Marc Andriot à Monthelon
Éleveur d’une nouvelle race, la Redyblack

Marc Labille
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Dans l’Autunois, Marc Andriot s’est lancé dans l’élevage d’une nouvelle race bovine : la Redyblack. Issue du croisement de races anglo-saxonnes et continentales, la Redyblack est une vache qui porte des réponses aux défis économiques d’aujourd’hui. 

Éleveur d’une nouvelle race, la Redyblack
L’adoption de la race redyblack est une suite logique pour Marc Andriot qui, depuis la fin des années 2000, a fait de la maîtrise des charges son crédo.

Installé en 1993 sur l’exploitation familiale de Monthelon, Marc Andriot a développé un système d’élevage qui était « très axé production » comme il le décrit lui-même. Sur 150 hectares, il était à la tête d’un troupeau de 110 vêlages charolais dont les femelles étaient engraissées et les mâles commercialisés en broutards. Bien classé au niveau génétique, le cheptel était inséminé à 100 %, suivi en contrôle de performances et inscrit au Herd-Book. La conduite était satisfaisante sur le plan des performances mais à la fin des années 2000, alors que le découplage des aides Pac entrait en vigueur, Marc Andriot s’est interrogé sur la hausse des charges de son exploitation. « Mon système s’avérait trop coûteux. Jusqu’alors, je ne me limitais pas en aliment pour produire des kilos. J’achetais de la paille, des céréales. J’ai décidé de changer d’orientation en réduisant mes charges par la recherche d’autonomie ».

Retrouver de la cohérence économique

L’éleveur a repris 50 hectares supplémentaires et développé les cultures : triticales, maïs, prairies artificielles, mais aussi méteil, épeautre pour une quarantaine d’hectares emblavés. Cette adaptation des surfaces lui a permis d’atteindre l’autonomie fourragère et énergétique. Mais plus que cela, Marc Andriot a souhaité rompre avec « le produire plus quoi qu’il en coûte », se rendant compte « qu’il existe des kilos utiles à produire et d’autres non ». Très attentif à la comptabilité de son entreprise, l’éleveur de l’Autunois a fait le constat que « les structures qui s’en sortaient le mieux étaient les plus économes ; celles qui ne visaient pas la performance tout en optimisant les primes ». Un ressenti qui s’est vérifié d’une année à l’autre lorsqu’en abaissant sa production de tonnes de viande vive, l’éleveur a vu sa trésorerie s’améliorer. « Le système est ainsi devenu beaucoup plus cohérent économiquement. L’amélioration était nette : depuis dix ans, je prélève à nouveau un revenu », confie Marc. Ce retour de la rentabilité économique aurait pu combler l’éleveur. Mais cette gestion devenue très comptable manquait un peu de piment, reconnaît-il. C’est alors que Marc Andriot a découvert la stabiliser, une race bovine qui lui a immédiatement paru tout indiquée pour son nouveau système : économe, très productive, facile à conduire.

Croisement par absorption

Marc Andriot a acheté ses premiers embryons stabilisers en 2017, année durant laquelle il a rejoint l’association Bovinext (lire encadré). Ces embryons ont été posés sur des charolaises de l’élevage. En trois ans, 22 bovins stabilisers sont nés d’une cinquantaine de transplantations embryonnaires. « Une technique chère et aléatoire », reconnaît l’éleveur. Le cheptel compte aujourd’hui quinze femelles de race redyblack (nouveau nom qui remplace stabiliser). Cinq vêlages pure race ont lieu cet hiver. Marc détient aussi une donneuse d’embryons ainsi que huit taureaux redyblack. Avec ces derniers, il pratique le croisement par absorption sur ses charolaises. Trente génisses « F1 » redyblack X charolais en sont issues. Sur les 150 vêlages de cet hiver, Marc fait naître seulement 15 charolais purs ; tous les autres veaux sont des croisés « F1 » à 50 % redyblack (cent animaux), ou bien des « F2 » à 75 % redyblack (35 animaux), explique-t-il.

Effet hétérosis

Comparée à d’autres races rustiques, la redyblack a pour premier avantage de bénéficier de l’effet hétérosis propre au croisement. Cela lui procure un gain en fertilité, en longévité. Les animaux s’en trouvent aussi « plus vigoureux », fait valoir Marc Andriot qui a aussi été séduit par le côté « unique » et « novateur », de cette race. En phase avec les attentes nouvelles des filières et de la société, la redyblack ne manque pas d’arguments : sans corne, de tempérament calme, elle est très précoce et vêle systématiquement à deux ans. Les redyblacks naissent petits, environ 35 kg. Au sevrage, ils font sensiblement le même poids qu’un charolais (environ 300 kg). Mais à 18 mois, la redyblack s’arrête de grossir pour donner des vaches de 600 à 650 kg vif, explique Marc. Comme l’angus ou la hereford, la redyblack donne des carcasses plus légères que les grandes races françaises avec une viande plus grasse et très persillée.

« De par son format intermédiaire, son vêlage à deux ans et même une durée de gestation plus courte que les autres races, la redyblack est une petite vache avec laquelle on peut produire plus de kilos de viande vive par exploitation tout en maîtrisant ses charges », avance Marc Andriot (lire encadré). Dotée d’une bonne efficacité alimentaire, « la redyblack valorise mieux la tonne de matière sèche », fait valoir l’éleveur qui la voit comme une solution aux défis économiques, environnementaux et sociétaux.

Produire des bœufs à l’herbe

Pour l’heure, les mâles croisés redyblack X charolais sont valorisés principalement en babys de 380-400 kg de carcasse. Quelques broutards croisés sont aussi mélangés aux lots de charolais, confie l’éleveur. Les babys croisés classés « U » sont vendus au même prix au kilo que des charolais et les « R » sont payés 10 centimes moins chers, indique-t-il. Toutes les femelles sont conservées pour la reproduction. L’éleveur de Monthelon aimerait faire évoluer sa production vers du bœuf à l’herbe commercialisé vers l’âge de 24-26 mois. « Il nous faut organiser le marché des mâles », conclut Marc Andriot qui projette de convertir la totalité de son cheptel à la race redyblack.

Une race et un organisme de sélection
Le standard de la race compte deux couleurs dominantes : marron hérité des « red angus » et noir hérité des « black angus ».

Une race et un organisme de sélection

La stabiliser a été créée aux États-Unis dans les années 1980. Elle est le fruit d’un croisement à quatre voies entre l’angus, la hereford, la simmental et la gelbvich (une race allemande). Les Anglais ont importé cette nouvelle race sur leur île il y a 25 ans et le pays compte aujourd’hui 12.000 stabilisers purs contrôlés pour une centaine d’éleveurs en base de sélection, rapporte Marc Andriot. En France, l’association Bovinext a été créée en 2017 dans le Grand Est. Fin 2019, alors qu’elle se voyait interdire l’importation et la commercialisation de produits stabilisers purs, Bovinext déposait un dossier pour la création de la race française redyblack dont elle a été reconnue organisme de sélection. Le nouvel OS compte une quarantaine d’éleveurs adhérents pour 450 naissances en France.

Des veaux plutôt que des réformes

« En système conventionnel, le produit vache de réforme est poussé à l’extrême : plus la vache est grosse, plus j’ai de produit et plus je gagne. En système redyblack, la vache reproductrice est une charge donc on vise un optimum plutôt qu’un maximum et c’est le veau qui fait le produit. Trois vaches de 600 kg mangent comme deux de 900 kg. Mais avec trois veaux à la place de deux, même plus petits, ce n’est pas difficile de faire plus de croît », argumente Marc Andriot.