Patrimoine
Le père des avions français est décédé en Saône-et-Loire, il y a 49 ans.

Frédéric RENAUD
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Qui sait encore que l’inventeur de l’ABS est décédé en Saône-et-Loire ? Sans doute les habitants de la région tournugeoise, qui savent parfois que le pionnier de l’aéronautique Gabriel Voisin a séjourné 15 ans au Villars puis à Ozenay. Avant d’équiper nos voitures d’aujourd’hui, le système d’antiblocage hydraulique (ABS) qu’il a inventé permettait aux avions des années 1920 d’atterrir dans des couloirs limités. Car Gabriel Voisin, c’était aussi le père des avions français et de plusieurs automobiles, créées et produites entre 1919 et 1938.

Le père des avions français est décédé en Saône-et-Loire, il y a 49 ans.
Le cerf-volant cellulaire, « deux cubes reliés par des baguettes », inspira les recherches de Gabriel Voisin, à l’heure de construire ses premiers avions, entre 1905 et 1908.

C’est un Saône-et-loirien célèbre, qui a d’ailleurs obtenu les honneurs de la Nation. Gabriel Voisin est décoré chevalier de la Légion d’honneur en 1909, Officier, Commandeur, avant d’être ordonné Grand officier le 12 août 1959. Mieux, le génial inventeur a vu son nom attribué au lycée de Tournus, ainsi qu’à deux autres établissements, à Bourg-en-Bresse et à Troyes.

Certains Tournugeois se souviennent encore de lui, tels les frères Monin qui ont tenu une imprimerie à Tournus. « Il se garait tous les jours devant l’imprimerie, avec ses femmes, sur la place Lacretelle », déclare Christian Monin, qui l’a « vu tous les jours pendant des années » et qui était là « pour la fête de ses 80 ans ».

La révélation du cerf-volant

Gabriel Voisin est donc l’un des plus célèbres pionniers français de l’aéronautique, tant civile que militaire, ainsi qu’un fabricant d’automobiles de luxe, qui portaient la marque "Avions Voisin".

Le tournant de sa vie vient de la découverte des travaux autour du cerf-volant cellulaire, conçu par Lawrence Hargrave. C’est un engin volant, en forme de caisse, tout à la fin du 19e siècle, qui a ensuite inspiré les premiers avions. « Ce sont deux cubes reliés par des baguettes, que nous avons reproduits, à petite échelle d’abord, puis avec une envergure de deux mètres, et ensuite de cinq mètres », témoigne Gabriel Voisin dans l’un de ses livres. La construction de l’Éole par Clément Ader influence aussi le jeune homme et son frère Charles, qui travaillent ensemble sur ces premiers objets volants.

Réussite dans l’ombre

Son destin aéronautique est lancé. À sa sortie de l’école, en 1903, il devient dessinateur chez le mécène de l’aéronautique, Ernest Archdeacon. Il se fait rapidement un nom dans le secteur de l’aviation et transforme un planeur en hydravion en 1905. Deux ans plus tard, il décide de créer son entreprise, en s’associant avec son frère, pour fonder la société "Voisin Frères" à Billancourt.

Gabriel Voisin construit son premier avion pour Léon Delagrange. Il travaille ensuite pour le pilote Henri Farman qui remporte en 1908 le prix Deutsch de la Meurthe-Archdeacon, avec un avion issu des usines Voisin. « Mais c’était Farman le pilote ; moi, le jour J, j’ai juste lancé l’hélice ». Pour la presse de l’époque, les frères Voisin ne sont que des assistants.

L’inventeur conteste ultérieurement l’attribution du prix au pilote, puisque c’est bien lui et son frère qui ont conçu le système gagnant. « Le défi proposé était de décoller par un moyen embarqué, de parcourir 500 mètres en l’air, de tourner autour d’un poteau et de revenir avant d’atterrir. Le tout sans aide extérieure », explique Gabriel Voisin dans un article publié dans les années 1960. « Faire décoller un avion avec un moteur, nous étions les premiers à le faire », poursuit l’inventeur, qui précise que « les frères Wright, des Américains, avaient réussi à faire décoller un avion, certes, mais avec l’aide d’une catapulte » sans que la tentative américaine soit homologuée.

