À l’heure de la crise du gaz et de la spéculation tous azimuts de certains fournisseurs, les viticulteurs de Saône-et-Loire disposent d’une source d’énergie insoupçonnée : les sarments. Avec un gisement potentiel annuel de plus de 35.000 tonnes de biomasse, cette solution a déjà fait ses preuves, notamment à Lugny.
Philippe et Olivier Benon ont été parmi les premiers à se lancer dans cette aventure en Saône-et-Loire, sous le regard parfois amusé de certains de leurs confrères. En 2008, ils avaient investi chacun près de 30.000 € pour chaque installation du constructeur de l’époque, Lauprêtre (aujourd’hui Pellenc HD), dans leurs deux maisons voisines. Une installation amortie en six ans environ. Depuis, rien n’a changé, ou presque, du mode d’alimentation et du fonctionnement qui leur permet à chacun d’avoir eau chaude et chauffage en hiver. L’été, l’approvisionnement en électricité est assuré par les panneaux photovoltaïques. Quant à la biomasse, et c’est là tout l’intérêt, elle est gratuite donc pas de risque d’envolée des prix. Chaque année, la croissance herbacée de la vigne produit entre 200 et 400 g de sarments, un poids qui varie en fonction du matériel végétal, de l’âge de la parcelle, de sa vigueur, etc. Soit en moyenne 1,5 à 2 tonnes de sarments par hectare, pour une densité de plantation de 8.000 à 9.000 pieds*. Cette source d’énergie est, dans la plupart des cas, destinée à être sortie des parcelles, d’où l’intérêt de la valoriser, à condition de prévoir l’achat ou la location d’un broyeur, via une Cuma, et de disposer d’un lieu pour entreposer les sarments et les laisser sécher d’une année sur l’autre. La qualité du sarment comme combustible est liée aux conditions de récolte, de stockage, et de broyage. Des sarments mal broyés contiennent trop d’éléments grossiers, ou au contraire trop fins, et risquent de déréguler l’alimentation de la chaudière. Mal stockés, les sarments peuvent fermenter et perdre de leur pouvoir calorifique et produire trop de particules fines.
Récolter, broyer, stocker
Il existe deux écoles. La plus rapide, celle du broyage direct, est celle choisie par les frères Benon qui disposent d’un broyeur monté sur enjambeur qui permet de ramasser puis de broyer les sarments directement sur les parcelles avant de les entreposer. Cette méthode a l’avantage de ne nécessiter qu’une seule machine, mais le broyage sur matière fraîche est moins régulier, ce qui risque de compliquer la conservation. Les sarments doivent être protégés de la pluie afin d’éviter un démarrage du processus de compostage qui rend le produit impropre à la combustion. Seconde option, le broyage après séchage, préférable notamment pour les chaudières automatiques. La récolte est mise en fagots puis reprise pour le broyage. Les conditions de broyage sont optimales, le produit de meilleure qualité, mais il aura nécessité deux opérations. Quelle que soit l’option choisie, les sarments doivent ensuite être stockés six mois, minimum, à l’abri, pour atteindre une humidité moyenne de 15 %. En deçà, leur combustion n’est pas optimale. Le séchage peut se faire au sol, sur une bâche étanche, en recouvrant d’une bâche micro-perforée ; en vrac, dans un bâtiment aéré ou encore en big-bags stockés en extérieur sur palettes puis recouverts d’une bâche micro-perforée.
Bilan
La combustion est difficile à contrôler et souvent incomplète. La chaudière doit être adaptée au brûlage des sarments, qui produisent une fumée plus corrosive que le bois, et dont la nature fibreuse risque de favoriser les bourrages, notamment en chaudière bois automatique. Le broyage doit donc être régulier et assez fin, ce que l’on obtient plus facilement par broyage sur sarments secs. Les frères Benon maîtrisent leurs outils. Ils ont notamment pris soin d’inverser le canal de chargement du combustible pour une meilleure alimentation et ne rechignent pas à débourrer de temps à autre. Une routine, en somme, dont il faut avoir connaissance avant de se lancer.
Viticulteur et maire de maire de Bissy-la-Mâconnaise, Marc Sangoy avait, lui aussi, opté pour les sarments, mais il a renoncé. « Ma chaudière automatique n’était pas adaptée. Comme le sarment est filandreux, cela bourrait l’alimentation régulièrement ». Il craint en outre « un appauvrissement du sol » puisqu’il préfère utiliser les sarments broyés sur place. Là encore, tout dépend de la nature de la vigne. D’autres encore craignent qu’en broyant sur place, des maladies puissent se fixer sur les sarments et entretiennent les maladies d’une année sur l’autre. Avant de se lancer dans l’aventure, le viticulteur a donc tout intérêt à se pencher sur les besoins propres à son sol viticole en termes de matière organique, de structure et de vie microbienne. La décision est ensuite conditionnée à la nécessité de créer ou de renouveler son installation de chauffage. Enfin, si le bilan est positif, cette valorisation est destinée à une utilisation directe, il n’existe pas encore de filière pour des besoins collectifs ni de chaudière réellement adaptée à un tel usage.
*Source : « Les sarments : une source d’énergie mobilisable, mais à quelles conditions ? » Travaux réalisés en 2008-2009 au lycée viticole de Davayé.