Visite du Ministre en Bourgogne Franche-Comté
La question du maillage vétérinaire avant tout

Berty Robert
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Le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a poursuivi son passage en Bourgogne-Franche-Comté, le 3 avril, en direction de la Nièvre, après la Côte-d'Or. Le risque de désertification vétérinaire était au cœur de cette visite, au même titre que la résilience économique des exploitations.

La question du maillage vétérinaire avant tout
La question du potentiel fourrager des exploitations a aussi fait l’objet d’échanges avec le ministre de l’Agriculture.

En ce 3 avril, les charolaises de Romaric Gobillot faisaient preuve d’une belle vitalité, alors que le cortège ministériel visitait leur stabulation. L’éleveur nivernais d’Asnois, dans le nord-est du département, faisait découvrir son exploitation au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et la bonne santé des animaux était au centre des discussions. Ce secteur de la Nièvre, avec une partie de l’Yonne, est engagé dans l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur le maillage vétérinaire lancé en 2022 par l’Ordre des vétérinaires et financé par le ministère. Pour Romaric Gobillot, la crainte est réelle, à terme, de ne plus avoir de vétérinaire aussi disponible que nécessaire : « la situation est encore plus grave dans l’Yonne voisine, précisait l’éleveur, et on ne souhaite pas en arriver là ! Ce que je constate c’est qu’historiquement, lorsque vous appeliez le vétérinaire, 15 minutes après, il était là. Aujourd’hui, les délais s’allongent, dans certains cabinets, l’activité canine prend le pas sur celle liée aux animaux d’élevage ».

Initiative de terrain

Marc Fesneau n’a pas caché sur cet AMI, signe d’une prise d’initiative émanant du terrain, pour faire émerger des solutions en lien avec les réalités des territoires. Dans le prolongement de la visite de l’exploitation d’Asnois, Marc Fesneau s’est rendu à Donzy pour visiter le cabinet vétérinaire Donzy & Co’sne. Une structure qui emploie une dizaine de vétérinaires et cet aspect est important : « Pour parvenir à attirer des praticiens, il faut proposer une structure collective, expliquaient ses représentants. S’installer seul en milieu rural, c’est de plus en plus rare… ». Lors de la table-ronde qui a suivi, des représentants de la Chambre d’agriculture de l’Yonne sont revenus sur l’AMI et ont présenté le résultat de leur travail d’enquête mené auprès des agriculteurs, des vétérinaires et des étudiants. Marc Fesneau en a conclu qu’en l’espèce, il n’y a pas de solution unique : « nous travaillons à l’élaboration d’une boîte à outils et des initiatives comme celle menée ici nous y aide. Ne pas avoir suffisamment de vétérinaires, c’est mettre en danger la santé et l’économie des filières agroalimentaires. Le maintien d’un maillage vétérinaire au sein des territoires passera par un travail collaboratif entre tous les acteurs locaux concernés : vétérinaires, éleveurs, collectivités et services de l’État ». Le constat a aussi été fait que les organisations agricoles et les vétérinaires travaillaient finalement assez peu ensemble, hormis dans le cadre des GDS. L’initiative niverno-icaunaise n’en prenait donc que plus de relief. La volonté affichée de renforcer le maillage vétérinaire rural passait enfin par une dernière proposition : contractualiser avec des vétérinaires pour qu’ils assurent leurs missions mais, qu’en contrepartie, les éleveurs se fournissent en médicament auprès d’eux.

De la résilience…
Le ministre Marc Fesneau, en compagnie de Romaric Gobillot qui lui a fait visiter son exploitation, située sur le secteur concerné par l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) porté par cinq communautés de communes de la Nièvre et de l’Yonne, et destiné à lutter contre le risque de désertification vétérinaire.

