Visite « bout de champ » en Autunois
Les éleveurs font le point sur les cultures

Marc Labille
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Chaque année, un groupe d’éleveurs de l’Autunois se retrouve en fin d’hiver pour un tour de plaine. Ils ont échangé cette année sur les questions de désherbage, fertilisation, rotation dans un contexte de flambée des matières premières et de réchauffement climatique. 

Les éleveurs font le point sur les cultures
Au 21 mars, les colzas étaient au stade où les premiers méligèthes étaient observés. « Sur des colzas vigoureux, le seuil de traitement est de six à neuf méligèthes par plante. Dès l’apparition des premières fleurs, les traitements ne se justifient plus ».

Le 21 mars dernier, une petite dizaine d’agriculteurs de l’Autunois se sont retrouvés pour une « visite bout de champ » à Auxy et Curgy. Depuis une vingtaine d’années, les conseillers de la chambre d’agriculture et ceux de l’ex Agri-Sud-Est devenu Avéal organisent ensemble ces « visites bout de champ » à la sortie de l’hiver pour un état des lieux des cultures.

Cette année, le tour de plaine a débuté au Gaec Carry à Auxy pour se prolonger chez Jérôme Lhoste à Curgy. La visite était animée par Julie Lausoeur, conseillère de secteur, Antoine Villard, conseiller grandes cultures à la chambre d’agriculture et en présence de Denis Perrigueur d’Avéal.

Désherber tôt !

Le groupe a visité cinq parcelles de triticale, blé, colza et lupin. Au-delà de l’état des cultures, la visite a été l’occasion d’aborder plusieurs problématiques du moment. Dont le désherbage qui « peut se faire correctement en pré levé et à l’automne », introduisait Antoine Villard. « Beaucoup de désherbage d’automne ont pu être réalisés avec de bons résultats. Les désherbages en post-levée au stade 1 à 2 feuilles sont plus réguliers et efficaces et surtout limitent les problèmes de phytos (notamment avec le Defi) sur les grains en surface notamment. Le climat des dernières semaines avec de fortes amplitudes thermiques n’a pas toujours été favorable pour réaliser des désherbages de sortie d’hiver », expliquait l’expert qui ajoutait que « les désherbages tardifs (deuxième quinzaine de mars) sont rarement efficaces sur les graminées qui sont à des stades avancés ». D’autant que dans les céréales qui ont déjà reçu des apports d’azote, les ray-grass en profitent aussi, comme il a été observé à Auxy.

La rotation idéale

La maîtrise de la rotation compte beaucoup dans la gestion des mauvaises herbes. Et la restriction de l’usage des herbicides encourage à aller dans ce sens. Certaines successions (céréales sur céréales ou labour tous les ans) favorisent la propagation du vulpin et du ray-grass, mettait en garde Antoine Villard. « Le labour occasionnel tous les trois ou quatre ans (l’année qui suit un fort salissement) assure une limitation des graminées notables par rapport au non-labour et au labour systématique. De même, une rotation avec trois – quatre ans de prairie suivie de deux céréales est idéale. Trois années de prairie temporaire permettent de venir à bout des vulpins », faisait valoir l’expert.

Prix des engrais

Concernant la fertilisation, la flambée des prix des engrais azotés incite à optimiser les usages. « Selon Arvalis, 40 unités d’azote en moins équivaut à une perte d’un peu plus de trois quintaux par hectare », rapportait Antoine Villard qui rappelait que tout dépendait du ratio entre les prix des engrais et les prix de vente des produits. Ainsi, « avec une unité d’azote à 3 €, il faut un blé à 340 € le quintal pour être gagnant », illustrait-il. Un raisonnement qui s’applique aussi en élevage. « Dans un contexte de prix des vaches plus élevé, il faut regarder le delta avec les prix des intrants (carburant, aliment, engrais, bâches, etc.). C’est une question de marge », faisait remarquer le conseiller. « Une rupture de stock » est néanmoins redoutée à un moment donné et « face à une inflation qui rendrait les engrais trop chers, il faut essayer d’être économe. C’est aux stades épi 1 cm et montaison que le blé absorbe le plus. Il faut donc ajuster les apports à la croissance du blé », recommandait Antoine Villard.

Changement climatique

Le changement climatique devient un vrai problème pour les cultures, en particulier dans les zones les plus séchantes. Ce dérèglement est notamment très pénalisant pour les cultures à implanter en fin d’été comme le colza ou les cultures intermédiaires, pointait Antoine Villard. « Cela oblige à être opportuniste ; semer dès que possible en profitant des orages, dès le 1er août, si les conditions sont favorables et jusqu’au 10 septembre maxi ». Pour les cultures intermédiaires, il faut privilégier les semences de ferme, limiter les frais, pour ne pas prendre de risque, complétait le technicien.

Près 5 tonnes de tourteau économisées cet hiver !
Jérôme Lhoste a semé son lupin le 25 septembre à 110 kg de semence par hectare.
Lupin protéagineux

Près 5 tonnes de tourteau économisées cet hiver !

Le tour de plaine s’est achevé dans une parcelle de lupin cultivée par Jérôme Lhoste entre Curgy et Saint-Léger-du-Bois. L’an dernier, le jeune éleveur avait récolté 13 tonnes de graines de lupin avec un rendement de 31 quintaux par hectare. Une réussite, estime Jérôme Lhoste qui distribue ces graines protéagineuses aplaties à des vaches à l’engraissement. Ce régime lui a fait économiser entre quatre et cinq tonnes de mélange de tourteaux soja/colza dans l’hiver, se félicitait-il. Pour cette campagne, le lupin a été semé le 25 septembre à 110 kg de semence par hectare.

La date de semis recommandée est la deuxième quinzaine de septembre, confirmait Antoine Villard qui préconise une densité de semis 25 à 30 graines /m². Il est possible de garder des graines pour de la semence de ferme. Ce lupin d’hiver est en principe sensible au gel hivernal. Mais en 2021 et 2022, la culture a bien résisté chez Jérôme Lhoste supportant jusqu’à – 12 °C. Il est tout de même recommandé de choisir une variété la plus résistante au froid, préconise Antoine Villard. « Le lupin est une culture peu couvrante pendant une grande partie de son cycle et il est sensible à la concurrence des adventices. Le choix d’une parcelle propre, et surtout indemne de vivaces, reste indispensable », recommande le technicien qui signale par ailleurs que la culture a peu de ravageurs ou de risque de maladies.