Chambre régionale d'agriculture
Nouvelle directrice Chambre d'agriculture

Propos recueillis par Berty Robert
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Directrice de la Chambre d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté depuis le 1er avril, Anne Bronner livre les priorités sur lesquelles l’organisme consulaire va devoir travailler.

Nouvelle directrice Chambre d'agriculture
Anne Bronner a pris la succession de Jean-Luc Linard à la direction de la Chambre régionale d'agriculture de BFC.

Un mois après votre prise de fonctions à la direction de la Chambre d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté, quelles sont vos priorités ?

Anne Bronner : "C’est d’abord aller à la rencontre des acteurs régionaux : Chambres départementales, État, Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC), acteurs économiques, organisations syndicales, instituts de recherche… Avec un principe de base : être à l’écoute et voir comment on peut conforter la Chambre régionale d’agriculture dans son écosystème, dans l’intérêt collectif des agriculteurs. Il s’agit aussi d’élaborer des outils à destination des Chambres départementales et d’animer des réseaux. Vis-à-vis du Conseil régional, la Chambre d’agriculture est vraiment l’interlocuteur qui porte la voix du monde agricole. Cela nous oblige à être un partenaire rigoureux, de confiance, qui mobilise des compétences multiples sur des sujets souvent complexes. Nous devons être capables de proposer une feuille de route. Avec Christian Decerle, le président de la Chambre régionale, nous allons travailler sur trois axes :

- identifier des sujets prioritaires sur lesquels nous devrons proposer des objectifs, une méthodologie, un calendrier. C’est le cas pour l’installation-transmission, les bovins allaitants, l’eau et le changement climatique.

- travailler de manière prospective sur l’évolution de nos agricultures à l’horizon des 10 ou 20 prochaines années afin, notamment, de définir les besoins d’accompagnement. C’est une attente exprimée par Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional BFC.

- renforcer la communication sur tout ce que nous faisons. Il s’agit aussi de renforcer le dialogue avec les élus et l’État. Dans ce cadre nous soutenons la journée Profilait du 23 mai, destinée à mettre en valeur le potentiel de production régional de protéines végétales à destination de l’élevage au sens large. Il y aura aussi un événement organisé dans le cadre de l’Observatoire prospectif de l’agriculture (OPA-BFC). D’ici la fin de l’année, nous programmerons des journées de la bio, et une journée sur l’eau et le changement climatique".

De quelle manière la Chambre régionale d’agriculture peut-elle agir sur la question de la gestion de l’eau ?

A.B. : "Elle a été pleinement mobilisée dans le cadre du Varenne de l’Eau et du changement climatique. Un travail important de diagnostic a été mené, avant même ma prise de poste. Il est important de disposer, sur la question, de lignes directrices régionales, à l’intention des départements qui restent les niveaux opérationnels, via les Projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) et Plans de gestion de la ressource en eau (PGRE). Une trentaine de conseillers sont formés sur le sujet du changement climatique et de la raréfaction de la ressource en eau. Nous portons aussi des études, souvent en lien avec la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), afin d’évaluer les besoins actuels et futurs en eau, et les pistes d’adaptation. Dans ce cadre existe un travail spécifique sur l’abreuvement des animaux. Il y a également une étude prospective, portée par la Draaf, mais qui mobilise également la Chambre régionale d’agriculture et certaines Chambres départementales, cofinancée par l’État, le Conseil régional, la Chambre régionale d’agriculture. Sur trois territoires et trois filières (bovins allaitants en Saône-et-Loire, lait AOP dans le Doubs et grandes cultures en Côte-d’Or), des ateliers réunissant les différents acteurs concernés ont été organisés, avec l’objectif de définir des scénarios d’évolution et de projection de ces différents modes d’agriculture, à horizon 2030-2050. La profession aura à se positionner, sur la base des scénarios qui auront été définis. Une table ronde sur le sujet a été organisée lors de la dernière session de Chambre régionale d’agriculture, le 11 mars. Enfin, nous travaillons à un plan régional d’adaptation qui pourrait être présenté fin 2022 ou début 2023."