De la résilience…

Il fut aussi question des capacités de résilience des exploitations agricoles, face aux aléas climatiques. Pour le ministre, le recours au photovoltaïsme sur l’exploitation de Romaric Gobillot en était une illustration. L’agriculteur songe à développer une production agrivoltaïque sur des parcelles au potentiel agronomique devenu très faible. Dans ce contexte, il faut parvenir à maximiser les pousses de printemps afin d’accumuler le maximum de ressources fourragères. « Il faut obtenir des moyens au niveau de la recherche publique dans ce domaine, soulignait Emmanuel Bernard, président de la FDSEA 58, auprès du ministre, parce que nous travaillons aujourd’hui en nous basant sur des modèles de recherches fourragères des années 80. La situation a évolué, il faut adapter les recherches et ne pas s’appuyer uniquement sur de la recherche privée qui s’intéresse peu à des zones économiquement moins attractives pour elle ». Le président de Chambre d’agriculture France, Sébastien Windsor, présent lors de la visite, insistait sur la nécessité de capitaliser à l’échelle nationale sur les résultats obtenus dans ce domaine par les Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

Un détour par la Côte-d'Or

Un détour par la Côte-d'Or

Le ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire a fait une halte par Pouilly-en-Auxois pour aborder le renouvellement des générations.

La « tournée régionale » de Marc Fesneau a débuté à Pouilly-en-Auxois, en Côte-d’Or. Une réunion dédiée au renouvellement des générations était à l’ordre du jour, en lien avec le projet de Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles. Ce dossier instauré en septembre par le Président de la République, fait l’objet de réflexions au sein de groupes de travail mis en place dans les différentes régions.

« À un tournant »

Le contexte est le suivant : 166.000 exploitants seront partis à la retraite d’ici dix ans. Dans le même temps, le secteur agricole peine à recruter. Pour ne rien arranger, la société et les actifs agricoles sont confrontés à un ensemble de défis climatiques, économiques, environnementaux, sanitaires et sociétaux sans précédent. « Pour toutes ces raisons, le renouvellement de générations inquiètes. La situation n’est pas dramatique à ce jour, car ce renouvellement est encore assuré entre 65 et 70 %. Mais nous sommes à un tournant », assure le Ministre. Un important chantier est lancé pour préparer l’agriculture à l’horizon de 2040. « Nous devons prendre en compte les attentes et les contraintes des exploitants, mais aussi de la société pour construire le monde agricole de demain », poursuit Marc Fesneau, « ce Pacte doit nous permettre d’installer des jeunes et des moins jeunes en agriculture. Notre souveraineté alimentaire passe aussi par notre capacité à avoir le plus grand nombre d’agriculteurs possibles sur nos territoires. La loi d’orientation, elle, donnera un grand cap à suivre, notamment en termes de formations et d’accompagnement, avec une partie des enjeux qui se résoudront territorialement ».

Attirer du monde

Recruter des actifs puis assurer la réussite de chaque porteur de projet : tel est le double enjeu de ce futur Pacte et de cette future loi d’orientation et d’avenir agricoles. « Deux éléments me semblent tout particulièrement importants », observe le Ministre, « nous devons tout d’abord travailler sur la communication et l’image que renvoie l’agriculture sur le monde extérieur. La représentation des métiers agricoles doit changer, nous devons sensibiliser davantage de jeunes, pourquoi pas dès le plus jeune âge. Un travail s’impose également en termes d’accompagnement, nous devons être en mesure de l’adapter à tous les profils d’agriculteurs. Ces derniers seront de plus en plus variés, à l’avenir. En effet, les métiers agricoles accueilleront davantage de travailleurs qui ne sont pas issus du milieu. D’autres seront en reconversion professionnelle et auront travaillé dans un tout autre domaine avant de rejoindre l’agriculture. Ces différentes caractéristiques doivent être prises en compte pour assurer la réussite de chacun, dans un monde très changeant ».

Témoignage

Les débats, constructifs et fructueux, ont permis d’identifier les différentes propositions à remonter au niveau national. Florent Point, président des Jeunes agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté, participait à ces travaux : « Les enjeux sur la formation, l’orientation et l’attractivité de nos métiers sont nombreux. Nous devons tout mettre en œuvre pour redorer l’image de l’agriculture. Cela passe notamment par une présence plus accrue dans les écoles. Faire venir les jeunes beaucoup plus souvent dans nos fermes apparaît tout aussi nécessaire. Notre communication vers le grand public doit passer la vitesse supérieure, afin de mettre en avant les valeurs de notre agriculture nourricière. En ce qui concerne l’accompagnement, l’accent doit être mis sur la formation continue qui n’est pas encore assez développée : chez JA, nous sommes très attachés à ce conseil de carrière qui permet à un agriculteur de se former tout au long de sa vie, l’idée étant de pouvoir faire face aux nombreux enjeux et défis régulièrement rencontrés au fil des années ».

Aurélien Genest