Fédération Bourgogne Franche-Comté du Crédit Agricole
Le Crédit Agricole Centre-Est se veut exemplaire en matière de transition énergétique

Cédric Michelin
-

Le 1er juin, dans l’amphithéâtre de la toute nouvelle Cité des Climats et vins de Bourgogne à Mâcon, le Crédit Agricole Centre-Est a informé et encouragé les entreprises et collectivités à envisager les transitions énergétiques sous l'angle compétitif. Après une matinée ponctuée de quatre tables rondes, l’après-midi visait à passer à l’action, entre « speed meeting avec des développeurs de solutions » et des conseils « du financement et de l’innovation ».

Le Crédit Agricole Centre-Est se veut exemplaire en matière de transition énergétique
En 2022, le Crédit Agricole Centre-est a financé120 millions d’euros de projets en faveur de la transition énergétique.

Et la banque verte n’est pas en reste en la matière, annonçant un grand nombre de nouveautés autour notamment des énergies renouvelables ou de la mobilité verte (lire encadré). En effet, le Crédit Agricole reste intimement persuadé que son rôle « n’est pas simplement d’être banquier, mais aussi d’anticiper ensemble sur le changement climatique et le développement durable vers une transition écologique pour tous nos clients, afin de progresser ensemble sur de grandes causes ». Pour cela, le directeur général adjoint, Marc Do Van Tuan mettait en avant quatre « logiques », prédominantes dorénavant au Crédit Agricole : « financement, investissement, être exemplaire et sensibiliser » comme autour de cette journée de « partages d’expériences et de projets », venant des territoires.

Un défi de civilisations

Mais avant cela, Éric Campos, le Directeur du Projet Sociétal, et Directeur Général de Crédit Agricole Transitions et Énergie, venait inspirer la centaine de participants. « Nous avons devant nous un défi générationnel. Nous devons contribuer à ce que notre civilisation se poursuive, car notre système économique n’est pas durable et cela ne concerne pas que l’énergie », faisait-il comme constat préalable. Pas de fatalité ou d’éco-anxiété pour autant dans ses propos suivants, « à question complexe, réponses forcément complexes et… nuancées ». Si les conditions sont réunies autour « d’une convergence des volontés, la coopération et la confiance », alors la transformation de l’économique sera possible en faisant appel aux connaissances scientifiques, techniques, technologiques, sociales, environnementales…

Pour passer de la théorie à la pratique, le Crédit Agricole compte ouvrir la voie, reconnaissant que ce n’est pas tous les jours facile de « bouger ce "gros objet" de 140.000 collaborateurs, dixième banque mondiale, société côtée en Bourse… ».

Se voulant exemplaire, il donnait néanmoins deux premiers exemples avant de laisser la parole à d’autres entrepreneurs. « Sofinco change pour devenir demain spécialisé dans les mobilités douces et le Crédit Agricole créé une branche métier pour devenir producteur d’énergies renouvelables », les deux pour permettre à ses clients d’avoir accès aux énergies renouvelables.

Éric Campos le redisait : « il n’y a pas de baguette magique, ce sont les expérimentations venant des territoires qui peuvent répondre à chaque transition spécifique et que vous allez trouver », encourageait-il en direction des chefs d’entreprise. Transition qui, il sait, prendra du temps, d’où la notion même de durabilité. Néanmoins, pour accélérer, le Crédit Agricole s’engage à « se désengager du financement des énergies fossiles » progressivement, de l’ordre de -30 % à l’horizon 2030. En réponse aux critiques qui veulent en finir sans solutions de rechange, « si on ferme demain les stations de services, on a vu que la société n’accepte pas ce type de mesure ». On aimerait qu’il en soit ainsi pour nombre de décisions agricoles et viticoles (fin du glyphosate…). Il donnait deux derniers messages d’espoir en l’avenir : « les énergies renouvelables, c’est une source de prospérité pour réindustrialiser la France et notamment les villes moyennes. La sobriété énergétique n’est pas une contrainte, mais une opportunité d’être sobre en consommation », décorrélait-il ainsi prospérité et croissance macro-économique.

