenus. Le point avec trois structures viticoles emblématiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

« Faire appel à des influenceurs nous permet de rajeunir notre cible »
Une créatrice de contenu en train de préparer sa publication sur les réseaux sociaux, lors d'une invitation à déguster le beaujolais nouveau 2022. © Fabrice Ferrer

À quelles occasions faites-vous appel à des influenceurs ?

2 000 Vins d’Ardèche : « En 2021, nous avons fait venir cinq influenceurs parisiens (entre 10.000 et 25.000 abonnés chacun) dans le sud de l’Ardèche. Durant deux jours, ils ont suivi un parcours chez des vignerons et ont créé plusieurs vidéos qu’ils ont ensuite publiées sur leurs réseaux. Nous n’avons pas réitéré l’expérience, car la cible parisienne n’est pas forcément la nôtre. Nous avons davantage misé sur une influenceuse qui a moins d’abonnés (6.500), mais qui est basée sur la région. Elle est devenue notre ambassadrice ».

Inter Rhône : « En 2022, nous avions comme objectif de travailler les 22 côtes-du-rhône villages nommés. Nous avons alors fait appel à trois influenceurs, chacun avec un contrat pour l’année. Nous les avons invités dans le vignoble pour qu’ils parlent de nos vins. En parallèle, nous avons aussi organisé une dégustation à Lyon, où nous nous sommes tournés, cette fois-ci, vers des influenceurs lyonnais. Là, c’était du gagnant-gagnant : en plus de la dégustation privilégiée et de l’accès à des masterclass, nous leur avons offert des places pour l’événement, qu’ils pouvaient faire gagner à leurs abonnés par des concours sur les réseaux sociaux ».

Inter Beaujolais : « Dans le cadre de la promotion des beaujolais nouveaux, nous avons travaillé avec trois influenceurs rémunérés. Ils devaient annoncer l’événement sur leurs réseaux, ce qui a par exemple été le cas d’Émile Coddens (lire par ailleurs). Ce dernier a également suivi la sortie du beaujolais nouveau le soir même dans un bistrot et a partagé ce moment avec sa communauté. Nous avons aussi invité 20 influenceurs à venir déguster les beaujolais nouveaux dans un Bistrot Beaujolais, où seul le repas leur a été payé ».

Quel budget allouez-vous à ces campagnes d’influence et quelles retombées économiques en espérez-vous ?

2 000 Vins d’Ardèche : « La venue des influenceurs parisiens a coûté, avec les frais annexes, 4.000 €. Quant à notre ambassadrice, nous ne la rémunérons pas, car ce n’est pas son activité principale. Nous espérons que ses abonnés, basés en Vallée du Rhône, viendront plus facilement dans le sud de l’Ardèche, car notre but est d’attirer des visiteurs via l’œnotourisme ».

Inter Rhône : « Nos contrats ne sont pas toujours rémunérés. Cela reste difficile de juger les retombées économiques. Mais nous voyons l’engouement des domaines, puisqu’il arrive que ces derniers nous disent qu’une telle personne est venue visiter le domaine, à la suite de la publication d’un influenceur. L’influence est complémentaire des campagnes médias et d’affichages. Elle nous permet de rajeunir notre cible ».

Inter Beaujolais : « Cette année, cela a représenté entre 3 et 4 % du budget total de la campagne beaujolais nouveaux. Mais nous fonctionnons plus souvent sous la forme d’invitation. Les partenariats rémunérés ne sont pas meilleurs en termes de retour. Quant aux retombées économiques… C’est un peu le trou noir dans la galaxie du digital ! La seule chose que nous puissions faire, c’est de demander aux influenceurs le nombre de vues et d’interactions qu’ont généré leurs publications. C’est un autre canal de communication qui se rapproche moins de la publicité à la radio : la personne va écouter les recommandations de quelqu’un qu’elle a l’impression de connaître. D’où l’intérêt de faire appel à des influenceurs qui ont une véritable appétence pour le Beaujolais ».

Et le fromage, dans tout ça ?

Les appellations viticoles ne sont pas les seules à vouloir attirer de nouveaux consommateurs via l’influence. Quelques fromages régionaux emblématiques ont également tenté l’expérience. Mais ces derniers se sont vite heurtés à un problème de taille : le budget.

« Nous sommes une petite filière et nous préférons acheter des publications sponsorisées sur nos réseaux sociaux », explique notamment Sylvie Colombier, chargée de mission pour l’IGP saint-marcellin. D’après elle, les propositions ne manqueraient pourtant pas. « Nous sommes régulièrement contactés, mais il faudrait les rétribuer à chaque fois qu’ils parlent d’un produit que nous leur envoyons déjà gratuitement. » Ce qui n’empêche pas la structure de réfléchir à une mise en commun avec d'autres appelations drômoises.

Un peu plus au Nord, le syndicat du comté confie avoir eu l’opportunité de faire parler de l’appellation d’une façon assez atypique. « Pendant la Covid-19, Oscar et Félix, deux enfants bien connus sur Facebook, ont participé à une émission de cuisine sur M6, où ils portaient le bonnet comté. En clin d’œil, nous leur avons envoyé un colis », relate la responsable communication, Aurélia Chimier. Une anecdote qui n’a pourtant pas mené à une collaboration rémunérée. « Si des influenceurs nous contactent, nous préférons faciliter les rencontres sur le terrain pour qu’ils visitent des caves », conclut-elle.

L.R.