EXCLU WEB : La Chine au centre des tensions sur les flux et les prix agricoles

Les dirigeants chinois n’hésitent pas à pratiquer des sanctions sur les importations quand ses intérêts l'exigent, qui influencent les cours et les échanges mondiaux. C’est le cas avec l’affaire “Huawei”, au centre d’une bataille avec les États-Unis et le Canada, qui vient de trouver un épilogue.

EXCLU WEB : La Chine au centre des tensions sur les flux et les prix agricoles

A quoi tiennent les échanges et les prix mondiaux des céréales ou des oléagineux ? Pour l’essentiel à l’équilibre ou au déséquilibre de l’offre et de la demande mondiale, elles-mêmes déterminées par de multiples facteurs, prix du pétrole, des monnaies, des crises économiques locales ou globales. Actuellement, la demande mondiale est tellement forte que les cours des céréales et des oléagineux sont au plus haut, blé, maïs, orge, colza, tournesol, et dans une moindre mesure soja et riz. A plus de 250 €/t pour le Rendu Rouen, le blé est au sommet, notamment sous l’effet d’achats chinois. Le colza, de son côté, vient de dépasser les 630 €/t, pour les mêmes causes de pénurie d'offres.

Mais il arrive que ces échanges soient aussi influencés par la géopolitique. C’est le cas avec l’affaire Huawei. Une affaire digne d’un roman d’espionnage avec pour cause la bataille commerciale engagée par l’ancien président Donald Trump entre la Chine et les États-Unis, dont le Canada a fait les frais. Il y a trois ans, les États-Unis ont fait arrêter la fille du dirigeant du groupe géant des télécommunications Huawei, également membre dirigeant du parti communiste. Son délit : avoir fait du commerce avec l’Iran, ce qui est interdit en raison de lois dites extraterritoriales. Installée au Canada,  les autorités canadiennes ont dû procéder à son arrestation, sur injonction américaine.

Fleurs et tapis rouge 

Immédiatement, par mesure de rétorsion, la Chine a suspendu tous les certificats d’importation des plus grandes sociétés canadiennes d’exportation de céréales et de canola, sous prétexte de considérations qualitatives. Pour faire bon poids, elle a arrêté deux ressortissants canadiens en Chine. Accusés d’espionnage, ils viennent de passer plus de 1 000 jours dans des prisons chinoises. Mais l’affaire vient de trouver un épilogue. Tout juste réélu, le président canadien Justin Trudeau a obtenu de l’administration Biden le droit de libérer la dirigeante chinoise du groupe Huawei, qui a été graciée. De retour à la maison, elle a été accueillie à sa descente d’avion sur le sol chinois comme une héroïne, avec fleurs et tapis rouge. De son côté, Justin Trudeau lui-même est venu accueillir ses deux concitoyens pris dans la tourmente, et libérés de concert comme au temps des échanges d’espions durant la guerre froide.

Mais l’arrêt des exportations canadiennes à destination de la Chine a fortement impacté, pendant trois ans, le revenu des producteurs canadiens, pour qui ce pays était un débouché d’importance. A date, les sanctions chinoises vis -à -vis du Canada ne sont pas encore levées et le pays de Xi Jinping s’approvisionne en Europe, en Mer Noire et en Amérique du Sud. En Australie, qui est en butte avec la Chine, une partie des céréales et des oléagineux sont également sous sanctions chinoises et les flux sont réduits. Et l’affaire des sous-marins nucléaires qui vont être fournis par les Américains aux Australiens - au détriment des Français - pour faire face aux menaces chinoises ne va pas arranger les choses.  

Batailles géopolitiques 

Dans l’immédiat, les sanctions chinoises vis-à-vis des Canadiens, qui n’ont pas encore été levées mais qui devraient l’être,  n’auront pas d’impact.  La récolte catastrophique de colza au Canada, de 13 millions de tonnes contre 22 millions de tonnes habituellement, en raison de la sécheresse et de gigantesques incendies, a réduit à néant les capacités d’exportation du pays. La loi de l’offre et de la demande a cette fois raison des batailles géopolitiques. Mais c’est déjà moins le cas pour le soja américain. Malgré ce qui ressemble à un geste d’apaisement de l’équipe Biden dans sa guerre commerciale avec la Chine, avec la libération de la dirigeante chinoise, les chargements de céréales à destination de la Chine sont revus à la baisse, ce qui augure mal du résultat de l’accord signé début 2020 entre le pays dirigé par Xi Jinping et Donald Trump sur un engagement de rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays. En revanche, la Chine augmente ses achats au Brésil, voire en Europe pour des huiles ou de la viande de porc, pour satisfaire aux besoins alimentaires croissants de sa population. Les producteurs français et européens en bénéficient, d’où les cours observés sur les marchés actuellement. Mais on voit que les tensions géopolitiques ont de plus en plus d’importance sur les échanges mondiaux, les flux d’importation et d’exportation, et bien sûr les cours des matières premières agricoles...