Production locale
Les beaux sapins, aussi rois en Saône-et-Loire !

Françoise Thomas
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Rencontre avec l’un des rares producteurs de sapins de Noël saône-et-loirien, et sans doute l’unique qui en vive. Situé à Anost, à l’extrême nord-ouest du département à la limite de la Nièvre, Richard Hannoyer a repris la production de son père pour en faire son activité à plein temps. Ou comment quatre semaines de folie se préparent toute l’année…

Les beaux sapins, aussi rois en Saône-et-Loire !

Inutile de demander à Richard Hannoyer combien d’heures il passe auprès de ces sapins ou combien de kilomètres il parcourt à pied chaque année, les chiffres donneraient le tournis. En fait, le producteur de sapins de Noël connait un peu de répit juste avant les fêtes et quelques jours en août. Sinon, il arpente sans cesse ses 40 ha de plantations de sapins de Noël, réparties en une quarantaine de parcelles entre Anost et Roussillon-en-Morvan.

« C’est un métier de passionné : on vit sapin, on mange sapin, on dort sapin », explique-t-il sans exagérer. Et sa passion pour le travail bien fait transparait à travers ses propos et l’entrain qu’il met à expliquer son métier.
Il y a sept ans qu’il a repris l’exploitation de son père qui la tenait lui-même de son père. « Mon grand-père avait quelques vaches et avait planté un peu de sapins pour faire un complément de revenus. Mon père a continué cette production tout en travaillant à l’usine en parallèle ». Quand Richard Hannoyer a pris la suite, il a choisi d’en faire son unique activé. Pour cela, il a agrandi les surfaces plantées et s’est mécanisé avec notamment l’achat d’un enjambeur.
Aujourd’hui, la production de la SCEA Anosapins avoisine les 30.000 sapins. « Ils vont de 40 cm à 2,5 m – 3 m. Ce sont à 70 % des nordmann, 20 % des épicéas et 10 % des pungens, les petits sapins à floquer ».

La douche froide 

En terme de commercialisation, il vend plus de la moitié de sa production à deux grossistes, un régional, le second en région parisienne. Le reste est écoulé à un floqueur et en vente directe. « J’ai ces mêmes clients d’une année sur l’autre », c’est donc dans l’absolu une affaire qui roule… jusqu’à une année comme 2020 où le producteur, comme l’ensemble de la filière, a vécu « une semaine d’incertitude à ne plus dormir ». Il faut dire que pour le secteur le gros rush se situe de fin octobre à fin novembre, quatre semaines très intenses pendant lesquelles il faut couper les arbres marqués, les empaqueter, les expédier. « Je venais de commencer la campagne de coupe quand l’un de mes grossistes m’appelle et me dit ‘’arrête tout on ne vend rien !’’ ».
Avec un rythme de 2.000 sapins coupés quotidiennement, et après quelques jours déjà passés à cette activité, on comprend que l’annonce du deuxième confinement a été une véritable douche froide. La décision du gouvernement d’autoriser malgré tout la vente de sapin en extérieur a finalement été très vite rassurante et la filière a pu reprendre son organisation habituelle. « Je remarque juste plus de commandes de la part des associations de parents d’élèves, certaines personnes ont dû avoir peur de ne pas pouvoir acheter leur sapin en grande surface ». En parallèle, une seule école n’a pas passé commande cette année, son traditionnel marché de Noël ayant été annulé.

Des essais

Les 4.000 spécimens écoulés en vente directe sont tous des premiers choix. Cela traduit l’objectif qualité que s’est fixé Richard Hannoyer. Il bénéficie de la certification Plante Bleue niveau 2 qui implique un travail du sol et des traitements raisonnés, ce qu’a toujours fait naturellement le producteur. Le fait d’arpenter ses parcelles comme il le fait toute l’année lui permet d’être au fait des problèmes rencontrés par chacun de ses arbres et de pouvoir réagir vite et ponctuellement. Avec la fin annoncée de certaines substances actives, il s’inscrit dans « une démarche de transition » et procède à des essais. Il s’est équipé d’un pulvérisateur au cache pour localiser les traitements, il tond certaines parcelles plutôt que de les désherber, « nous faisons analyser le sol mais aussi les aiguilles pour déterminer les besoins des sapins », et ainsi procéder au juste apport d’engrais et d’oligo-éléments.
Tout un ensemble de mesures permettant à Richard Hannoyer d’avoir une conduite très raisonnée tout en tentant de faire face à la sécheresse.
Celle-ci lui a coûté 40 % de ses jeunes plants en 2019, 20 % à nouveau cette année : « ils sont comme brûlés sur place ». Du coup, il a dû replanter cette année plusieurs milliers de nordmann à l’automne et de cette mésaventure, il envisage déjà de s’orienter vers une nouvelle conduite en augmentant les plantations à l’automne si cela permet aux jeunes plants d’être moins sensibles aux épisodes de sécheresse et de coups de chaleur. Cela allègerait aussi un peu la charge de travail du printemps.

On comprend vite avec Richard Hannoyer que bichonner des sapins de Noël est un travail à temps plein et surtout sur toute l’année. « La qualité paie, mais cela représente six jour et demi de travail par semaine » … On est donc loin du cliché du sapin qui pousse tout seul : cette filière aussi est une affaire de professionnels investis.

Une taille manuelle

Une taille manuelle

Richard Hannoyer vise la qualité et pour cela pas de secret, « je passe six mois de l’année avec la cisaille à la main ». Alors certes il s’est mécanisé mais pas pour cette activité-là pour laquelle rien ne remplace l’œil du producteur et la précision et la justesse de son intervention manuelle. Il forme ainsi chacun de ces spécimens pour les harmoniser au mieux, les emmener progressivement vers cette forme conique et à la bonne hauteur qui font leur succès une fois dans nos maisons, donner le plus de chances à chacun d’entre eux de passer de la catégorie standard à celle de premier choix. Ainsi il taille à la cisaille au printemps et revient en juin « casser le chapeau », ou « pelucher » c’est-à-dire casser les jeunes pousses. C’est en août que tombe le verdict pour chaque arbre, période de marquage qui détermine s’il sera coupé à l’automne et dans quelle catégorie et pour quelle dimension il sera vendu. Si Richard Hannoyer travaille seul sur l’exploitation la majeure partie du temps, il a besoin de bras supplémentaires pour le rush de l’automne. Ainsi sur cette période de coupe, de préparation des commandes et de livraisons, une demi-douzaine de saisonniers vient prêter main forte.