Des avions aux voitures

Après la mort de son frère, Gabriel Voisin continue à construire des avions pour les gens fortunés ainsi que pour l’aviation militaire. Lors de la Première Guerre mondiale, il met au point le premier avion à charpente tubulaire totalement métallique qu’il fabrique à plus de 10.000 exemplaires. C’est d’ailleurs un avion Voisin qui gagne le premier affrontement aérien. L’avion français chargé de bombarder les positions ennemies croise un avion d’observation allemand au retour d’une mission : les aviateurs se tirent dessus avec des carabines et les Français abattent ainsi leurs adversaires.

Dans les années 1920, Gabriel Voisin installe un système d’antiblocage hydraulique (ABS) sur les avions ce qui leur permet d’atterrir dans des couloirs. C’était une manœuvre autrefois impossible avec le système de freinage mécanique des avions.

Les années 1920 sont synonymes de reconversion pour Gabriel Voisin qui se consacre à la fabrication d’automobiles, destinées là encore à un public fortuné. En juin 1919, il présente sa première voiture, la C-1, ensuite construite à près de 100 exemplaires. Il crée ensuite des modèles très étudiés, la C-1 à quatre cylindres, la C-2 à douze cylindres en V, puis la C-4 d’entrée de gamme et les C-S à tendance sportive. Il produit alors près de 1.000 voitures par an.

Un biscooter en Espagne

En 1938, Gabriel Voisin produit quelques exemplaires de la C-30 équipée d’un moteur Graham-Paige, pour ce qui sera la dernière voiture Voisin. Son châssis a ensuite inspiré André Lefèbvre pour la conception de certains éléments de la Citroën DS…

Après la Seconde Guerre mondiale, il invente un véhicule économique destiné à un public moins fortuné, le Biscooter. C’est une voiture pour deux personnes entièrement construite en aluminium. Le modèle devient très populaire en Espagne. Ce véhicule a aussi circulé dans le Tournugeois aux mains de son inventeur, dans les années 1960.

Un spectacle sur la vie de Gabriel Voisin
Le spectacle restitue des échanges entre Gabriel Voisin (à gauche) et un journaliste de Saône-et-Loire, Philippe About, à propos de la vie du pionnier de l’aviation.

Un spectacle sur la vie de Gabriel Voisin

« Gabriel Voisin, le vieux constructeur », c’est le nom de la pièce jouée par la compagnie Le Bonheur vert, basée à Buxy, sur le pionnier de l’aviation. Ce spectacle a été joué à Tournus, au cinéma La Palette, le 5 février, ainsi que dans la salle communale de Gigny-sur-Saône, le 6 février.

Dans un décor qui représente le salon de Gabriel Voisin, deux comédiens, Jean-Louis Terrangle et David Rougerie, restituent des échanges entre la célébrité et un journaliste de Saône-et-Loire, Philippe About. Le constructeur d’avions et d’automobiles explique son parcours, commet il en arrive à bricoler divers objets volants. Il présente sa vie, entre la nécessité de défendre ses inventions contre la concurrence et de multiples rencontres féminines.

Dans ce spectacle, Gabriel Voisin explique notamment son enfance et sa jeunesse, passée en partie aux côtés de son grand-père, Charles Forestier, dit « le Terrible ». Cet ingénieur des Arts et Métiers recueille Gabriel et Charles Voisin à la mort de leur père. Il initie les deux frères au dessin industriel et à la mécanique statique. Ce qui permettra à la fratrie de perfectionner des arcs et des flèches, avant de fabriquer des embarcations, luges et cerfs-volants pendant leur adolescence. Il est né le 5 février 1880 à Belleville-sur-Saône. Il étudie d’abord au lycée Ampère, puis aux Beaux-Arts de la ville de Lyon, alors qu’il se destine au métier d’architecte.

En 1958, à la fermeture de son usine, Gabriel Voisin se retire dans la région de Tournus. D’abord au Villars, avant d’acheter un moulin à Ozenay. Le pionnier de l’aviation décède en ce lieu en 1973 à 94 ans.

En marge de la pièce, une exposition présente plusieurs pièces qui ont appartenu à Gabriel Voisin, notamment trois des livres qu’il a écrits.

Le spectacle se déplace à la demande. Contact : David Rougerie : 06.61.79.77.25 ou davidrougerie@yahoo.fr

Souvenirs de Gabriel Voisin