Partir d’un bilan carbone

La parole était ensuite donnée aux témoignages à travers quatre tables rondes. Sur la décarbonation, trajectoire permettant de contribuer à la neutralité carbone, Frédéric Jamet du groupe Efsa insistait sur l’importance de commencer par avoir une « photo » de ses émissions, avec un bilan carbone. Selon le périmètre (Scope 1, 2 ou 3), les émissions comptabilisent plus ou moins de données de l’amont à l’aval. « Mais, plus vous avez de métriques, plus vous serez précis pour agir », bien que souvent les premières actions soient « assez faciles à mettre en place », admettait-il. Mais les faire avant à pour conséquence de ne pas pouvoir le mesurer et communiquer efficacement dessus après. Président du groupe Theos à Paray-le-Monial, Éric Chevallier s’inspire de l’encyclique Laudato si pour s’appliquer « l’écologie intégrale », mêlant harmonieusement l’environnement et l’humain. Sa holding familiale est devenue entreprise à mission (comme Danone par exemple…). Partant de sa centrale d’achat (Le Cèdre), il investit aujourd’hui dans un joailler de luxe à Paris (sans extraction de pierres…) ou dans une usine de granulés de bois à la Guiche. « On achète et on revend à 50 km maximum aux alentours », croyant ainsi aux vertus des circuits courts, lui qui « rêve de multiplier ces petites usines » de 10.000 t de production à l’année. Revenant à son métier premier, pour sa centrale d’achat, « lorsqu’on fait un appel d’offres, avant, on demandait un prix, mais maintenant, on a d’autres considérations et pas que le bilan RSE. On va au-delà. Et si on sent des gens motivés en face, se disant prêt à modifier leurs méthodes, alors on s’y intéresse en Comité directeur », qui peut les soutenir en vue d’y arriver. À la question de la neutralité carbone, Eric Chevallier « cumule de petites choses qui font de grandes » économies, surtout sur les déplacements (marchandises, salariés…). « Pour compenser et arriver à zéro, je préfère donner les 6.000 € à une coopérative qui plante des haies bocagères et qui nous envoie des photos », motivant ainsi ses équipes en interne à pratique « l’écoconduite » en retour, par exemple.

Sobre en énergie juste nécessaire

Un parallèle tout trouvé pour la deuxième table ronde sur l’efficacité énergétique, ainsi résumé par Frédéric Catherin comme « le juste nécessaire », en énergies, que son cabinet Energie 3 prowatt conseille de « récupérer tout ce qui est récupérable ». Il donnait l’exemple des groupes frigorifiques qui produisent du chaud servant à chauffer des bâtiments par ailleurs. « On identifie des zones non efficaces pour les rendre efficaces dans le temps ».

Avec des factures multipliées parfois par dix, depuis la guerre en Ukraine, la « prise de conscience » est réelle côté entreprises qui le sollicitent davantage. Pour Nicolas Bouilloux, président du groupe Essent ! el (plusieurs enseignes commerciales), le « choc » a été réellement le « risque de coupures d’électricité » à l’hiver 2022, lui qui avait auparavant déjà passé tous ses fours de boulangerie du gaz à l’électricité. Mais il n’est pas prêt à tout pour autant, la « note Google » de ses magasins ne doit pas en pâtir et donc pas question de trop baisser le chauffage côté cabines d’essayage de vêtements, avouait-il. En tant que chef d’entreprise, le plus important, selon lui, est surtout de « savoir faire le tri dans les cabinets de conseils et d’audits pour s’orienter vers de bonnes solutions. Sinon, on peut y passer sa vie ». CCI, Ademe, BPI… sont des sources pour aussi être « aiguillé ». Le Crédit Agricole est aussi là pour.

Incitation publique avant des normes obligatoires ?

C’est ce que rappelait Sophie Bonhomme, directrice du secteur Transition énergétique et RSE au Crédit Agricole Centre-Est. « Plus qu’un taux de crédit, choisissez un partenaire », s’inscrivait-elle dans la durée aux côtés des entreprises. Pour elle, pas de doutes, cette transition énergétique « augmente la valeur des entreprises à terme », de ce qui ressort des chiffres des 120.000 entreprises suivies par 3.000 collaborateurs de la caisse régionale. Même si le « millefeuille » des 6.000 aides publiques n’est pas lisible, « des fonds sont fléchés » côté pouvoirs publics, encourageait Thomas Durieux, d’ABF décisions, qui craint qu’après « le risque soit de se faire taper sur les doigts » avec des obligations.

