Génétique charolaise
Des outils pour sélectionner la qualité de viande en génétique charolaise

Marc Labille
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La découverte d’un second gène culard dans la race charolaise ouvre de nouvelles possibilités en matière de sélection de la qualité de viande. Pour faire naitre des charolais en meilleure adéquation avec la filière, le génotypage est un outil prometteur déjà disponible dans les entreprises de sélection.

Des outils pour sélectionner la qualité de viande en génétique charolaise
Taureau homozygote « Mh/Mh ». Le gène culard Mh est bien connu pour provoquer une forte hypertrophie musculaire dès la naissance, mais aussi pour ses inconvénients en termes de vêlage, les grosses langues, la fragilité cardiaque…

Les liens entre la génétique et la qualité de viande n’ont pas fini de dévoiler leurs secrets. En pointe sur la génétique, la coopérative Elvanovia travaille sur le sujet depuis plusieurs années, misant en particulier sur les avancées de la génomique. L’arrivée des gènes d’intérêt dans l’offre de génotypage de la race charolaise ouvre de nouveaux champs d’investigation. Ce sont les gènes culards qui occupent le devant de la scène aujourd’hui. Connu pour être à l’origine d’une hypertrophie musculaire des animaux, le gène culard n’est en fait pas tout seul. « Il existe neuf gènes culards dans l’espèce bovine et dans la race charolaise, un second gène culard a été découvert en 2019 », présente Pierre Dubois, responsable génétique allaitante à Elvanovia.

La réputation du gène culard Mh…

Le gène culard que l’on connaissait auparavant est le « gène culard Mh » ou « Q204X ». 18 % des animaux charolais sont porteurs de cette mutation : soit ils sont hétérozygotes « Mh/+ », soit ils sont homozygotes « Mh/Mh ». Le gène culard Mh est bien connu pour provoquer une forte hypertrophie musculaire dès la naissance. D’où des problèmes fréquents au vêlage, rappelle Pierre Dubois. Le gène culard historique est aussi réputé pour son impact négatif sur certains organes du bovin : des grosses langues qui handicapent les petits veaux pour téter et une fragilité cardiaque… Cette expression très marquée du gène culard concerne les individus homozygotes « Mh/Mh ». « Dans nos stratégies d’accouplement, on bannit la procréation de charolais Mh/Mh, car ils sont porteurs de caractères négatifs pour la conduite traditionnelle d’élevage. Des taureaux homozygotes sont en revanche utilisés en croisement sur races laitières ou rustiques », indique Pierre Dubois.

Un second gène plus consensuel : le Mh Beef

Un second gène culard révélé en 2019 est le gène « Mh Beef » ou « F94L ». 13 % des animaux sont porteurs de cette mutation. Soit ils sont porteurs hétérozygotes du gène Mh Beef ou « F/+ », soit ils sont porteurs homozygotes « F/F ». Un peu moins répandu que le gène culard Mh, le gène Mh Beef a aussi mois d’impact. Les qualités de viande sont moins prononcées et il dégrade moins les conditions de naissance. Mais les répercussions de ce gène Mh Beef ne sont pas encore parfaitement connues. « Ce gène s’exprime sur le tard au détriment de la précocité. À l’engraissement, c’est la viande qui s’installe en premier, puis le gras », complète Pierre Dubois.

Des bovins qui combinent les deux

À l’heure où la filière est de plus en plus demandeuse sur les qualités de viande, privilégiant le rendement et des carcasses plus légères, la connaissance de ces deux gènes culards est une opportunité. Chacune des deux mutations a certes des inconvénients, mais elle a aussi des avantages, fait remarquer Pierre Dubois. Et dans la population charolaise, on trouve des bovins combinant les deux. Le génotypage des animaux permet d’y voir clair sur la présence de ces gènes. Sur la zone Elvanovia, près de 18.000 femelles et 6.000 mâles charolais ont ainsi été génotypés ce qui permet de connaître leur statut vis-à-vis des gènes Mh (Q204X) et Mh Beef (F94L). 62 % des animaux – une majorité - se révèlent non porteurs des deux gènes. 21 % sont porteurs hétérozygotes du gène culard classique (Mh/+). 14% sont porteurs hétérozygotes du gène Mh Beef (F/+). 1,75% sont porteurs hétérozygotes des deux gènes (Mh/+ et (F/+) et 0,8 % sont porteurs homozygotes du gène Mh Beef (F/F).