La thématique de la rémunération des éleveurs bovins allaitants est aujourd’hui mise en lumière par l’entrée en vigueur de la contractualisation. Comment agissez-vous sur ce thème ?

A.B. : "C’est un sujet très important. 26 % d’entre eux sont sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, le recensement agricole 2020 révèle une diminution importante de nos exploitations. Sur Égalim 2, les départements sont aux manettes, avec Interbev, pour suivre, informer et permettre l’appropriation de tout ce qui touche à la contractualisation. À ce stade, nous n’avons pas de demande qui remonte des départements pour un éventuel besoin en termes d’animation ou de formation. De nombreuses réunions s’organisent".

La guerre en Ukraine a remis au premier plan la nécessité d’une agriculture productrice. Or la prochaine PAC est porteuse d’un « verdissement » important (green deal, stratégie de la ferme à la fourchette) qui est remis en question du fait du contexte international. Comment la Chambre régionale pourra-t-elle se positionner ?

A.B. : "Ce sujet suscite de nombreux débats et discussions. Pour notre part, nous portons un volet Transition agroécologique, conversion à l’agriculture biologique et adaptation au changement climatique qui était engagé bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Comme l’a rappelé Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, au congrès de la FNSEA, à Besançon, fin mars, il faut concilier production et protection de l’environnement. Sur la part d’agriculteurs engagés dans une conversion en agriculture biologique, BFC se situe dans la moyenne nationale, à 12 %. Au-delà, la question de l’équilibre entre production et protection de l’environnement sera aussi l’un des constituants de la réflexion prospective que nous allons mener. Nous aurons à porter cette réflexion avec les différents acteurs volontaires, afin de voir comment nous pourrons décider au mieux des orientations de l’agriculture régionale. La prospective permettra d’engager la réflexion sur la PAC post-2027. On discute actuellement sur le green deal contenu dans celle qui va entrer en vigueur au 1er janvier 2023, mais il faut d’ores et déjà réfléchir à la suite".

Le renouvellement des générations est un thème central pour l’agriculture française en général. Là encore, la Chambre régionale aura un rôle important à tenir…

A.B. : "Les taux de renouvellement des exploitants en BFC sont variables selon les départements et les filières. On est autour de 45 % dans la filière bovins allaitants. Dans le Doubs toutes filières confondues, ce taux de remplacement est proche de 100 %. La question est la place du réseau consulaire demain, en particulier dans l’intérêt de l’accompagnement des nouveaux installés. Au niveau de la Chambre régionale, nous animons un réseau sur le sujet de l’installation, avec les Chambres départementales. Nous sommes labellisés comme Point accueil installation (PAI) et aussi en tant que Point accueil transmission (PAT). Le Conseil régional de BFC nous a confirmé qu’il souhaitait continuer à mobiliser le réseau consulaire pour la partie qui le concernera demain : la pré-instruction sur la Dotation jeune agriculteur (DJA), qui est financée par la Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB). C’est une reconnaissance de l’expertise du réseau consulaire sur ce domaine. Par ailleurs, il faudra voir ce que l’État souhaite à l’avenir pour les PAI et PAT. Des discussions sont en cours au plan national, mais le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) vient de sortir un rapport qui porte sur l’évaluation du fonctionnement des structures chargées de la préparation à l’installation en agriculture. Dans ses dernières recommandations figure la nécessité de positionner le réseau consulaire sur ce sujet PAI-PAT, en associant les autres acteurs. Nous sommes à la disposition du Conseil régional pour décliner de manière concrète l’organisation dans ce domaine qui interviendra à partir de 2023. Nous travaillons aussi sur la transmission. Nous devons tout faire pour que les projets de cession d’exploitation soient anticipés, dans l’idéal, au moins dix ans avant. En 2022, en BFC nous avons 5 660 agriculteurs de plus de 67 ans et, en face, nous avons eu 850 exploitants qui se sont installés, en moyenne sur la période 2015-2019. Nous devrons aussi avoir une réflexion sur la tendance à l’augmentation de la taille des exploitations et du temps de travail des exploitants, qui peut aboutir à des situations d’épuisement".

Exergue : « Dans son dernier rapport, le CGAAER repositionne les Chambres d’agriculture comme point d’entrée sur l’installation »