Marc Do Van Tuan préférait conclure sur une note bien plus optimiste. « Dans ce moment de bascule, il existe de multiples solutions, faites de petits pas, entre entreprises en local, par apprentissage collectif, pas au national. Un chemin à faire ensemble, dans la durée, pour que vous réussissiez ».

Photovoltaïque : Autoconsommation ou revente d’électricité ?

Sujet méritant une bonne analyse, le photovoltaïque. Si la technologie est désormais mature, faut-il mieux viser l’autoconsommation ou l’autoproduction avec revente ? Lors de la troisième table ronde, Benoît Jourdan de Digitalsun, répondait honnêtement : « ça dépend ». Si votre installation est déjà collective ou individuelle ; selon votre niveau de consommation ; si votre consommation est plutôt de nuit ; selon votre capacité de financement ; selon la technique (type de structure du bâtiment…)… Parfois mieux vaut revendre tout ou le surplus à un opérateur, type EDF ou autres via un PPA (Power Purchase Agreement). Le retour sur investissement est aujourd’hui compris entre 5 et 13 ans, estime Sophie Laval de Serfim ENR.

Visant le haut de cette fourchette, Adrien Desroches de la cave d’Igé ne saurait trop l’affirmer pour l’heure, l’installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments de la cave ne datant que de début 2022 avec une « entrée en production » cet hiver. L’objectif de la coopérative est d’utiliser au « maximum l’autoconsommation », notamment lors du pic d’utilisation pendant les vendanges/vinifications, et revendre le surplus, soit les « deux tiers » au final sur l’année. Sur cet hiver 2022/2023, la facture d’électricité a déjà baissé de 30 %. La cave est partie sur l’installation de deux centrales en réalité pour un total de 100.000 € investis. Une pour l’autoconsommation et une pour l’autoproduction. « Le plus dur a été l’administratif et l’est encore puisque le contrat n’est pas encore finalisé », prévient-il. En effet, un millefeuille d’aides, de réglementations et d’administrations freine les projets.

Dernier frein à lever et c’est l’ancien président du Crédit Agricole, Jacques Ducerf qui posait la question : « comment assurez certains bâtiments ? », en l’occurrence pour sa scierie, sachant que « même les pompiers hésitent à intervenir » en cas de feux sur site. Sophie Laval conseille donc de plus que jamais respecter « tous les prérequis techniques, construire dans les règles de l’art et obtenir les bons avis techniques ».

Mobilité verte : un mythe moderne !

La dernière table ronde de la matinée posait la question de la mobilité verte. Émilie Stingre-Leconte tordait directement le cou à cette appellation qui n’a pas de définition, qui est certes « plus verte » ou qui « tend vers la décarbonnation. Mais ceux qui s'en revendiquent ou vantent des solutions, s’exposent ou vante du « greenwashing » (écoblanchiment). Si le marché des véhicules électriques pour particulier évolue rapidement, celui des utilitaires pour entreprises semble bloquer aux portes des ZFE (zones à faible émission) instauré ou prochainement dans toutes les métropoles de plus de 150.000 habitants (Paris, Lyon, Dijon…). Ses clients faisant des livraisons dans ces ZFE sont donc « contraints et forcés » alors que leur compétitivité et accès au marché se jouent « aux centimes près » pour l’accès au client dans le dernier kilomètre de livraison.

Derrière les questions d’achat ou de location, il y a aussi toute la gestion de la flotte et les « écueils à lever », comme les bornes et temps de recharges à gérer au travail ou en déplacement. C’est là que Jean-Michel Baylauq arrive avec une solution de « location multimarques et multimarchés ». Ainsi, la filiale du Crédit Agricole, CA Mobility lancera prochainement Agilauto pour « diminuer et partager les flottes de véhicules électriques » entre plusieurs entreprises, avec un système digital de réservation et de gestion. « On mutualise ainsi le risque, notamment à la revente du véhicule », car les technologies – de batteries notamment – évoluent très vite, avant peut-être demain des véhicules à hydrogène.

La caisse régionale est en outre un des co-fondateurs de Solarhona Invest, qui a pour ambition d’investir un milliard d’euros sur dix ans dans des projets photovoltaïques portés par des entreprises, des collectivités ou des agriculteurs, le long de la vallée du Rhône.