Avantage aux doubles hétérozygotes Mh/+ et F/+

Une étude de Gènes Diffusion et de l’Idele a chiffré les effets des gènes Mh et/ou Mh Beef par rapport à un animal non porteur sur le développement musculaire et squelettique, la finesse d’os, la conformation, la croissance carcasse, le rendement, la tendreté, les morceaux nobles. La mutation Mh (Q204X) a des effets deux fois plus forts que la mutation Mh Beef (F94L), rapporte Pierre Dubois qui ajoute que les animaux homozygotes F/F (Mh Beef) ont des performances équivalentes aux animaux hétérozygotes Mh/+ (Mh). Et les effets s’additionnent pour les doubles hétérozygotes Mh/+ et F/+. Ces derniers animaux sont alors les plus impressionnants visuellement, tout en étant performants en engraissement : « c’est le top ! », résume le technicien. À noter que la mutation Mh (Q204X) à l’état hétérozygote, la mutation Mh Beef (F94L) ou les deux, n’entraînent pas d’autres effets significatifs sur les autres caractères mesurés (qualités maternelles, croissance, mortalité…). Ce qui n’est pas le cas de la mutation Mh/Mh. Toutes ces données confirment que les animaux doubles hétérozygotes Mh/+ et F/+ sont les plus intéressants.

« Un charolais plus fin et mieux conformé »

Dotés d’inconvénients, mais pouvant aussi générer des plus-values importantes en termes de performances économiques, Mh et Mh Beef se révèlent d’authentiques gènes d’intérêts. L’usage raisonné de taureaux porteurs Q204X et F94L est un moyen de sélectionner « un charolais plus fin et mieux conformé » donc adapté à la filière. Des outils génétiques permettent de réaliser cette procréation. Le génotypage permet de connaître le statut des taureaux et des femelles à accoupler. Les accouplements peuvent ainsi être réalisés en connaissance de cause, selon que les sujets sont porteurs ou non des gènes d’intérêt. La méthode prend en compte aussi les ascendants dans le cas où les individus ne sont pas génotypés. Les adhérents d’Elvanovia bénéficient de ces progrès en faisant réaliser un planning d’accouplement par leur inséminateur. Un logiciel permet de le faire pour les gènes Mh et Mh Beef, comme il gère aussi la consanguinité, l’Ataxie, etc.

Génotyper les femelles

La première étape indispensable de cette amélioration génétique sur la viande est le génotypage des mâles et des femelles à accoupler. Une offre de massification du génotypage a été lancée par Elvanovia pour la campagne 2021-2022. Elle a bien pris auprès des adhérents de la coopérative qui a atteint ses objectifs en la matière. Proposé à tous les adhérents à des tarifs avantageux, le génotypage concerne les gènes culards mais aussi l’Ataxie (1) et il peut être étendu à d’autres gènes d’intérêt tels que la DEA (1), le Blind (1), le sans corne…, fait valoir Pierre Dubois. Le génotypage permet aussi une évaluation génétique immédiate des animaux comprenant 26 index, complète-t-il. « Certes, le génotypage des femelles représente un investissement, mais une césarienne coûte dix fois plus cher », argumente l’expert.

S’il est encore tôt pour disposer d’indicateurs génétiques sur les qualités propres de la viande, la génomique promet de nouveaux index en ce sens. « De nouveaux index GD Scan sortent régulièrement. On recherche constamment de nouveaux marqueurs sur la qualité de viande qui permettront de créer de nouveaux index. L’objectif est d’arriver à prédire la tendreté, la jutosité, le gras, le persillé…", conclut Pierre Dubois.

 

(1) Gènes porteurs de maladies génétiques.

Thierry Préaud à Digoin : le Gène Mh Beef allie qualité de viande et facilité de vêlage

Thierry Préaud à Digoin : le Gène Mh Beef allie qualité de viande et facilité de vêlage

On recherche le gène Mh Beef pour ses avantages proches de celui du gène culard avec une bonne croissance musculaire et une meilleure qualité de la viande. Mais surtout pour sa facilité de vêlage. Les animaux porteurs du gène Mh Beef n’ont pas de gros gabarits à la naissance et se conforment rapidement par la suite. Pratiquement tout mon cheptel est génotypé et 30 % de mes animaux présentent le gène Mh ou Mh Beef. Je n’ai jamais exclu le gène Mh. J’essaie juste de le maîtriser en gérant les accouplements avec le génotypage. L’objectif est de continuer à développer le gène Mh Beef qui lui peut être homozygote sans souci. Aujourd’hui, on recherche surtout de la facilité de vêlage. Ce gène MH Beef le permet tout en ayant une bonne croissance musculaire ! 75 % de mes mâles reproducteurs ont le gène Mh, Mh Beef ou les deux. Le génotypage me permet de vendre leur génétique avec les bons conseils de croisement.