EXCLU WEB / L’accord Europe/Nouvelle-Zélande passe mal chez les agriculteurs

Les négociations entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, entamées depuis 2018, se sont subitement accélérées et ont été finalisées par un accord le 30 juin. Une décision qui passe très mal auprès des agriculteurs français, éleveurs en tête. 

EXCLU WEB / L’accord Europe/Nouvelle-Zélande passe mal chez les agriculteurs

Le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande crée d’importants remous au sein de la profession agricole. Il prévoit en effet une croissance des exportations néozélandaises au sein de l’UE, notamment dans le domaine agricole et agroalimentaire. En contrepartie, l’Europe pourra accroitre ses exportations de services et la Nouvelle-Zélande reconnaîtra nos appellations d’origine contrôlée. C’est « une aberration totale » pour la Fédération nationale ovine qui crie au scandale. « Non seulement (cet accord) maintient l’historique des contingents accordés à la Nouvelle-Zélande (228.254 tonnes pour l’UE à 28 et 114.184 tonnes depuis l’UE à 27 en 2021) qui n’ont jamais été consommés totalement par ce pays (seulement 50 % réellement consommés par an), de plus la Commission européenne souhaite leur accorder un contingent supplémentaire de 38.000 tonnes, le tout sans aucune condition imposée ! », s’étrangle la FNO dans un communiqué de presse.

L’interprofession bétail et viandes (Interbev) parle de conclusion de présidence française de l’Union européenne (PFUE) « catastrophique ». Car en plus du contingent ovin, l’accord prévoit l’ouverture du marché européen à droits de douane nuls ou réduits à 10.000 tonnes de viandes bovines néozélandaises. « Une nouvelle fois, l’Europe a fait le choix de brader ses filières d’élevage tout en renonçant à ses engagements récents en matière de souveraineté alimentaire et de durabilité. Et ce, sans que la France ne l’arrête », analyse Interbev dans un communiqué du 1er juillet. À mots à peine couverts, elle dénonce le double langage des instances européennes qui s’étaient engagées à imposer des clauses miroirs dans les accords bilatéraux, notamment en matière de bien-être animal, de traçabilité, d’utilisation de médicaments vétérinaires et de produits phytosanitaires.

Aucun respect des normes

Quant à la Fédération nationale bovine (FNB), elle a écrit une lettre ouverte au président Macron, qualifiant cet accord de « gâchis » et lui demandant des comptes sur la « priorité » agricole de la PFUE qu’étaient les clauses miroirs. Or « avec ce nouvel accord, ce sont des viandes et produits laitiers issus d’élevages du bout du monde utilisant des substances interdites en Europe comme l’atrazine, pour ne citer qu’un seul exemple, qui arriveront à bas prix dans l’assiette de nos consommateurs », écrit la FNB. Il est vrai qu’à l’heure où l’Europe et la France brandissent la souveraineté alimentaire et la nécessité d’être vertueux sur le plan écologique, les éleveurs s’interrogent légitimement sur la nécessité d’importer des produits d’un pays éloigné de 18.000 kilomètres (quid de l’empreinte carbone ?) et qui ne respecte aucune des normes en vigueur en Europe. Pour la FNB, c’est « la preuve irréfutable que rien, depuis le débat sur le Ceta, n’a véritablement changé » et que le message politique est « contradictoire », renchérit la FNO. Pour être appliqué, l’accord doit être ratifié par le Parlement. C’est pourquoi les associations d’éleveurs, FNB en tête, demandent que la France « s’oppose publiquement et sans aucune ambiguïté à la ratification de cet accord ». 

La réaction de la FNSEA et JA

« L’agriculture européenne ne peut plus être une monnaie d’échange ! », ont réagi le 1er juillet la FNSEA et JA dans un communiqué commun. Les deux syndicats agricoles dénoncent « le manque de cohérence entre les politiques publiques européennes » et s’interrogent : « la dimension stratégique de l’agriculture européenne est-elle prise en compte ? Comment un tel accord s’inscrit-il dans le Green Deal et la lutte contre le changement climatique ? ». Les deux organisations poussent l’Europe à appliquer « la réciprocité des normes, et que par des contrôles robustes aux frontières, le chapitre de l’accord dédié au développement durable ne soit pas qu’un miroir aux alouettes ! Il en va de la crédibilité de l’action européenne », insistent-elles. 

L’agriculture : un secteur clé des exportations néozélandaises 

Le secteur agricole représente environ 80 % des exportations de la Nouvelle-Zélande pour un volume d’environ 28 milliards d’euros (Md€) par an de produits laitiers, de viande, de fruits et de vins (Total : 36 Md€ environ). Le principal client de ce pays est la Chine, devant l’Australie et l’Union européenne. La Nouvelle-Zélande est aussi le 9e plus grand producteur de lait au monde. Selon la Banque mondiale, l’agriculture représentait 7 % du PIB et 6 % de la main-d’œuvre totale en 2021.
Les sénateurs français ont, à plusieurs reprises, alerté sur cet accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande, « quant à la méthode de négociation retenue d’une part, et aux conséquences pour certaines filières agricoles d’autre part », soulignait-il récemment.